La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 52

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LII

Marsilies tint Guenelun par l’espalle, Marsile tient Ganelon par l’épaule :
Si li ad dit : « Mult par es bers e sages. « Tu es très-vaillant, lui dit-il, et très-sage ;
« Par cele lei que vus tenez plus salve,
« Mais, au nom de cette loi qui est la meilleure aux yeux des Chrétiens,
650 « Guardez de nus ne turnez le curage. « Ne t’avise point de changer de sentiment pour nous.
« De mun aveir vus voeill duner grant masse, « Je te donnerai largement de mes trésors :
« .X. muls cargez del plus fin or d’Arabe ; « Oui, dix mulets chargés de l’or le plus fin d’Arabie ;
« Jamais n’ert anz altretel ne vus face. « Et chaque année je te ferai pareil présent.
« Tenez les clefs de ceste citet large, « Cependant prends les clefs de cette vaste cité,
655 « Le grant aveir en presentez à Carle : « Et présente de ma part tous ces trésors à Charles.
« Puis me jugez Rollant à rere-guarde. « Mais surtout fais placer Roland à l’arrière-garde.
« Se l’ puis truver à port ne à passage, « Si je le puis trouver aux défilés et aux passages,
« Liverrai lui une mortel bataille. » « Je lui livrerai une bataille à mort.
Guenes respunt : « Mei est vis que trop targe. » « — M’est avis que je tarde trop, » s’écrie Ganelon.
660 Puis est muntez, entret en sun veiage... Aoi. Alors il monte à cheval, et entre en son voyage...


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Vers 648. — On peut ici lire ies comme aux autres vers ci-dessous énumérés. O. Les mêmes raisons qui nous avaient fait préférer ert à iert (note du v. 517), nous avaient décidé à écrire es au lieu de ies. Il convient cependant d’ajouter qu’on ne trouve dans notre texte que la forme ies. (Vers 297, 648, 2045, 2286, 2598, 3899, 3900, 3955.) C’est donc encore ici une règle générale que nous avions placée au-dessus d’un accident particulier. Mais le cas peut être controversé, d’autant que ert ou iert (forme équivalente) est uniquement admis, comme assonance, dans les laisses en ier.

Vers 649.Vos. O.

Vers 650.Nos. O.

Vers 651.Vos. O.

Vers 653. — Lire Iert. O. V. la note du v. 517. ═ An. O. Pour le cas sujet du singulier, il faut anz.

Vers 655.Al rei Carles. O. Après G. et Mu., nous avons, pour la mesure, écrit : à Carle. ═ Carle, étant au cas oblique, ne doit pas prendre d’s.

Vers 656.Pois. O. La vraie forme d’après la phonétique de notre texte, est : puis, que nous rencontrons aux v. 225, 371, 391, 626, 896 et huit vers plus bas (664).

Vers 657.Trover. O. V. la note du v. 624. ═ A port ne à passage. Il ne faut pas oublier (nous écrit avec raison M. P. Raymond), que le mot ports ne signifie pas seulement « les passages des montagnes », mais les « montagnes » elles-mêmes. Dans la vallée d’Ossau, peu éloignée des lieux qui nous occupent, ce mot a toujours eu ce sens au moyen âge : Les portz generaus de la terre d’Ossau, c’est-à-dire les montagnes appartenant en commun à la ville d’Ossau. (Cartulaire d’Ossau, dit Livre rouge, f° 38, acte de l’année 1355.)

Vers 660.Pois. O. V. la note du v. 656. ═ Munted. O. Pour le d final, voyez la note du v. 2. Le cas sujet exige muntez.

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