La Chaumière africaine/Préface


PRÉFACE.


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Ceux qui ont lu la Relation du Naufrage de la Méduse[1], par MM. Savigny et Corréard, connaissent déjà la famille Picard.

Attiré au Sénégal par une perspective encourageante, mon père, chef de cette infortunée famille, ne put, malgré sa bonne constitution et la force de son caractère, résister à la destinée qui l’y poursuivit sans relâche, destinée aux atteintes mortelles de laquelle nous n’échappâmes que trois, de neuf que nous étions. Il me témoigna en expirant le désir que nos malheurs ne demeurassent pas inconnus ; c’est donc pour moi un devoir, et un devoir sacré de les publier : je goûte en le remplissant la consolation de penser qu’aucune âme sensible n’apprendra d’aussi grandes infortunes sans en être touchée, et que nos persécuteurs éprouveront au moins quelque regret.

Le récit du Naufrage de la Méduse était nécessaire, tant pour indiquer l’origine de nos malheurs, qu’à cause de la liaison qu’il y a entre ce désastreux événement et le terrible voyage dans le désert de Sahara par lequel nous parvînmes enfin au Sénégal. Il m’a fourni l’occasion de relever ce qui, dans l’ouvrage de MM. Savigny et Corréard, manque d’exactitude.

Il me reste à demander au Lecteur son indulgence pour le style : j’espère qu’il ne la refusera pas à une femme, qui n’a osé prendre la plume, que parce que les dernières paroles de son père lui en imposèrent l’obligation.



  1. Cette Frégate, qui portait les Employés chargés de reprendre possession de la colonie du Sénégal, échoua sur le banc d’Arguin, le 2 juillet 1816.