La Journée amoureuse

La Journée amoureuse, ou Les derniers plaisirs de M.... Ant.......
Comédie en trois actes, en prose, représentée pour la première fois au Temple, le 20 août 1792
Au Temple.

LA JOURNÉE
AMOUREUSE,
OU
LES DERNIERS PLAISIRS
De M.... ANT.......
Comédie en trois actes, en prose, représentée pour la première fois au Temple, le 20 août 1792.

Dans l’olimpe, aux enfers, je veux foutre partout.

AU TEMPLE,
Chez Louis CAPET.
L’an premier de la République.



DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

À
ANTOINETTE.


Eh quoi ! ma souveraine, auriez-vous l’ingratitude de ne point accorder votre estime à l’auteur de cet ouvrage ? Auriez-vous la sotte foiblesse de désavouer cette précieuse partie de l’histoire de votre vie ? Ah ! gardez-vous-en bien ! j’ai eu tant de peine à recueillir les faits de cette journée, qu’il y auroit conscience à vous, de m’enlever le fruit de mon travail par un démenti formel. Vainement on cherche à m’allarmer : j’ai trop bonne opinion de mon héroïne, pour craindre d’elle un si mauvais tour.

Mille auteurs ont essayé de peindre les hauts faits d’Antoinette : plusieurs se sont emparés déjà de sa vie publique : quelques-uns ont cru ajouter à sa gloire, en lui donnant pour ayeux une longue suite de têtes couronnées. Les imbéciles ! ils ignorent que l’épouse de Louis XVI, grande par elle-même, sera toujours la première femme de son siècle, fût-elle issue d’un sang d’un muletier.

Pour moi, je ne veux rendre publique qu’une seule journée de votre intéressante vie, et j’aime à croire, qu’en me lisant, vous vous reconnoîttrez telle que vous êtes. Je n’ai omis, à la vérité, aucun acte libidineux ; j’ai de plus, autant que ma mémoire m’a fourni, conservé vos propres expressions, sans oublier du rafinement de votre libertinage et de votre prostitution.

Je sais bien, que j’aurois pu choisir une journée plus célèbre encore par vos exploits amoureux. Je pouvois raconter vos prouesses avec plusieurs des ci-devant gardes du roi : je pouvois à volonté mettre en scène vos avantures galantes avec le beau Dillon, les Calonne, les d’Artois, les Vaudreuil, etc. qui tous parcoururent successivement le sanctuaire de vos appas,

Vous me demanderez, Madame, pourquoi j’ai choisi, de préférence à tant d’autres, une journée du Temple. Ma réponse sera courte : j’ai cru que, voulant ajouter un fleuron à votre couronne, il étoit au moins inutile de buriner vos actions à la cour, que chacun sait par cœur ; j’ai cru qu’il convenoit mieux de vous suivre sous les verrouils du Temple, pour y recueillir quelques faits précieux.

Blamez ma conduite, si vous vous en sentez la force. Je vais apprendre à toutes les générations du monde, qu’Antoinette soutint, jusque dans sa tour, le grand caractère qu’elle montra toujours.

Puissent mes bonnes intentions obtenir votre suffrage, ô reine vraiment célèbre !


Séparateur


PERSONNAGES.


ANTOINETTE.

LOUIS XVI.

LE DAUPHIN.

LA DAME DE TOURZEL.

LA PRINCESSE DE LAMBALLE.

LA Dlle. DUMONT, suivante de la reine.

LE Sr. DUBOIS, valet de chambre du roi.



La scène se passe au Temple dans les appartemens d’Antoinette.


LA JOURNÉE
AMOUREUSE,
OU
LES DERNIERS PLAISIRS
de M.... ANT.......

ACTE PREMIÈR.




Scène premiere.


ANTOINETTE seule ; prenant du thé.

J’ai été bien foutue et refoutue dans le cours de ma vie ; mais je n’ai jamais eu tant de plaisir que cette nuit. Je l’ai passée toute entière entre les bras de Lafayette. Que le bougre est vigoureux ! Hercule même ne m’auroit point procuré de plus vives sensations.

Qu’il étoit doux aussi pour mon oreille, tandis que ce guerrier entretenoit dans mes veines le feu violent des passions, de l’entendre jurer la mort prochaine des factieux !

Oui, ce rêve agréable à mon cœur, se réalisera bientôt. Je le vois arriver, cet instant fortuné, où vous paierez cher, infâmes parisiens, de m’avoir conduite en cette lugubre tour, où par fois j’éprouve de l’ennui. Vous avez été assez déhontés pour traiter ainsi la famille entière du plus grand roi du monde ; mais, ô Louis XVI ! prenez courage dans les revers. Puisque vous n’avez point à craindre d’être pris par famine, laissez faire au tems, qui vient à bout de tout. Bientôt vous remonterez sur le trône, d’où vous êtes descendu par des insurrections faubourgeoises. Fiez-vous à moi : en tout j’ai voulu soutenir l’honneur de votre nom, je viendrai à mes fins.

Tremblez, vils agitateurs, que nous soyons aussi barbares que vous l’avez été.




Scène II.


LE DAUPHIN, LA Dme. DE TOURZEL, ANTOINETTE.
Antoinette à la dame de Tourzel.

Vous m’amenez mon fils de bon matin. Son sommeil a-t-il été paisible ?

La dame de Tourzel.

Votre majesté saura que Monseigneur dormoit encore à huit heures. Mais en s’éveillant, il a demandé à vous voir tout de suite. Je n’ai pu qu’obéir.

Le Dauphin.

Oui, ma belle maman, j’ai voulu te voir et t’embrasser.

Antoinette serrant son fils entre ses bras.

Douce consolation d’une mère malheureuse !… tes caresses, mon fils, sont précieuses à mon cœur ; elles pénètrent mon ame de la plus vive émotion.

Le Dauphin.

Dis-moi donc, quand nous sortirons de ce vilain fort. Tu t’y ennuies beaucoup, ainsi que mon papa. Nous sommes meublés à la diable, au lieu qu’à Versailles rien ne nous manquoit.

Antoinette.

Je t’ai dit, mon petit ami, que la présence du roi étoit nécessaire à Paris, afin qu’il puisse sanctionner les décrets qui, sans son acceptation, n’auroient aucun effet.

Le Dauphin.

