La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XXXV

, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 145-146).

Chapitre trente-cinquième.
Ci devise comment on doit aler en queste ès haultes fustoyes.


Encore puet-il quester ès aux futoyes et clariauz et haut bois, espicialment quand il hara pieu la nuyt et au matin, et ou temps que les cerfz ont les testes molles, qu’ilz demuerent voulentiers ès futoyes et haut bois ; quar le fort païs leur feroit par avanture mal à leurs testes qu’ilz ont tendres ; et s’il encontre ou tems de pluye comme j’ay dit, ou quant ilz ont les testes molles, de chose qui li plaise, il ni doit pas poursuyvre de son limier ; quar ilz demuerent ou cler pays, comme j’ay dit, en celuy temps, et l’en pourroit faire aler. Et en quieu que des questes dessusdictes il encontre ou voye à l’ueill face assentir à son limier à l’eure que j’ay dit et si c’est aux champs et il cognoist à son limier que c’est de bonne erre, et ce est cerf qui s’outre marche, c’est à dire que le pié derrière passe le pié devant, ce n’est mie bon signe ; et s’il surmarche, c’est à dire qu’il mete le pié derrière sus celuy devant sans outre passer encore, n’est ce pas bon signe ; mes s’il met le pié derrière loingh de celuy devant, c’est bon signe, ou s’il marche plus large derrière que devant encore est ce bon signe. Quar quant un cerf s’outre marche, c’est signe qu’il soit cerf errant, legier et bien fuyant et mègre ; quar s’il avoit gros et gras costez et flancx il ne se pourroit outre marcher, ne surmarcher, et par le contraire si feroit. Et quant aucunefois cerfz sont pigasse voulentiers sont mal fuians et pou doyvent avoir esté chassiez. Et sil en a les fumées, il les doit metre en son corn avec de l’erbe ou en son giron avec de l’erbe aussi ; quar en la main ne les doit-il pas porter, quar ilz se hâleroyent et sembleroyent vieilles. Et quant il encontrera aux champs de chose qui li plaise, il doit trere l’emboschement pour le metre au fort entre les champs et le boys ; et quant il trouvera là où il entre au boys, giète une brisee, le bout rompu devers là où la beste va et ne le poursuive plus avant parmi le boys. Preinhe donc un grant tour par aucunes voyes ou sentiers. Et s’il voit qu’il ne passe hors de son tour, il le puet tenir pour destourné, et sen puet revenir à l’asemblée et faire cieu rapport. Et s’il voit qu’il passe par là où il prendra son tour, son limier devant soy, il doit regarder ce c’est de celuy cerf qu’il ha destourné ; et s’il n’en voit bien à son aise, il doit raler la contre ongle jusques tant qu’il en voye à son aise bien à plain ; mes garde que son limier ne crie. Et s’il voit que ce soit son cerf, il ne le doit pas poursuyvre ; mes prendre encore autre tour. Mes garde qu’il ne preinhe par le long des voyes ; quar il n’y a si mauvez trere comme le long des voyes ; quar un limier y trespasse voulentiers routes ; mes aille un pou hors de chemin par l’un des costez et einsi touzjours jusque tant qu’il l’ait mis dedans son tour ; quar lors en est il plus seur, et la suyte en sera plus courte ; mes s’il estoit trop tard pour leissier courre et il voit qu’il aille le pas et entre en fort pays, il ne li convient jà fere toutes ces choses. Et je loe que où qu’il ait encontré de cerf et bouté au fort ou ès tailles, ou ès fustoyes, ou ès champs, ou ès fours, il preinhe les asseinz[1] et tours dessus dis pour estre plus seur et fere plus courte suyte s’il a temps de le fere comme j’ay dit. Ce que j’ay dit des questes entens je à dire depuis que les cerfs prenent leurs buissons et que on chasse les cerfs, dès Pasques jusques en la fin d’aoust ; quar quant ils vont au ruyt on ne doit point quester ainsi comme on fait en la saison.

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  1. Asseinz, enceintes.