La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 263

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CCLXIII

3560 Passet li jurz, si turnet à la vesprée. Le jour passe, la vêprée s’avance ;
Franc e païen i fièrent des espées. Païens et Francs frappent de leurs épées.
Cil sunt vassal ki les oz ajusterent,
Ceux qui rassemblèrent ces deux armées, Charles et Baligant, sont des vaillants.
Mais lur enseignes n’i unt mie ubliées. Toutefois ils n’oublient pas leurs cris d’armes.
Li Amiralz « Preciuse » ad criée, « Précieuse ! » crie l’Émir.
3565 Carles « Munjoie » l’enseigne renumée. « Montjoie ! » répète l’Empereur.
L’un conuist l’altre as haltes voiz e as cleres ;
Ils se reconnaissent l’un l’autre à leurs voix claires et hautes ;
En mi le camp ambdui s’entr’encuntrerent,
Au milieu même du champ de bataille tous deux se rencontrent.
Si se vunt ferir, granz colps s’entre-dunerent
Ils se jettent l’un sur l’autre, et s’entre-donnent de grands coups.
De lur espiez en lur targes roées ; Frappant de leurs épieux sur leurs écus à rosaces,
3570 Fraites les unt desuz cez bucles lées, Ils les brisent au-dessous de la large boucle
De lur osbercs les pans en deseverent, Et se déchirent les pans de leurs hauberts ;
Dedenz cez cors mie ne s’adeserent ; Mais ils ne s’atteignent pas plus avant ;
Rumpent ces cengles, et cez seles verserent,
Ils brisent les sangles de leurs chevaux et renversent leurs selles.
Cheent li rei, à tere trabecherent, Bref, les deux rois tombent, et les voilà par terre ;
3575 Isnelement sur lur piez releverent, Vite ils se relèvent, et les voici debout.
Mult vassalment unt traites les espées. Ils tirent alors leurs épées d’un geste intrépide.
Ceste bataille nen ert mais desturnée, Ce duel ne peut désormais finir,
Seinz hume mort ne poet estre achevée. Aoi. Il ne peut s’achever sans mort d’homme.


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Vers 3569.Lor. O.

Vers 3571.Lor. O.

Vers 3573. — Lire desevererent, qui est dans le manuscrit.

Vers 3574.Trabecherent est dans le manuscrit. Müller propose : Se tru[ve]rent, d’après Venise IV.

Vers 3575.Lor. O.

Vers 3577. — Lire iert.

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