Eh bien ! retournons aux thuileries : la vue y est plus belle qu’ici, et les appartemens plus commodes.

Antoinette.

Tu te rappelles bien le bruit du canon qui s’est fait entendre au château : nous n’étions pas en sûreté. Il faut attendre ici que le calme renaisse.

Le Dauphin.

Je voudrois bien que le calme vienne demain ; car je m’impatiente de voir le roi mon papa, toi, moi, ma sœur aussi dans cette tour.

Antoinette.

Prends un peu patience. Il y aura bientôt de grands changemens. Tes oncles avancent sur Paris à la tête d’armées formidables : encore quelques jours, et les infâmes brigands apprendront ce qu’il en coûte pour vouloir lutter contre son roi.

Le Dauphin.

Mon papa n’est plus maître absolu de ses volontés ?… si j’étois déjà sur le trône, je ferois, comme tu m’as déjà répété souvent, périr dans des cachots, les insolens qui diroient à contre-tems la vérité : je déploierois sur eux ma toute-puissance… C’est ainsi que mon papa ne sait pas assez être roi.

Antoinette à part.

Ses réflexions jettent l’effroi dans mon ame. (À madame de Tourzel.) Je voudrois avoir un entretien sur-le champ avec la princesse de Lamballe. Dites-lui, s’il vous plait, que je desire lui parler.

La dame de Tourzel.

J’obéis à vos ordres.

Antoinette.

Mon fils, tu vas aller avec ta gouvernante, qui t’instruira précisément des horreurs commises à notre égard. Les circonstances changeront.

La dame de Tourzel.

Nous nous retirons.

Le Dauphin.

Que je t’embrasse encore avant que de passer dans l’appartement de mon papa.




Scène III.


ANTOINETTE seule.

Les propos de ce petit jean-foutre-là n’étoient nullement lubriques ! aussi m’ont-ils fait débander promptement. Cependant je ne veux point que le dépit prenne sur moi trop d’empire ; Des scélérats ont bien pu méconnoître Antoinette, l’emprisonner même : mais ils ne doivent point mettre obstacle à ses vraies jouissances. Privée de tout par des sujets ingrats et rebelles, je saurai me suffire à moi-même. Le bonheur d’une femme telle que moi ne peut dépendre de la fureur d’un vain peuple. Je saurai être heureuse, quoique vous entrepreniez, infâmes parisiens. J’entends marcher… C’est sans doute la princesse de Lamballe. Il faut que je décharge avec elle.




Scène IV.


La Pe. de LAMBALLE, ANTOINETTE.
La Pe. de Lamballe frappant à la porte.

Puis-je entrer ?

Antoinette.

Oui sans doute : entre donc, ma fidelle compagne, ma chère bonne amie. Peux-tu bien penser que je sois insensible au zèle et à l’intérêt que tu m’as sans cesse témoigné dans mes malheurs. Tu ne me connoîtrois guère.

La Pe. de Lamballe conservant son ton de cour.

Je suis infiniment flattée que mes services soient agréables à votre majesté.

Antoinette.

Écoute, ma belle, n’emploie plus, je t’en conjure, ce ton respectueux dans nos tête-à-tête. Tu as déclaré ne point vouloir me quitter. Eh bien ! il est inutile de faire les bégueules, les hypocrites. Parlons le langage de la nature. Donne-moi un baiser….

La Pe. de Lamballe.

Je ne sais quel sentiment me retient à l’approche de vos caresses.

Antoinette.

Tu crains peut-être de prendre des libertés avec moi. Tu dois cependant penser que les scrupules ne doivent plus être de saison. Imite-moi : Découvre cette gorge que tu prends trop de soins à cacher. (Antoinette ôte elle-même le fichu de Made. de Lamballe). Reçois ce baiser sur tes lèvres merveilles… Ah ! ma divine amie, tu as de si jolis tetons, et tu les couvres de la sorte ! viens un peu sur ce canapé ; je veux les examiner.

La Pe. de Lamballe.

Les vôtres sont au moins aussi beaux. (Elles tombent ensemble sut le sopha).

Antoinette ivre d’amour.

Déshabille-toi, ma belle compagne, afin que j’admire en détail toutes les parties de ton superbe corps. Que tu es aimable et jolie !… que tes fesses sont amoureuses !… elles tremblent de volupté. Enfonce ton doigt plus avant dans ma matrice. Je n’en puis plus…, mon amie, je me meurs.

La Pe. de Lamballe.

Aimable coquine, tu prends bien du plaisir, quand on te brandouille la motte. Que tu remues agréablement la charnière ! va toujours : le foutre coule de tes belles cuisses blanches, et ton cou est brûlant d’amour.

Antoinette.

Continue, je t’en prie : gamahuche-moi le bout du teton ; je veux absolument mourir entre tes bras. Je sens dans tout mon corps un chatouillement… Ah ! ah ! ah !....

La Pe. de Lamballe.

Je parts aussi ; les forces me quittent : Je n’en puis plus. Je décha..a…a…arge.

Antoinette au sortir de sa pamaison.

Ah bougresse ! que tu es savante dans l’art d’amuser ton sexe ! quelle extrême mobilité dans tes doigts ! quelle élasticité dans la langue ! Les Arnoul, les Polignac ne sont rien près de toi : tu réunis en toi seule les talens divers des tribades passées et présentes.

La Pe. de Lamballe.

Vous me flattez assurément : la gloire est à vous seule, qui m’avez fait brûler du même feu qui vous consumoit.

Antoinette.

Quitte sur-le-champ, Lamballe, ce ton respectueux, si tu veux ne me point déplaire. Tu connois maintenant mes penchans et mes goûts ; je veux à l’avenir te les faire partager.

J’ai tâté, il est vrai, de tous les vits fameux de la cour ; mais je suis insatiable sur l’article du combat amoureux. Fille de la plus célèbre garce qui ait jamais existé, je l’emporte encore sur ma mère par mon tempéramment vigoureux. Je t’offre en maniement un con foutu et refoutu, mais qui veut l’être bien d’avantage. Je veux que tes goûts soient les miens : ainsi dispose en souveraine de mon cul, de mon con, de toute ma personne. Pourvu que je décharge, tous les genres de foutre me conviennent.

La Pe. de Lamballe.

