La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 169

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MORT DE ROLAND

CLXIX

Ço sent Rollanz que la morz li est près, Roland lui-même sent que la mort lui est proche ;
2260 Par les oreilles fors se ist le cervel ; Sa cervelle s’en va par les oreilles...
De ses pers priet à Deu que les apelt.
Le voilà qui prie pour ses pairs d’abord, afin que Dieu les appelle,
E puis de lui à l’ angle Gabriel. Puis il se recommande à l’ange Gabriel.
Prist l’olifant, que reproce n’en ait,
Il prend l’olifant d’une main (pour n’en pas avoir de reproche),
E Durendal s’espée en l’altre main ; Et de l’autre saisit Durendal, son épée.
2265 Plus qu’ arcbaleste ne poet traire un quarrel, Il s’avance plus loin qu’une portée d’arbalète,
Devers Espaigne en vait en un guaret ;
Il s’avance sur la terre d’Espagne, entre en un champ de blé,
Muntet sur un tertre ; desuz dous arbres bels Monte sur un tertre... Sous deux beaux arbres
Quatre perruns i ad de marbre faiz ; Il y a là quatre perrons de marbre.
Sur l’erbe verte si est chaeiz envers : Roland tombe à l’envers sur l’herbe verte,
2270 Là s’est pasmet, kar la morz li est près. Aoi. Et se pâme ; car la mort lui est proche.


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Vers 2260.Fors li ist. Mu.

Vers 2261.Priet Deu qu’es apelt. O.

Vers 2262.Pois. O. V. la note du vers 656.

Vers 2263.Olifan. O. V. la note du vers 1059.

Vers 2265.D’un arcbaleste ne poet traire un quarrel. O. Ce vers corrompu a induit en erreur tous les traducteurs. Les autres manuscrits nous viennent en aide : Plu c’arballeste non poit trair un carelle (Venise IV) ; Plus qu’arbalestre ne traist quarrel tranchant (Paris) ; Pluis qu’arbaleste ne vait quarrel jetant (Lyon). Le sens n’est donc pas douteux : il s’agit de la distance « du jet d’une arbalète ». Le fragment néerlandais de Looz, publié par M. Bormans, confirme cette leçon d’une façon décisive. ═ Le manuscrit d’Oxford porte très-clairement : arcbaleste. Pourquoi Mi., G. et Mu. ont-ils écrit arbaleste ?

Vers 2267.De suz un arbre bele. O. Au vers 2874, Charlemagne trouve son neveu mort « de suz dous arbres ». La correction de M. Müller est justifiée d’ailleurs par Venise IV : Desuç dous arbes belle ; Versailles : deus pins floris, et Lyon, que l’éditeur allemand ne cite jamais : Illucques sont .II. arbre aut et grant.

Vers 2268.Faite. O. Erreur évidente.

Vers 2269.Là est. Mu. La leçon du manuscrit si est est bonne et ne mérite pas d’être changée. ═ Caeit. O. Pour le cas sujet, il faut un z au lieu du t final. Le ch a pénétré définitivement dans ce mot. (V. chéent, vers 1981, 3574, 3881 ; cheded, vers 769 ; cheet, vers 1064 ; chet, vers 981, 1356, 2220, 2536, 2825, 3720, 1267 ; est chaeit, vers 2231 ; chaiete, vers 1986 ; chaïr, vers 2034.)

Vers 2270.Là, s’est. O. Si s’est. Mu. Le manuscrit est acceptable. ═ Mort. O. V. la note du vers 611.

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