Traduction par Louis Labat.
Édition Pierre Lafitte (p. 31-45).

III

LE DRAME DE BIRLSTONE.


On permettra que je laisse un instant de côté mon humble personne pour exposer, à la lumière de nos renseignements ultérieurs, les événements qui précédèrent notre arrivée sur la scène du drame. Ainsi seulement on pourra juger des personnages et connaître l’étrange décor où s’encadra leur destin.

Le village de Birlstone est un très ancien petit groupe de cottages en pan de bois, sur la limite nord du comté de Sussex. Il n’a subi aucune altération durant des siècles ; mais, dans ces dernières années, sa situation et son pittoresque ont attiré un certain nombre de riches résidents, dont les villas clignent de l’œil à travers les futaies d’alentour. Dans le pays, on considère ces futaies comme constituant la lisière extrême de la forêt de Weald, qui va s’amincissant de plus en plus vers les dunes crayeuses du nord. Quelques petits magasins ont commencé de s’installer à Birlstone pour les besoins de la population nouvelle, en sorte qu’on peut prévoir le jour où ce village suranné aura fait place à une ville moderne. Il est le centre d’une région très étendue, puisqu’on doit aller jusqu’à Tunbridge Wells, à dix ou quinze milles dans l’est, sur les confins du Kent, pour rencontrer une autre localité tant soit peu importante.

À un demi-mille environ de la ville, dans un très vieux parc fameux par ses énormes hêtres, se dresse le manoir de Birlstone. Une partie de ce vénérable édifice date de la première croisade : au centre du domaine que lui avait octroyé Guillaume le Roux, Hugo de Capus bâtit à l’époque une petite forteresse, que le feu détruisit en 1543, et dont quelques pierres angulaires, noircies par la fumée, furent utilisées quand, sous les Stuarts, une maison de campagne construite en briques fit table rase du château féodal. Le manoir, avec ses nombreux pignons et ses fenêtres à losanges, demeurait tel que son propriétaire l’avait laissé au début du xviie siècle. Des deux fossés qui gardaient la demeure à laquelle il s’était substitué, on avait asséché le plus grand, pour le transformer en jardin potager. L’autre continuait d’enceindre la maison. Il mesurait quarante pieds de large, mais n’avait guère que quelques pieds de profondeur. Un petit ruisseau l’alimentait et le prolongeait, de sorte que l’eau, bien que trouble, n’en était ni croupissante ni malsaine ; les fenêtres du rez-de-chaussée en dominaient d’un pied à peine la surface. On n’accédait au château que par un pont-levis, dont les chaînes et le tambour, rongés par la rouille, étaient longtemps restés hors d’usage ; mais les derniers occupants du manoir, avec une énergie bien caractéristique, avaient tout fait remettre en état, et non seulement le pont-levis pouvait maintenant fonctionner, mais on le remontait chaque soir et on le rebaissait chaque matin. Par cette coutume renouvelée de la féodalité, le manoir s’isolait toutes les nuits dans son île, ce qui allait avoir une portée directe sur les mystérieux événements appelés à retentir bientôt dans toute l’Angleterre.

La maison, inhabitée depuis plusieurs années, menaçait de se délabrer quand les Douglas en prirent possession. La famille ne comprenait que deux personnes : Douglas et sa femme. Douglas était un homme également remarquable au moral et au physique. Âgé d’à peu près cinquante ans, les mâchoires puissantes, les traits rudes, la moustache grisonnante, les yeux d’un bleu gris très particulier, on sentait, dans tous ses membres nerveux et vigoureux, le ressort, la souplesse intacte de la jeunesse. Cordial et gai vis-à-vis de tout le monde, il donnait pourtant quelquefois, par une certaine brusquerie de manières, l’impression d’avoir vécu dans un milieu moins relevé que la société du Sussex, et il inspirait à ses voisins plus cultivés une curiosité mêlée de réserve. En revanche, il ne tarda pas d’acquérir une grande popularité parmi les gens du village. Il souscrivait magnifiquement à leurs œuvres, assistait à leurs concerts-fumeries, à leurs fêtes ; et, doué d’une belle voix de ténor, se montrait, en toute occurrence, empressé à les obliger en leur prêtant le concours de son chant. Il semblait avoir une grosse fortune, gagnée, disait-on, dans les mines d’or de Californie ; et ses propos, comme ceux de sa femme, indiquaient qu’il avait passé une partie de sa vie en Amérique. La bonne impression produite par ses générosités et par ses façons démocratiques était accrue par une réputation d’absolue indifférence au danger. Très mauvais cavalier, il n’était pas moins de toutes les chasses et faisait des culbutes inouïes en voulant à tout prix avoir raison de sa bête. Lors d’un incendie chez le vicaire, il se signala par l’intrépidité avec laquelle il entra plusieurs fois de suite dans la maison pour sauver le mobilier après que les pompiers eurent déclaré la chose impossible. Des traits de ce genre avaient fini par lui valoir, en cinq ans, une espèce de célébrité à Birlstone.

