La Source du gros-fessier des nourrices/03

Enſuyt la Complaincte.

Monſieur le Cul.



MAulditz ſoient ces beaux Inventeurs,
Ces Coyons, ces Paſſementeurs,
De Vertugalles & de Vaſquines,
Que portent ung tas de muſquines
Pour donner air à leur devant,
De telle ſorte que le vent
Me donne tant droit à la barbe,
Qu’il n’y a caſſe ni rubarbe
Qui me garde detrucheter
Quand on vient à les crocheter,
Dont i’ai maints aſſautz & allarmes,
Tellement que ſouvent les larmes
En tombent & me ſont ſuer
À force de m’en remuer.
Voyla la peine que i’en porte,
Que le grand dyable les emporte
Et eulx & leurs inventions
Et les abominations
Que ces eſtrangers nous enſeignent,
Dont les playes ſeigneront & ſeignent
De ma part i’en ſuis morfondu ;
Car le devant pour ce eſtendu

Au moyen de ces vertugalles
M’a cauſé tant de rogne & galles
De cyrons & boutons de May
Que i’en parle tout enrumay.
Ay-ie donc pas bonne raiſon
Voyant feu en la maiſon
De mon prochain qui me tourmente
Par force & peine vehemente,
De me plaindre & me courroucer,
De me voir tant de fois verſer.
Ung temps feuſt avant tels uſaiges
Lorſque les femmes eſtoient bien ſaiges,
Devinez, Lecteurs, quand c’étoit,
Que tant on ne me tourmentoit ?
Ce fut quand les cottes ſerrées
Rendoient les Dames aſſeurées
Des iolys babilz & caquetz
Des plus grandz & petis muquetz
D’amours, car quoy en muguettant
Pour avoir ce que l’on prétend
Une heure ou deux on deviſoit,
Cependant que l’on aviſoit
Le lieu convenable & propice
Pour donner droit en la matrice
On babilloit ſoir & matin,
On baiſoit taſtant le tetin,
On mettoit la main ſoubz la cotte,

On taſtoit la cuyſſe & la motte,
Et cependant que i’eſcoutoys
Ces beaulx propos, ie m’appreſtoys
Et donnoys ordre à mon affaire,
Me doubtant qu’on me vouloit faire,
Ou à mon voiſin un lardon
D’ung pied ou demy de bourdon ;
Auſſi quand propos on tenoit
Quelque homme ou femme ſurvenoit,
Avant que tout fût débattu,
Qui me gardoit d’eſtre battu ?
Ainſi ie n’eſtois point ſurpris,
Mais maintenant qu’on a appris
Moyen qui de l’autre s’eſgare,
Ie ſuis frappé ſans dire gare ;
Et le mal tombe ſur ma tête
Auparavant que ie m’appreſte,
Eſtant touſiours prins en ſurſault,
D’aultant qu’on leve ſi très-hault
Ses vertugalles promptement
Que l’on voit tout apertement
La buthe où chaſcun veult tirer
Soubz l’eſpoir de me martyrer,
Et n’ay loyſir de m’appreſter,
Qu’on me commence à culleter,
Parquoi i’endure tant de peine,
Que ſouvent en ſuis hors d’alleine

Que l’on diroit eſtre punaiſe,
Tant on m’en ſent, mal à mon aiſe
Et ay le cerveau eſventé
D’eſtre en la ſorte tourmenté,
Qui bien ſouvent me rend reſvant,
Qu’à tous les Dyables le devant
Qui faict tant de mal au derriere,
Et n’y a Dame ou Chambriere
Qui ne veuille s’entremeſler
Aulcune foys de m’eſbranſler :
Depuis qu’on les a inventées
On voit les femmes effrontées,
Et ſi elles ſont renverſées
On les voit iuſques à la freſſure,
Et ne ſçauroient leur Con cacher,
Quand quelqu’un les voudroit faſcher.
Lucifer en fut l’inventeur,
Ou Fricaſſe ſon ſerviteur,
Affin de faire traverſer
Ceulx qui taſchent à les bercer,
Celles auſſi qui ſont bercées,
Et par tant de foys renverſées,
Qu’icy, & en autre cartier
Ils ne cherchent autre métier,
Quoy que l’on en dye ou barbouille
Car ce vent du bas qui chatouille
Leur devant, les faict ſouhaiter

Quelque muguet pour les gratter ;
Cependant il n’y a que moy
Qui en faict ſoucy & eſmoy,
Et me fault le travail choiſir
Pour donner à l’autre plaiſir.
Sus cela qu’en voulez-vous dire,
Y a t-il matiere de rire ?
De veoir ma cauſe ainſi fouller,
Car choſe n’eſt tant eſbranlée
Sona-t-on pour un treſpaſſé
Que ie ſuis qui m’en ſens caſſé,
Et ſi n’ay trou, ſens, ne mougnon
Qui ne ſerve à mon compaignon.
Quand mon compaignon rit & dance,
I’obſerve après lui la cadence ;
Car les Dames aux talons courtz
Peuvent bien peau ſans mon ſecours,
Et n’y a point de friandiſe
Sans mon aide à la marchandiſe.
Qu’il ſoit ainfi ie m’en rapporte
Aux amis de la baſſe porte,
Et comment ilz ſont angoueſſeux
Quant ils me ſentent pareſſeux ;
Et au contraire quand ie trotte
Il n’y a femme tant ſoit ſotte,
Et mal appriſe au ieu du bas
Qui ne donne ioie & eſbas.

Auſſi ſans moi il ne peult rien,
Car c’eſt moi qui lui fais ce bien
De lui monſtrer ſon remuëment.
A qui, pourquoy, où, & comment
Il doit trotter, mouvoir, ſaillir
Quand quelqu’un le vient aſſaillir
Et comme il faut faire l’extroicte,
Or voyez comment on me traicte
Pour à tel bien & faicts reſpondre,
On me faict tous les iours morfondre
Au moyen des habitz recentz
Dont ie iure par mes cinq ſens
Qu’elles mueront ou ie mueray,
Et iamais ne me remueray
En deſpit de tous leurs babilz
S’elles ne changent leurs habitz ;
Mais ie manquerroys voluntiers
Selles treuvent en leurs pſaultiers
Que telz habitz au tour cordez
Leur ſoient ſelon Dieu concedez,
Deſquels leur devant eſt coiffé.
I’ai grant paour d’en eſtre chauffé
Après que i’auray bien ſouffert
Au millieu & profond d’enfer ;
Ce n’eſt pas tout ſi ung miſſerre
Faict la court ſoubdain ie me ſerre
De frayeur que tel bravouſin

Ne me prenne pour mon voyſin,
Car ces vertugalles ouvertes
Rendent ces feſſes découvertes,
Et moy auſſi le plus ſouvent,
Auſſi ſoudain que le devant,
Qui faict qu’à terre ie me vaultre,
Aiant paour de l’ung & de l’autre,
Pourtant ie les veulx adviſer
Sans plus longuement déviſer,
À leurs habitz qu’ilz donnent ordre
Tant qu’on n’y treuve plus que mordre,
Ou contre elles me faſcheray,
Et de mon vent leur laſcheray
Si très-punays, & ſi très-ord,
Qu’il ne reſtera plus que la mort ;
Et s’il advient que quelque amy
Me treuve au combat endormy,
En la grande néceſſité
Dye que ie ſuis irrité
Pour ces habillementz nouveaux
Qu’ont inventé ces ieunes veaux.