Puisque vous voulez décharger, cette affreuse tour sera témoin de mes élans amoureux avec Antoinette. Eh quoi ! vous chiffonnez encore avec votre langue.

Antoinette.

Tu ne veux donc point abandonner ce vous qui me déplaît. Est-ce ainsi que s’expriment des braves fouteuses.

La Pe. de Lamballe.

En effet ce langage respectueux ne convient guère en amour. Je vais me retirer, pour me mettre en état de paroître devant le roi.

Antoinette.

Tu as raison. Oblige-moi de dire à ma femme-de-chambre de venir m’aider à ma toilette, et de m’apporter en même-tems les papiers-nouvelles.

La Pe. de Lamballe.

Cela suffit.




Scène V.


ANTOINETTE seule.

Je vais donc commencer un nouveau cours de fouterie. Cette petite Lamballe est, ma foi, merveilleuse. Elle en pince d’une bonne force ; je lui crois même plus de talens qu’à aucune autre. Longtems elle a préféré foutre avec le cardinal Collier, à qui elle doit toute son instruction. Mais quelque soit le maître qui l’a formée, je vais éprouver toute sa vigueur. Dumont vient.




Scène VI.


LA Dlle. DUMONT, ANTOINETTE.
La Dlle. Dumont

J’apporte à votre majesté les feuilles qu’elle m’a fait demander.

Antoinette.

Y a-t-il quelques bonnes nouvelles des armées.

La Dlle. Dumont.

Je ne veux plus croire à ces vilains folliculaires. Ils se contredisent tous, ou au moins ne rapportent jamais la même chose avec les mêmes circonstances. Je crois que les nouvelles se font à la main pour abuser le peuple.

Antoinette.

Les imbécilles ! ils devroient s’entendre entr’eux, afin de faire illusion quelque tems en rapportant leurs mensonges.

La Dlle. Dumont.

Ils n’ont pas même cet esprit.

Antoinette.

Parmi ces feuilles, il en est qui disent par fois la vérité.

La Dlle. Dumont.

C’est absolument possible mais je n’en connois aucun à qui je voulusse donner ma croyance.

Antoinette.

Je crois comme toi, que, parmi les journalistes français, aucun ne dit la vérité. La faction dirige leur plume. Mais j’ajoute volontiers foi aux gazettes étrangères.

La Dlle. Dumont.

Elles sont consolantes.

Antoinette.

Que dites-vous ? elles annoncent toutes les plus heureuses nouvelles. Si j’en crois la gazette de Cologne, les armées monarchiennes gagnent du terrein, et s’avancent avec neuf cent pièces de canon sur le territoire français.

La Dlle. Dumont.

Tant mieux. Je voudrois apprendre qu’elles sont aux portes de Paris, et que le sang des rebelles ruisselle dans les rues.

Antoinette.

Tu n’attendras pas long-tems, sans qu’il arrive quelques bons coups.

La Dlle. Dumont.

J’accepte cet heureux présage.

Antoinette.

Le tems presse ; passons dans mon cabinet de toilette. Tu relèveras mes cheveux simplement : le roi aime à me voir en négligé.

La Dlle. Dumont.

Je crois lui avoir entendu demander si l’on dîneroit bientôt.

Antoinette.

Allons vîte. Ne faisons point souffrir l’estomac de mon époux. (Elles partent).


ACTE II.




Scène première.


ANTOINETTE ET LA Dlle. DUMONT.
Antoinette.

Je me suis terriblement ennuyée avec mon gros cochon. Il a mangé comme un ogre. Tout le tems du dîner s’est écoulé, sans lui entendre prononcer un seul mot. Qu’est-ce que son silence signifie ?

La Dlle. Dumont.

Je l’ignore. Peut-être sait-il l’évènement fâcheux de Durosoi, de son intendant ?

Antoinette.

Il n’y a point là de quoi affecter un roi.

La Dlle. Dumont.

Vous avez raison. Tout bon français s’honore en mourant pour la cause de son roi. Il a vraiment tort de se chagriner ainsi.

Antoinette.

Il me semble que tu as du caractère.

La Dlle. Dumont.

J’ose me flatter de n’être point un esprit foible.

Antoinette.

Tu ne te repens donc point de m’être restée fidèle, de m’avoir accompagnée dans cette tour.

La Dlle. Dumont.

Moi, me repentir… eh ! de quoi ?

Antoinette.

Tu ne peux ici te procurer les agrémens, les jouissances que tu aurois ailleurs.

La Dlle. Dumont.

À la guerre comme à la guerre. Je Sais me plier aux circonstances ; et, dieu merci, rien ne me manque auprès de vous.....

Antoinette continue.

Qu’un tendre amant pour charmer les ennuis de cette triste demeure.

La Dlle. Dumont.

Votre majesté croit-elle que je sois encore à m’humaniser dans ce lugubre séjour ?..... Je me suis accommodée de Dubois, valet-de-chambre du roi.

Antoinette, d’un ton plaisant.

C’est juste ; je ne songeois point à lui. Je le crois un champion valeureux. (La demoiselle Dumont rougit.) T’a-t-il insinué souvent la denrée ? (La reine s’appercevant de la rougeur qui monte à la figure de la demoiselle Dumont.) Ah ! défais-toi de cette parade de décence : accoutume-toi à appeler un vit un vit, et un con un con. C’est la bonne méthode… Tu aimerois mieux peut-être faire ça que d’en parler.

La Dlle. Dumont, honteuse.

Cela vaut mieux, en effet.

Antoinette.

Allons, allons ; quitte ces petites grimaces, et sois à l’avenir à notre unisson ; je n’aime point les bégueules.

À propos, j’oubliois de faire apporter ici les bouteilles de liqueur qui sont dans la salle à côté. Le roi m’a promis de me rendre une visite particulière. Mon dessein est de le saouler, si je puis, afin qu’il prenne le tems en patience.

La Dlle. Dumont.

Je cours chercher promptement ces flacons de liqueurs.




Scène II.


ANTOINETTE seule.

Je l’avois déjà toisé de l’œil, ce monsieur Dubois, amant de ma femme-de-chambre. C’est un gaillard bien découplé. Je lui crois un beau vit, capable de pousser un argument solide. Il faut que j’en tâte… Cependant les laquais ont bien méchante langue : ils sont tous bavards, présomptueux ;… eh ! qu’est-ce que cela me fait ? Il y a longtems que je suis tranquille sur le chapitre des indiscrétions. Allons, allons ; le bougre m’exploitera, et son nerf érecteur me donnera du plaisir. Mais chut..... Mlle. Dumont vient… il faut qu’elle ignore que je veux lui souffler son amant.