Sa femme ne rencontrait pas une moindre sympathie chez ceux qui l’approchaient. Il est vrai que nos usages réduisaient à peu le nombre de ses connaissances : étrangère au pays et venue s’y établir sans lettres d’introduction, elle ne recevait guère de visites. Elle s’accommodait de la retraite, sans doute par disposition naturelle ; le soin de son mari, de sa maison, semblait l’absorber totalement. On savait qu’elle était Anglaise, qu’elle avait rencontré Douglas à Londres, et qu’à cette époque il était veuf. Belle, brune, élancée, elle pouvait avoir quelque vingt ans de moins que lui, mais cette disparité n’avait pas l’air de contrarier beaucoup l’harmonie du ménage. Pourtant, ceux qui les voyaient un peu s’avisèrent parfois qu’il ne régnait pas entre eux une confiance absolue ; car l’extrême discrétion de la femme en ce qui concernait le passé du mari montrait que, vraisemblablement, elle en était mal informée. Quelques observateurs avaient, en outre, surpris certains signes de nervosité chez Mrs. Douglas : elle manifestait la plus vive inquiétude dès que son mari absent tardait à revenir. Dans le calme de ces coins de campagne où l’on accueille avec empressement la moindre rumeur, cette faiblesse de la dame du manoir ne manqua pas de provoquer les commentaires, et le souvenir s’en amplifia dans la mémoire des gens quand les événements lui donnèrent une signification.

Il y avait, sous le toit des Douglas, un troisième personnage. Celui-ci n’y faisait, à la vérité, que des séjours intermittents, mais il s’y trouvait au moment du drame, et son nom courut bientôt dans le public. C’était Cecil James Barker, de Hales Lodge, Hampstead. La grande rue de Birlstone regardait souvent passer sa longue silhouette dégingandée. Il ne pouvait moins faire qu’attirer l’attention. Il était, au su de chacun, le seul ami du temps passé que Douglas eût introduit dans sa nouvelle existence. Tout, en lui, accusait indéniablement son origine anglaise ; mais on savait par lui-même qu’il avait connu Douglas en Amérique et vécu dans son intimité. Ses dehors étaient ceux d’un homme très riche. On le disait célibataire. Plus jeune que Douglas, il n’avait certainement pas dépassé quarante-cinq ans. Grand, droit, largement bâti, le visage glabre d’un champion de lutte, il possédait, sous d’épaisses touffes de sourcils noirs, deux yeux impérieux qui, sans l’aide de ses fortes mains, eussent suffi à écarter devant lui une foule hostile. Il ne chassait ni ne montait à cheval ; mais il flânait des journées entières, la pipe à la bouche, autour du vieux village ; ou bien, en compagnie de son hôte, quand son hôte était là, et de son hôtesse quand Douglas était absent, il parcourait en voiture la belle campagne environnante. « Un brave monsieur, sans façon, et qui a la main ouverte », disait de lui Ames, le maître d’hôtel. Affectueux et familier avec Douglas, il ne témoignait pas une moindre amitié à sa femme : ce qui provoquait des accès d’humeur chez le mari, à tel point que les domestiques s’en apercevaient. En dehors de lui, qui partageait la vie de la famille quand survint la catastrophe, le manoir abritait un nombreux personnel. Il suffira de citer ici l’imposant, l’excellent, le respectable Ames, et Mrs. Allen, une alerte et joyeuse personne, qui aidait Mrs. Douglas dans le gouvernement de la maison. Les six autres serviteurs ne se trouvèrent en rien mêlés aux événements de la nuit du 6 janvier.

