La Perle/Sur la maladie de François Ier

Louis Janet (p. 14-15).


SUR
LA MALADIE DE FRANÇOIS Ier.


Rendez tout un peuple content,
Ô vous, nostre seule espérance,
Dieu ! celluy que vous aimez tant,
Est en maladie et souffrance.
En vous seul il a sa fiance.
Hélas ! c’est vostre vray David ;
Car de vous a vraye science :
Vous vivez en luy, tant qu’il vit.

De toutes ses grâces et dons
A vous seul a rendu la gloii’e ;
Par quoi les mains à vous tendons,
Afin qu’ayez de luy mémoire.
Puisqu’il vous plaist luy faire boire
Vostre calice de douleur.
Donnez à nature victoire
Sur son mal, et nostre malheur.

Le désir du bien que j’attends,
Me donne de travail matière.

Et me semble que ma litière
Ne bouge ou retourne en arrière[1] ;
Tant j’ay de m’avancer désir !
Ô qu’elle est longue la carrière
Où à la fin gist mon plaisir !

Je regarde de tout costé
Pour voir s’il n’arrive personne,
Priant la céleste bonté
Que la santé à mon roy donne ;
Quant nul ne voy, l’œuil j’abandonne
A plorer, puis sur le papier
Un peu de ma douleur j’ordonne :
Voilà mon douloureux métier.

Ô qu’il sera le bienvenu
Celluy qui, frappant à ma porte,
Dira : Le roy est revenu
En sa santé très bonne et forte :
Alors sa sœur, plus mal que morte,
Courra baiser le messager
Oui telles nouvelles apporte.
Que son frère est hors de danger.

Marguerite de Valois, reine de Navarre.

  1. Elle était en route pour aller visiter François Ier, son
    frère, prisonnier à Madrid.