Scène III.


ANTOINETTE ET LA Dlle. DUMONT.
La Dlle. Dumont apportant les flacons.

J’apporte indistinctement toutes les bouteilles que j’ai trouvées.

Antoinette.

Mets-les sur cette table ronde… Mon gros barril peut venir quand il voudra ; voilà de quoi m’aider à le tirer de sa mélancolie.

La Dlle. Dumont.

Je le tiens empaffé dans une heure si vous voulez en prendre la peine.

Antoinette.

Je ne lui ferai point de grâce. Il boira tant, tant, qu’il ne pourra plus se soutenir. Tu peux t’en rapporter à moi ; il est entre bonnes mains.

La Dlle. Dumont.

Je le crois. Mais (après avoir regardé par la fenêtre) le roi n’est plus au jardin. Sans doute il est en marche pour rendre visite à sa chère épouse. La promenade doit l’avoir fatigué. Il boira bien un coup, même deux, si vous les lui offrez. Je vais vous laisser seule avec lui… C’est lui que nous entendons cracher, c’est lui-même. Je vous recommande sa pituite.




Scène IV.


ANTOINETTE ET LE ROI.
Antoinette.

Tu as fait, mon bon ami, une longue promenade. Tu en dois être las.

Le Roi, brusquement.

Oui, je suis las, et bien las de tout ceci. Je n’avois même pas envie de venir.

Antoinette.

Pourquoi donc m’aurois-tu privé du plaisir de te voir ? cher époux, tu me fais une sensible peine ; ne te chagrine point, mon homme : tu as épuisé la coupe du malheur ; l’avenir maintenant ne peut être qu’heureuse.

Le Roi, en colère.

Vous ne me séduirez plus par vos belles paroles, femme dangereuse et perfide. Ce sont vos infâmes conseils qui m’ont perdu.

Antoinette.

Peux-tu bien m’accabler de la sorte ? tu sais cependant quelle part je prends à ton infortune ; et tu ne crains pas de me déclarer hautement la cause et l’auteur de tous tes maux.

Le Roi, toujours courroussé.

J’ai peut-être tort de vous accuser ! ce n’est point vous, qui m’avez conseillé de fournir de l’argent à d’Artois, à Condé ; ce n’est point vous, qui m’avez fait entrer dans toutes les machinations des princes fugitifs ; ce n’est point vous qui m’avez bercé de l’espoir d’une contre-révolution prochaine ; ce n’est point vous, qui m’avez fait armer le frère contre le frère ; ce n’est point vous, qui avez nécessité l’affreuse journée du 10 août ; ce n’est point vous, qui avez ourdi toutes les trames.

Antoinette.

Tes reproches me font mourir de douleur. Épargne un peu ton épouse chérie ; conserve une mère à ton fils, à ta fille ; songe encore une fois, que rien n’est désespéré.

Le Roi.

Que diable espérer maintenant ? les feuilles de Paris annoncent les plus fâcheuses nouvelles : les armées prussiennes et autrichiennes font chaque jour des pertes considérables, tandis que la faction coalisée n’en fait aucune. À ce train-là, les puissances étrangères se lasseront bientôt de guerroyer pour notre parti, sur-tout ne recevant plus des millions pour les frais d’armes.

Antoinette.

Tu ajoutes donc foi aux papiers parisiens, à la chronique, à Gorsas, aux annales patriotiques, etc. etc. etc. ! Si cela est, je ne m’étonne plus que tu ayes tant d’humeur.

Mais en vérité, j’ai lieu d’être surprise que tu prennes ainsi le change. Ces messieurs journalistes, enragés jacobins, afin de parvenir à la convention, écrivent précisément ce qu’il faut pour abuser le peuple et l’engager à combattre sur les frontières ; leur plume, dirigée par l’intérêt, fait la guerre sur le papier, tue dix mille hommes, vingt mille hommes, selon les vues profondes et savantes de la faction jacobite. Mais il n’en est rien. Je crois précisément tout le contraire, moi.

Le Roi.

Quelles raisons, je vous prie, pourriez-vous donner en preuve, que ces journaux mentent, et qu’en conséquence, je ne dois point y ajouter foi.

Antoinette.

Il y en auroit mille à produire : mais je ne veux point faire injure à un homme d’esprit tel que vous, en les détaillant toutes ; il suffit d’observer que ces auteurs, malgré qu’ils ont intérêt de raconter des hauts faits pour soutenir un parti désespéré, se contredisent l’un l’autre, ou du moins ne sont point d’accord sur les circonstances essentielles. Ils mentent avec bien peu d’art !

Le Roi.

Il est vrai qu’ils peuvent être payés pour accréditer ces nouvelles. À qui donc puis-je me fier pour être bien instruit ?

Antoinette.

D’abord tous les papiers français me paroissent suspects ; en conséquence je ne voudrois point les consulter sur rien. Je lirai plutôt, pour avoir des nouvelles sûres, les feuilles étrangères, attendu qu’elles n’ont point intérêt de mentir, ou de déguiser la vérité.

Le Roi, d’un ton radouci.

Vous avez lu sans doute ces feuilles, puisque vous m’en parlez. Dites-moi les nouvelles qu’elles rapportent.

Antoinette.

J’ai été ravie ce matin, en lisant la gazette de Cologne. Ce journal annonce que le roi de Prusse est sur le territoire français, que l’empereur va bientôt attaquer Lille ; il dit même, qu’avant quinze jours, Louis XVI sera replacé sur son trône, et tous les jacobins détruits.

Le Roi, riant.

Tu crois que, sous si peu de tems, les affaires seront finies.

Antoinette.

La chose est claire. Comment peux-tu en douter un instant ? tu sais bien, mon bon ami, que ta cause est celle de tous les rois de la terre : tous doivent, en conséquence, s’opposer aux rebelles, et te faire rendre la couronne. Alors dis-moi comment une vile faction de sans-culottes pourroit résister à vingt têtes couronnées, qui toutes vont lever des armées pour défendre tes droits.