Donc, cette nuit-là, vers onze heures quarante-cinq, Mr. Cecil Barker arriva, tout courant et très ému, devant le petit poste de police que commandait le sergent Wilson, des constables du Sussex, et tira furieusement la sonnette. Il venait de se passer au manoir une chose terrible : Mr. John Douglas avait été assassiné. Barker jeta d’un trait la nouvelle, et repartit précipitamment, suivi à bref intervalle par le sergent, qui, n’ayant pris que le temps d’avertir les autorités du comté, fut dès minuit sur le lieu du crime.

En se présentant au manoir, le sergent trouva le pont-levis baissé, les fenêtres éclairées, toute la maison sens dessus dessous. Les domestiques, blêmes, se pressaient dans le hall ; le maître d’hôtel, épouvanté, se tordait les mains à l’entrée. Seul, Cecil Barker dominait son émotion. Il ouvrit la première porte et montra le chemin au sergent. Sur ces entrefaites arriva le docteur Wood, praticien actif et expérimenté, qui était le médecin du village. Les trois hommes pénétrèrent de compagnie dans la chambre fatale. Le malheureux maître d’hôtel, venant derrière eux, s’empressa de pousser la porte, afin de cacher aux femmes de chambre le tragique spectacle qui s’offrait. Le mort gisait tout de son long, sur le dos, au centre de la pièce, vêtu d’une robe de chambre passée sur la chemise de nuit, les pieds nus dans des chaussons de tapisserie. Le docteur s’agenouilla près du corps, en s’éclairant d’une petite lampe prise sur la table ; un coup d’œil lui suffit pour reconnaître que tous les efforts de son art seraient vains. Douglas portait d’atroces blessures. En travers de sa poitrine était posée une arme curieuse, un fusil de chasse dont on avait scié le double canon à un pied des gâchettes. Il était clair qu’on avait tiré sur Douglas à bout portant, et que la charge l’avait frappé en plein visage, faisant voler la tête en éclats. Les deux gâchettes avaient été reliées par un fil de fer, de façon à rendre les deux décharges simultanées et plus meurtrières.

Notre policier villageois ne put se défendre d’une certaine agitation en voyant fondre sur lui une responsabilité si redoutable.

« Je ne veux pas qu’on touche rien avant l’arrivée de mes chefs, dit-il à voix basse, en contemplant avec horreur le cadavre défiguré.

— On n’a rien touché jusqu’à présent, dit Cecil Barker. J’en réponds. Vous voyez tout dans l’état où je l’ai trouvé moi-même. »

Tirant un carnet de sa poche :

« Quelle heure était-il ? demanda le sergent.

— Onze heures et demie précises. Je n’avais pas commencé à me dévêtir. Je m’attardais près du feu, chez moi, quand j’entendis la détonation. Une détonation sourde, comme voilée. Je m’élançai. Je crois bien que je fus ici en moins de trente secondes.

— La porte était-elle ouverte ?

— Oui. J’aperçus le pauvre Douglas à la place et dans la position que voilà. La bougie qu’il avait apportée de sa chambre brûlait sur la table. C’est moi qui, quelques minutes après, allumai la lampe.

— Personne dans la pièce ?

— Personne. J’entendis dans l’escalier Mrs. Douglas. Pour lui épargner l’horreur du tableau qui l’attendait, je courus à sa rencontre. Mrs. Allen, la gouvernante, survint et emmena sa maîtresse. Ames arrivant là-dessus, je rentrai avec lui dans la chambre.

— J’avais compris qu’on remontait le pont-levis chaque soir ?

— Il était remonté, puisque, pour sortir, j’ai dû le redescendre.

