Texte établi par préf. Jean CocteauJ. B. Janin (p. 11-13).


Georgette Leblanc, née en 1869 à Rouen, était la fille d’un armateur de cette ville et la sœur du romancier Maurice Leblanc.

Engagée à l’Opéra-Comique où elle créa avec un grand succès le rôle de Françoise dans L’Attaque du Moulin d’Alfred Bruneau. Enthousiasmée par les premiers livres de Maeterlinck, elle décida d’approcher son idole littéraire. Et abandonnant ses premiers amis français, les Rose-Croix, le Sâr Peladan, Elémir Bourges, Rollinat, Armand Point, elle signa un contrat avec le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Georgette Leblanc interpréta sur cette scène Carmen d’une façon singulière, Thaïs, et créa La Navarraise de Massenet. Présentée à Maeterlinck, elle plut à celui qu’elle admirait et devint la compagne du poète de 1895 à 1918. Pendant ces vingt années d’intimité amoureuse et spirituelle, elle fut la collaboratrice et l’interprète de l’auteur de La Sagesse et la Destinée et de Pelléas.

Georgette Leblanc fut l’interprète inoubliable des principales héroïnes du théâtre maeterlinckien : Monna Vanna, Ariane, la Lumière de L’Oiseau Bleu. Musicalement, elle créa l’Ariane de Paul Dukas à Paris et, à Boston, la Mélisande de Debussy.

Enfin, elle fut l’organisatrice et la protagoniste des représentations de Saint-Wandrille, dont Macbeth de Shakespeare traduit par Maeterlinck et Pelléas devaient marquer une date dans les tentatives de théâtre joué dans des décors naturels.

Après sa séparation douloureuse d’avec son compagnon de vingt années glorieuses, Georgette Leblanc se trouva seule à affronter le dur destin d’une femme illustre et réduite à ses propres forces. C’est alors qu’elle découvrit l’Amérique, patrie du courage et de l’aventure. Ses étonnements, ses déboires, sa victoire difficile, ses rêves et ses nouveaux triomphes sont consignés dans La Machine à courage avec une franchise, une crânerie, une élégance qui placent son modèle et son historien à la hauteur des grands exemples d’énergie humaine.

Revenue en France, Georgette Leblanc ne devait plus apparaître que sur l’écran dans un film d’avant-garde de Marcel Lherbier : l’Inhumaine, dont elle avait inspiré le scénario, un des chefs-d’œuvre français du muet, tourné dans des décors cubistes de Mallet-Stevens, qu’elle interpréta habillée par Poiret en compagnie de Jacques Catelain et de Philippe Hériat.

Georgette Leblanc mourut à Cannes en 1941. Digne héritière d’une Sarah Bernhardt, d’une Isadora Duncan, Georgette Leblanc a illustré le drame de la Personne en conflit avec la Société et les circonstances de son temps, ce temps si peu connu de « l’entre-deux-guerres-mondiales » dont elle est à la fois l’héroïne inoubliable et la mémorialiste.

N. D. L. E.

JE DÉDIE CE LIVRE À L’AMITIÉ
G. L.