Le Roi.

Tu as raison, je me chagrinois à tort, et bien mal-à-propos. Je ne perdrai point ma couronne.

Antoinette.

Viens t’asseoir près de cette table, afin de noyer en buvant tes fausses allarmes, et qu’elles ne reparoissent plus.

Le Roi.

Je me suis en effet échauffé en te parlant : je boirai bien un coup. Verse-moi une bonne rasade. Foutre, c’est du Rhum. (en buvant) Tant mieux ; cette liqueur est chaude à la poitrine.

Antoinette.

Viens au moins t’asseoir sur ce canapé : nous serons à notre aise.

Le Roi.

J’accepte volontiers ton offre. (Ils vont sur le canapé).

Antoinette ôtant son fichu.

N’es-tu point fâché, mon ami, d’avoir fait de la peine à une si belle femme que moi. Tiens, vois ma gorge : elle est grosse et ferme. (levant ses jupons). Vois mes cuisses ; comme elles sont blanches !

Le Roi prend le cul de la reine.

Comme tu me palpes les fesses ! est-ce que tu es amoureux aujourd’hui ?

Le Roi.

Ah ! Si tu voulois…

Antoinette.

Quoi ?…

Le Roi.

Foutre......

Antoinette.

Eh ! puis-je te rien refuser ? voyons ; ta lame est-elle en arrêt ?

Le Roi.

Juges-en par toi-même.

(Antoinette déboutonne le magasin aux iniquités du monarque, et trouve un vit flasque.)

Branle-moi, ma chère belle amie.

Antoinette.

Ah ! gros coquin ! voilà ce que tu demandes. Tu veux que je te branle, tu veux que je chatouille tes couilles royales.

Le Roi.
(Tandis que sa chaste moitié travaille son membre, fatigue son poignet afin de le faire dresser.)

Va, Antoinette, va toujours. Toi seule me restes maintenant. Je t’aime plus que ma vie. Encore une secousse, et il pourra faire envie.

Antoinette.

Infâme polisson, tu prends bien du plaisir ! suis-je, dis-le moi, ignorante dans l’art de traire un homme ? tu décharges, jean-foutre, comme un dieu ; sens-tu que le foutre coule en abondance.

Le Roi se pamant.

Ah ! ah ! ah ! fou…ou…outre…

Antoinette.

Décharge, mon homme, décharge. (De tems à autre elle glisse sa langue dans la bouche du roi). Point de foiblesse ; du courage.

Le Roi.

Ah ! ma bonne amie, tu as un poignet merveilleux. Dans cinq minutes au plus tu m’as rendu le plus heureux des rois.

Antoinette.

Tu vois que j’ai toutes les complaisances possibles. Ne me dis plus à l’avenir des choses désagréables ; ne montre jamais d’humeur à ton Antoinette, à ta femme. Tes sujets veulent ma perte, je le sais ; mais sois-moi fidèle, cher époux ; ne crois point à leurs propos infâmes. Vainement ils entreprennent de me prêter les horreurs qu’enfante leur imagination : j’ai ton cœur pour garant de ma conduite.

Le Roi.

Laisse parler le peuple. Je t’estime trop, ma belle Antoinette, pour jamais croire à leurs suggestions infernales.

Antoinette.

C’est ce qui s’appelle être un galant homme.

Le Roi.

Je suis fatigué, abattu. Je ne ferois point mal d’aller roupiller une couple d’heures.

Antoinette.

Je suis de ton avis. Les grandes jouissances tuent l’homme, quand il néglige les moyens qu’offre la nature, pour réparer ses forces.

Le Roi.

Je vais donc dormir quelques instans ; mais songe à me faire réveiller au moment du souper : car je sens que j’aurai appetit.

Antoinette.

Cela va sans dire.

Le Roi.

Adieu, ma douce amie, jusqu’au reveil.




Scène V.


ANTOINETTE seule.

Il est enfin parti… j’ai besoin, moi, non pas de dormir, mais de descendre me promener. Au ton haut qu’avoit pris ce gros cochon, je craignois d’être témoin de quelque scène désagréable. Heureusement j’ai su parer le coup qui devoit éclater… je vais joindre Lamballe, lui conter mon entrevue, et me distraire avec elle.




Scène VI.


ANTOINETTE ET LA Pe. DE LAMBALLE.
Antoinette.

J’allois te chercher pour faire un tour de jardin.

La Pe. de Lamballe.

J’attendois, moi, avec grande impatience, que ton époux fût sorti pour te venir voir.

Antoinette.

Tu savois donc que le cochon étoit chez moi… je n’ai, ma chere amie, jamais eu tant de peine à l’amener à mon but, même quand je voulois qu’il signât à mon profit des bons de trente mille francs… J’avois projeté de l’expédier avec force liqueurs spiritueuses ; mais le bougre étoit trop en colère ; il ne buvoit pas à ma fantaisie. J’ai recouru en conséquence aux singeries de l’amour : je lui ai prodigué des caresses : j’ai à la fin vaincu sa vilaine humeur. Il a désiré me foutre ; il a fallu encore y consentir malgré moi, puisque je voulois m’en débarrasser. Tandis qu’il farfouille mes appas, me prend le cul, je vais droit à son docteur, afin d’avancer la besogne. Mais, grand dieu ! vous m’êtes témoin que le viédase ne bandoit point, et que je fis tout au monde pour le mettre en état de grâce. Le bougre déchargea, mais ce fut à vit mollet et à force d’être patiné. Il n’y a point de ma faute ; j’ai mis toute ma science en usage.

La Pe. de Lamballe.

Ne me parle point du roi comme d’un homme ; c’est une grosse masse de chair, et rien de plus. Il est possible qu’il ait quelquefois bonne intention de baiser ; mais son pouvoir se borne là. Ne me parle jamais de cette vilaine fouterie. Instruis-moi plutôt des motifs de sa colère.

Antoinette.

Il s’est emporté au sujet de la contre-révolution, qu’il estime maintenant impossible.

La Pe. de Lamballe.

Qu’elle soit possible ou non, selon lui, peu importe : mais certes, il ne faut point abandonner ce projet. Ce n’est plus précisément pour les seuls intérêts de Louis XVI, que d’Artois et les autres émigrés combattent. Après avoir montré si peu d’énergie dans certains momens, et avoir laissé échapper les meilleures occasions de servir la cause de la noblesse, il ne mérite plus qu’on entreprenne rien pour lui.