— Comment, dans ces conditions, un meurtrier aurait-il pris la fuite ? Impossible ! Nous sommes devant un suicide.

— Je l’ai cru d’abord. Mais voyez… »

Barker écarta le rideau : la longue fenêtre losangée apparut grande ouverte.

« Et ceci encore… »

À la lumière de la lampe, il montrait, sur l’appui de bois, une tache qui semblait l’empreinte sanglante d’une semelle.

« Vous voulez dire que l’assassin aura traversé le fossé ?

— Précisément.

— Donc, puisque vous êtes rentré ici dans les trente secondes qui ont suivi le crime, l’homme était dans l’eau à ce moment ?

— Sans aucun doute. Plût à Dieu que j’eusse couru vers la fenêtre ! Mais le rideau la masquait, comme vous venez de le voir, et je n’y ai pas songé. Puis j’ai entendu le pas de Mrs. Douglas. Je ne pouvais la laisser entrer, c’eût été trop pénible !

— Certes ! fit le docteur, regardant la tête fracassée. Je ne me rappelle rien de pareil depuis l’accident du chemin de fer de Birlstone.

— Voyons, reprit le sergent, dont le bon sens campagnard un peu lent s’attardait à la question de la fenêtre ouverte ; voyons… Vous dites qu’un homme s’est sauvé en traversant le fossé. Soit. Mais je vous demande, moi, comment, le pont-levis étant remonté, il a pu pénétrer dans la maison ?

— Ah ! voilà bien la question, dit Barker.

— À quelle heure avait-on remonté le pont-levis ? »

Ce fut Ames qui répondit :

« Vers six heures.

— Si je ne me trompe, poursuivit le sergent, on le remontait habituellement au coucher du soleil. Or, en cette saison, l’heure du coucher du soleil est plus proche de quatre heures et demie que de six.

— Mrs. Douglas offrait le thé à quelques visiteurs. On ne pouvait remonter le pont avant leur départ. J’ai roulé moi-même les chaînes.

— Voici donc ou je veux en venir, conclut le sergent. Si un ou plusieurs individus ont pénétré dans la maison, ils ont dû franchir le pont avant six heures du soir, et demeurer cachés dans cette pièce jusqu’au moment où Mr. Douglas y est entré, après onze heures.

— Parfaitement, Mr. Douglas faisait chaque soir sa ronde, pour s’assurer qu’on avait bien éteint les lumières. Quand il arriva dans cette chambre, le meurtrier, qui l’y attendait, fit feu sur lui, et se sauva par la fenêtre en abandonnant son arme. Je ne saurais mieux m’expliquer le fait. »

À ce moment, le sergent se baissa pour ramasser une carte qui traînait sur le parquet, près du cadavre. On y voyait, grossièrement tracées à l’encre, les initiales V. V., surmontant le numéro 341.

« Qu’est-ce que cette carte ? demanda-t-il en la portant à la lumière.

— Je ne l’avais pas remarquée, dit Barker, l’examinant avec surprise. Sans doute le meurtrier l’aura laissée derrière lui.

— V. V. 341… Je ne comprends pas. »

Le sergent tournait et retournait le bout de carton entre ses gros doigts.

« V. V…, qu’est-ce que cela peut bien être ? Les initiales de quelqu’un, apparemment. Mais qu’avez-vous là, docteur Wood ? »

C’était un gros marteau, un solide marteau d’ouvrier, que le docteur venait d’apercevoir sur le tapis du foyer. En même temps, Cecil Barker montrait, au-dessus de la cheminée, une boîte de clous à tête de cuivre.

« Mr. Douglas s’occupait, hier, à changer ses tableaux de place. Je l’ai vu grimper sur la chaise que voilà pour accrocher cette grande toile.

— Remettons le marteau où il se trouvait, fit le sergent, en se grattant le front d’un air perplexe. Les meilleures caboches de la police ne seront pas de trop pour venir à bout de cette affaire. On en parlera tant soit peu à Londres avant qu’elle soit éclaircie. »

La lampe à la main, il se mit à faire, lentement, le tour de la chambre. Soudain, poussant le rideau sur l’un des côtés :

« Holà ! s’écria-t-il d’un air très excité, quand avait-on fermé ce rideau ?