Antoinette.

Tu es au pas, Lamballe, et tu sais le fin mot. Ce n’est point du tout pour conserver à ce saoulard une couronne, qu’il est indigne de porter, que d’Artois a pris les armes : c’est par honneur, et pour que mon fils et le sien possèdent un trône brillant et solide. (À demi-voix). D’Artois est le père du dauphin.

La Pe. de Lamballe.

Crois-tu m’apprendre quelque chose de nouveau ? toute la cour connoît cette aventure galante, qui eut lieu à Trianon. Sois sûre que personne n’a pris le change.

Antoinette.

Comme les choses se savent en France !.. Puisque tu connois mon secret, tu penses bien que d’Artois n’a garde d’abandonner la cause du roi, puisqu’il travaille en même-tems pour lui et pour son fils.

La Pe. de Lamballe.

Je compte beaucoup sur lui : il ne quittera la partie, qu’après l’avoir entièrement perdue : les difficultés ne l’arrêteront pas, je puis vous l’assurer.

Antoinette.

Il y va de sa gloire et de son intérêt. Si la victoire ne se décide pas de son côté, il ne peut plus rentrer en France ; et adieu les plaisirs bruyans auxquels il étoit accoutumé.

La Pe. de Lamballe.

Si nous voulons faire un tour de promenade avant la nuit, comme tu en avois envie, il est tems de descendre. Nous pourrons continuer notre entretien politique au grand air.

Antoinette.

Allons au jardin, j’y consens. Aussi bien j’ai les jambes engourdies. (Elles partent à la promenade).

ACTE III.




Scène premiere.


ANTOINETTE ET LA Pe. DE LAMBALLE.
Antoinette.

Tous ces entretiens politiques ne sont point gais : ils noircissent l’imagination, et finissent par changer le caractère. Veux-tu que nous les laissions de côté pour un instant.

La Pe. de Lamballe.

Je veux, belle Antoinette, tout ce qui peut te faire plaisir. De quoi parlerons-nous ?

Antoinette.

Méditons ensemble sur les charmes de la jouissance, et parlons un peu de polissonneries, pour nous égayer.

La Pe. de Lamballe.

Tu as, ma foi, une bonne idée ; je l’adopte volontiers.

Antoinette.

J’avoue que tu es une charmante coquine ; tu ne refuses jamais la partie. En vérité je suis fière de ta conquête.

La Pe. de Lamballe.

Tu aimes à flatter ; n’importe : je te le pardonne aisément.

Antoinette.

Je te jure que mon intention n’est pas telle : ton intéressante physionomie avoit, depuis long-tems, attiré mes regards, et excité mes desirs, qui toujours fermentèrent dans mon sein, sans jamais être satisfaits. J’avois entendu parler de tes brûlantes caresses, sans avoir pu me les procurer. Tu dois te rappeller les avances que je fis pour t’obtenir, et les refus obstinés dont tu me gratifias. Tandis que je désirois connoître les secrets de ton tempéramment, et que je convoitois goûter le plaisir avec toi, tu te livrois sans cesse aux amoureux transports avec le cardinal. Maintenant tu es à moi.

La Pe. de Lamballe.

Le jean-foutre étoit bien aimable : il m’a bougrement fait voir de pays.

Antoinette.

Raconte-moi donc quelques-unes de tes roueries avec ce gueux-là.

La Pe. de Lamballe.

Prête-bien les oreilles à cette avanture. Une nuit que j’étois couchée avec mon prélat, après avoir été bien baisée, bien branlée, l’infâme me propose la fouterie à l’italienne, en mémoire, disoit-il, du chapeau qu’il recevoit du pape.

Antoinette.

Quoi ! tu t’es laissée foutrailler le derrière.

La Pe. de Lamballe.

Eh ! sans doute : plaisirs d’un côté ou plaisirs de l’autre ? tout cela ne revient-il pas au même ? Je voulois jouir, et mon fouteur me promettoit beaucoup, si je consentois à le laisser faire.

Antoinette.

Tu te gardas bien, je le vois, de lui refuser ce qu’il désiroit.

La Pe. de Lamballe.

Ma foi, oui.

Antoinette.

Achève ton histoire ; que fit donc ce coquin de cardinal ?

La Pe. de Lamballe.

Le bougre insinua dans ma croupière son jean-chouart, tandis que, à l’aide d’un excellent godemiché, je me frottois le clitoris. Pour le coup, j’éprouvai les plus vives sensations, en recevant une éjaculation abondante d’un et d’autre côté.

Antoinette.

Quel rafinement de volupté !

La Pe. de Lamballe.

Je te veux initier un jour dans la pratique de ce doux exercice.

Antoinette.

Ton récit a échauffé mon imagination ; il faudroit bien nous amuser ensemble quelques minutes.

La Pe. de Lamballe.

Ça va, ma belle : pose tes mains sur ce fauteuil : lève ton gros cul en l’air, tiens-toi sur la pointe du pied ; je vais fourrager tes fesses un instant, et t’apprendre ce que tu ne connois pas.

Antoinette obéissant.

Tu as affaire à une bonne bougresse ; je ne veux point faire l’étroite. Suis-je bien placée ?

La Pe. de Lamballe.

Écarte un peu les cuisses… à merveille maintenant… garde cette position avantageuse.

(Elle tire de sa poche un long étui d’ivoire, l’enfonce d’une main dans le fessier de notre héroïne, et la branle de l’autre).

Antoinette.

Ah bougresse que tu es libertine et aimable ! je sens dans tout mon corps un feu… Ah ! ah ! ne l’enfonce pas tant, ma belle ; tu pourras me blesser.

La Pe. de Lamballe.

Ne crains rien, remue doucement les fesses, afin qu’il entre plus avant.

Antoinette.

Ah ! ma bonne amie, ah ! ah je n’en puis plus ; je me pa..a..a..me.

La Pe. de Lamballe.

Dis donc à présent, que c’est une horreur que de se laisser enculer.

Antoinette.

Tu es bien la femme la plus experte du royaume : je ne me sens point d’aise de t’avoir attachée à mon char ; j’en suis vraiment glorieuse. Je savois parfaitement que tu étois une excellente monture d’hommes, une garçonnière avérée, une pineuse infatigable. Mais aujourd’hui je te reconnois pour la meilleure manieuse qui existe. Reçois ce baiser pour prix de tes vertus.

La Pe. de Lamballe.

La nuit vient. Si j’allois me mettre à mon aise ? mes mouvemens ne sont pas libres dans cette robe ; je suis réellement trop gênée.

Antoinette sonne.

Je vais sonner mademoiselle Dumont, pour m’aider à en faire autant. Nous pourrons ensuite nous livrer à de nouvelles jouissances ; je roule quelque chose dans ma tête, dont je te ferai part à ton retour.

La Pe. de Lamballe.

Je ne serai pas long-tems absente, Adieu.




Scène II.


ANTOINETTE seule.

Croyez aux femmes, si vous voulez. Cette garce de Lamballe refuse toujours de m’écouter : à l’entendre, c’étoit une horreur que de s’amuser avec une femme : elle se seroit jadis abandonnée aux incursions d’un régiment entier, plutôt que de branler une personne de son sexe. Quelle métamorphose ! ou bien quel miracle de la trouver si instruite à son début. Il faut que la nature l’ait douée de bien grands talens, pour exceller de la sorte dans cet art difficile.




Scène III.


ANTOINETTE ET LA Dlle. DUMONT.
La Dlle. Dumont.

Madame a sonné.

Antoinette.

C’est, Dumont, pour m’aider à me déshabiller. Apportez-moi le peignoir que j’avois ce matin. Cette toilette suffira pour passer la soirée.

La Dlle. Dumont.

Vous serez plus à votre aise, d’autant plus que le tems est lourd.

Antoinette.

C’est bien là le motif, qui m’engage à changer d’habillement.

La Dlle. Dumont.

(Après avoir passé le peignoir à Antoinette et avoir mis de côté les effets qui viennent d’être quittés, ajoute) :

Madame a-t-elle dessein de garder son pouffe, ou bien veut-elle être en cheveux flottans.

Antoinette.

Baisse un peu la première boucle, et fais descendre mon chignon. Je ne veux point de pouffe sur la tête.

La Dlle. Dumont.
(Après avoir exécuté tout, s’exprime ainsi),

Madame a-t-elle quelque autre chose à me commander.

Antoinette.

Non pas pour le moment, si ce n’est de dire à Dubois que je veux lui parler, et qu’il passe sur-le-champ ici.

La Dlle. Dumont.

Je cours avertir Dubois des intentions de votre majesté.




Scène IV.


ANTOINETTE seule.

Je vais donc recevoir dans mon vagin, le foutre de M. Dubois. C’est un peu déroger ; mais j’ai bonne opinion de son savoir faire. J’ai foutu avec les courtisans les mieux famés sur l’article ; je me suis fait manier par les célèbres tribades : j’ai fait en un mot un fréquent exercice de la fouterie, j’en conviens. Mais il manquoit à mon histoire galante d’avoir éprouvé la valeur des couilles roturières. Grâce à M. Dubois, que j’attends, ce trait ne manquera plus à ma vie.

J’ai honte vraiment d’avoir songé si tard à me procurer cette jouissance. Je ne puis, en conscience, cacher mon projet à Lamballe : elle aime trop les avantures extraordinaires pour y trouver à redire. Quelqu’un vient. Point de mauvaise honte. Si c’est Dubois, je vais aller droit au but ; si c’est Lamballe, je veux qu’elle me fournisse elle-même les moyens d’attaque.




Scène V.


ANTOINETTE ET DUBOIS.
Dubois.

Peut-on entrer chez votre majesté.

Antoinette.

Oui, mon ami, tu peux entrer.

Dubois.

Mademoiselle Dumont vient de me dire à l’instant que vous aviez quelque ordre à me donner.

Antoinette.

Dumont ignore absolument pourquoi je te fais venir, et doit même l’ignorer toujours.

Dubois.

Cela suffit ; je ne lui en soufflerai pas le mot.

Antoinette.

Elle m’a fait confidence, que vous étiez bien ensemble… sur-tout depuis notre séjour ici.

Dubois.

Il est vrai, madame, que le défaut d’autres sociétés nous a mis dans la nécessité de nous parler plus souvent, mais…

Antoinette.

Elle m’a tout dit : par conséquent ne dissimule rien. Si vous vous aimez l’un l’autre, qui pourroit trouver mauvais que vous vous donniez quelquefois des preuves certaines de votre amour ? j’aime trop le plaisir, pour nuire jamais aux jouissances de deux vrais amans.

Dubois.

Mais nous ne sommes point ensemble comme amant et maîtresse ; il s’en faut beaucoup.

Antoinette.

Tu ne l’aimes donc point autant qu’elle voudroit s’en flatter… Tu n’en ferois donc point ta femme.

Dubois.

Il s’en faut bien. Si j’ai eu quelques particularités avec elle, je puis assurer qu’elle a fait plus de la moitié du chemin, et qu’il est probable que je n’eusse jamais pensé à elle, si elle-même n’avoit point songé à moi. Au surplus je veux bien que nous soyons quittes ensemble. Elle ne me doit rien, et je ne lui dois rien. Sa mauvaise langue nous brouille à jamais.

Antoinette.

J’avois dessein de vous marier l’un avec l’autre, si toutefois vous eussiez été d’accord.

Dubois.

Je ne suis point encore las d’être heureux, et je mourrai garçon, si c’est la seule femme qui veuille unir sa destinée à la mienne.

Antoinette.

Ta franchise, Dubois, me plaît infiniment ; et tes aveux sur le compte de Mlle. Dumont, ne peuvent que me flatter beaucoup, puisque je prétends à toi, à la possession entière de ton cœur.

Dubois, tout interdit.

Votre majesté trouve mauvais… je vais me retirer. Quelqu’un vient ; ma présence pourroit incommoder… j’ai l’honneur de saluer Madame.

Antoinette.

Reste Dubois, C’est la princesse de Lamballe. Son arrivée, loin de nuire à notre entretien, doit en avancer le terme. Nous concluons devant elle, si cela te convient.




Scène VI.


ANTOINETTE, DUBOIS, La Pe. de LAMBALLE.
La Pe. de Lamballe.