— Quand on avait allumé les lampes, répondit le maître d’hôtel. Un peu après quatre heures.

— Évidemment, quelqu’un s’est caché ici. »

Le sergent abaissa la lumière : il y avait, au coin de la fenêtre, des traces de chaussures.

« Je conviens que cela confirme votre théorie, monsieur Barker. L’homme a dû pénétrer dans la maison après quatre heures, quand les rideaux étaient déjà fermés, et avant six heures, puisque c’est vers six heures qu’on a remonté le pont. Cette pièce était la première qui s’offrît sur son passage : il s’y glissa. N’y voyant pas d’autre cachette, il se blottit derrière ce rideau. Tout cela paraît clair. Il se proposait vraisemblablement de cambrioler la maison. Par hasard, Mr. Douglas survint : il le tua et s’enfuit.

— D’accord, dit Barker. Mais ne perdons-nous pas un temps précieux ? Et ne devrions-nous pas battre le pays avant que notre homme ait pris de la distance ? »

Le sergent réfléchit une minute.

« Pas de train avant six heures du matin ; donc, impossible qu’il se sauve par le chemin de fer. Sur la route, il y a des chances qu’il se fasse remarquer, avec ses jambes ruisselantes. D’ailleurs, je ne peux m’éloigner d’ici sans qu’on me relève. Mais je crois qu’en attendant mieux quelqu’un d’entre vous pourrait dès maintenant se mettre en quête. »

Le docteur, qui avait à son tour pris la lampe, examinait le cadavre.

« Que signifie cette marque ? demanda-t-il. Aurait-elle un rapport avec le drame ? »

Le bras droit du mort, sortant de la robe de chambre, se montrait à nu jusqu’à la hauteur du coude, et vers le milieu de l’avant-bras un curieux dessin brun, qui représentait un triangle inscrit dans un cercle, se détachait vivement sur la pâleur graisseuse de la peau.

« Ce n’est pas un tatouage, fit-il, en lorgnant au travers de ses lunettes. Je n’ai jamais rien vu de semblable. Cet homme a été marqué jadis de la même façon qu’on marque le bétail. Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Je ne prétends pas savoir ce que cela veut dire, intervint Cecil Barker ; il y a bien dix ans que je vois sur Douglas cette marque.

— Et moi, confirma le maître d’hôtel, je l’ai observée bien des fois quand il relevait ses manches. Même que je me demandais ce que ça pouvait être.

— Alors, ça n’a rien de commun avec le crime, prononça le sergent. Mais c’est chose bizarre. Tout, dans cette affaire, est bizarre. Eh bien, qu’y a-t-il encore ? »

Le maître d’hôtel venait de pousser un cri : une des mains de la victime s’étalait sur le parquet ; il la désignait du geste.

« On lui a pris son anneau de mariage, bégaya-t-il.

— Quoi ?

— On lui a pris son anneau de mariage. Il le portait toujours au petit doigt de la main gauche. Dessus, il mettait une pépite brute. Et il avait au troisième doigt une bague torse en forme de serpent. Voici la pépite, voici le serpent : l’anneau a disparu.

— Cette déclaration, dit Barker, est exacte. »

Le sergent précise :

« Si je vous entends bien, l’anneau était sous la pépite ?

— Toujours !

— De sorte que le meurtrier, ou qui que ce soit, aura d’abord enlevé ce que vous dénommez la pépite, puis fait disparaître l’anneau, puis remis la pépite en place ?

— C’est cela même. »

Le digne policier campagnard hocha la tête.

« Plus tôt nous en référerons à Londres, mieux ça vaudra, fit-il. White Mason est un homme très malin ; il n’y a jamais eu d’affaire locale qu’il n’ait débrouillée. N’empêche qu’à mon avis, si nous voulons voir le bout de cette histoire, il faudra que Londres s’en mêle. Je le dis sans honte : elle n’est pas faite pour des gens comme moi. »