Salut à l’ami Dubois ; il ne laisse pas que d’être aimable, de venir se distraire un instant avec nous. Dites-moi, je vous prie, le sujet de votre entretien, et le but de votre tête-à-tête.

Antoinette.

J’avois dessein de faire entrer dans nos plaisirs M. Dubois, je me suis pleinement expliquée. J’ai voulu savoir, avant tout, si mademoiselle Dumont n’étoit point maîtresse de son cœur. Après avoir appris qu’ils jouissoient ensemble, sans autre motif que le plaisir de foutre, j’ai pensé n’avoir plus rien à ménager : j’ai dit à Dubois, que, depuis mon séjour dans cette tour, je convoitois son cœur, et désirois en faire mon amant. Mais je le vois maintenant ; ma possession n’est point digne de Dubois, mademoiselle Dumont l’emporte sur moi, à ce qu’il paroît.

La Pe. de Lamballe.

Quoi ! Dubois, tu dédaignes Antoinette : toi seul dans la France, tu voudrois résister à ses charmes. Tu n’as donc point examiné la blancheur et la beauté de sa peau. Ne vois-tu pas la volupté régner dans ses yeux et sur ses lèvres ? Pourquoi t’obstineras-tu à ne point voir dans la personne d’Antoinette, ce que tout le monde y voit ? Comment peux-tu ne point vouloir partager un amour si violent ? Imite-moi ; prends-lui la gorge, le cul même : tu peux tout entreprendre.

Dubois, confus.

Je ne puis croire à ce que j’entends. L’idée de me trouver dans les bras de la reine, loin de m’animer d’avantage, me glace tout-à-fait.

Antoinette.

Suis-je autrement faite que mademoiselle Dumont, que tu as si souvent foutu, sans aucune réflexion ? Est-ce le titre de reine qui mettroit obstacle à notre bonheur ? je le dépose à tes pieds, pour ne jamais le reprendre avec toi.

La. Pe. de Lamballe.

Allons donc, lâche Couillardin ; ta grande renommée est venue jusqu’à nous : il faut l’augmenter encore, s’il est possible.

(La princesse, de Lamballe visite les iniquités de Dubois, lui travaille l’engin : puis, le voyant se roidir, s’écrie) :

Bravo ! bravo ! cher fouteur, tu as un braquemart solide ; encore une secousse de poignet, et tu dois aller ton train.

Antoinette, s’étendant sur un grand canapé.

Foutre, qu’il est gros et long !…. Viens, mon ami Dubois, viens dans mes bras.

La Pe. de Lamballe.

Ma belle, tu es mal placée. Il faut te coucher sur le dos, avoir les genoux en l’air, les talons contre les fesses, écarter les cuisses.

Antoinette.

Est-ce bien la posture que tu m’as dit. Courage, mon ami ; vas bien ; crois que je me souviendrai de toi toute la vie… Avec ton index, desserre les lèvres de mon bijou : tu y es : pousse, pousse fort.

Dubois.

Nom de dieu, j’ai bien de la peine. Cependant je sens qu’il est entré ; mais il n’y est pas comme il faut.

Antoinette.

Tu ne pourrois pas aider un peu, ma bonne Lamballe : je sens déjà que le bougre va bien aller. (à son fouteur.) Enfonce-le, Dubois, jusques aux gardes. Compte sur moi : j’irai en mesure, et je rendrai exactement coups de cul pour coups de cul.

Dubois.

Je m’en rapporte à vous. Vous remuez la charnière avec une vigueur inconcevable.

Antoinette.

Ah dieu ! ah dieu ! tu me tues, Dubois : ah ! ah ! ah !… Vas toujours, cher ami, je t’aime de toute mon ame… Sois vigoureux, fouts-moi bien, je t’en prie. Vas, vas.

La Pe. de Lamballe.

J’ai envie de chatouiller les couilles de Dubois et de lui claquer les fesses légèrement.

Antoinette.

Fais, chère amie, tout ce qui peut contribuer à ma jouissance. Dubois m’ouvre les portes du ciel. Ah ! dieu ! quel feu me dévore : je suis dans un brasier d’amour. Ah ! ah !… je me meurs.

La Pe. de Lamballe.

Voulez-vous prendre quelque chose pour réparer vos forces.

Dubois.

Je n’ai besoin de rien. Je crains seulement que mon maître ait appelé.

Antoinette.

Quelle heure est-il donc ?

La Pe. de Lamballe.

Mais il est neuf heures.

Antoinette.

Il faut, mon ami, aller réveiller le roi, dire qu’on serve le souper. Si tu désires quelque chose, adresse-moi tes demandes : je ferai mon possible pour t’être utile.

Dubois.

Vous êtes trop bonne, en vérité. Je n’ambitionne rien autre chose, que l’honneur de votre protection. Je vais exécuter vos ordres pour le souper et pour le réveil du roi.




Scène VII.


ANTOINETTE, et La Pe. de LAMBALLE.
Antoinette.

Je n’ai jamais été mieux foutue… À l’aspect de son monstrueux jean-chouart, j’ai vraiment été saisie de frayeur, et je ne comptois point qu’il pût jamais entrer.

La Pe. de Lamballe.

Voilà comme je voudrois que tous les hommes fussent montés. Mais la plupart n’en ont que six ou sept pouces.

Antoinette.

Tu as raison : le plaisir seroit bien plus grand, si chacun avoit un vit de cette taille. Mais il ne faut point demander ce qui n’existe pas. Vivons, contentes de ceux que nous avons à mettre en œuvre ; puissions-nous tous les instans en avoir à notre service.

La Pe. de Lamballe.

La philosophie est bonne à connoître : je veux la mettre en pratique le reste de ma vie : tous les vits me plairont, quelque soit leur taille : trop heureuse, si j’en ai à mes ordres.

Antoinette.

Si les hommes un jour nous abandonnoient, nous ne pourrons être à plaindre, puisque nous savons les remplacer.


FIN.


Nota. Pour prouver l’authenticité des faits que je viens d’exposer au Public, je prie le Lecteur de jeter un coup-d’œil sur la Vie privée, libertine et scandaleuse de Marie-Antoinette, 3 vol. in.18. avec 32. figures ; ouvrage recherché, très-véridique, et dont les principales anecdotes qu’il renferme ne sont connues que de très-peu de personnes, notamment le troisième volume qui vient de paroître.