La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 127

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CXXVII

Li Arcevesques cumencet la bataille ; C’est l’Archevêque qui commence la bataille ;
Siet el’ cheval qu’il tolit à Grossaille : Il monte le cheval qu’il enleva jadis à Grossaille.
1650 Ço ert uns reis qu’il ocist en Danemarche ; Grossaille est un roi que Turpin tua en Danemark.
Li destrers est e curanz e aates. Quant au cheval, il est léger et taillé pour la course ;
Piez ad copiez e les gambes ad plates, Il a les pieds fins, les jambes plates,
Curte la quisse e la crupe ben large, La cuisse courte, la croupe large,
Lungs les costez e l’eschine ad ben halte, Les côtés longs, et l’échine haute ;
1655 Blanche la cue e la crignete jalne, Sa queue est blanche, et sa crinière jaune ;
Petites les oreilles, la teste tute falve ; Ses oreilles petites, et sa tête fauve.
Beste nen est ki encuntre lui alget. Il n’y a pas de bête qui lui soit comparable.
Li Arcevesques brochet par vasselage, L’Archevêque l’éperonne, et il y va de si grand cœur,
Ne laisserat qu’Abisme nen asaillet, Qu’il ne peut manquer d’attaquer Abîme.
1660 Vait le ferir en l’escut l’Amirafle : Donc il va le frapper sur son écu d’émir :
Pierres i ad, ametistes e topazes,
Cet écu est couvert de pierres fines, d’améthystes, de topazes,
Esterminals e carbuncles ki ardent ; De cristaux et d’escarboucles en feu ;
Si li tramist li amiralz Galafres ; Il reçut cet écu des mains de l’émir Galafre,
En Val-Metas li dunat uns diables. Et c’est un diable qui le lui donna au Val-Métas.
1665 Turpins i fiert, ki nient ne l’ esparignet ; Turpin le heurte, point ne l’épargne.
Enprès sun colp ne quid que un dener vaillet, Après un tel coup, l’écu d’Abîme ne vaut plus un denier.
Le cors li trenchet très l’un costet qu’à l’ altre Il lui tranche le corps de part en part,
Que mort l’abat en une voide place. Et l’abat sur place, roide mort.
Dient Franceis : « Ci ad grant vasselage ; Et les Français : « Voilà du courage, disent-ils.
1670 « En l’Arcevesque est ben la croce salve. » Aoi. « Par l’Archevêque la croix est bien gardée. »


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Vers 1650. — Lire Iert. V. la note du vers 1500.

Vers 1651. — Lire Destriers. V. la note du vers 1500.

Vers 1653.Bien. O. V. la note du vers 1500.

Vers 1656. — Pour amener cet alexandrin à un décasyllabe, on pourrait écrire : Petite oreille...

Vers 1657. — Nous avons, pour la mesure, supprimé nule, qui est inutile. ═ Alge. O. Nous avons restitué le t étymologique.

Vers 1658.Arcevesque. O. Pour le cas sujet, il faut arcevesques. ═ Par tant grant vasselage. O. Nous avons, pour la mesure, supprimé tant grant.

Vers 1660.En l’escut amiracle. O. Notre leçon est hypothétique

Vers 1662.Lire perres.

Vers 1663, 1664. Nous avons interverti l’ordre de ces deux vers. Le fait spécial qu’ils expriment est omis dans le manuscrit de Venise IV, et reproduit par les Remaniements de Paris, de Versailles et Venise VII. D’où l’on peut conclure que les Refazimenti reproduisent souvent plus d’un trait du texte original.

Vers 1664.Galafes. O. Il s’agit sans doute de cet émir Galafre, qui joue un si grand rôle dans la légende de l’oncle de Roland. Galafre est ce roi de Tolède auprès duquel dut s’enfuir le jeune Charles, persécuté par les deux bâtards, Heudri et Lanfroi ; c’est à sa cour que le fils légitime de Pepin se cacha longtemps, sous le nom de Mainet ; c’est de la fille de Galafre, c’est de Galienne que s’éprit un jour le futur empereur. (V. notre note sur la légende de Charlemagne, au vers 94.)

Vers 1666.Qu’un dener. Mu. Le manuscrit porte très-distinctement : Que un. ═ Lire denier.

Vers 1668. — P.-e. vuide.

Vers 1670.Ben. V. la note du vers 1500. ═ La croce ne signifie-il pas « la crosse », plutôt que « la croix ». C’est cependant ce dernier sens qu’ont adopté tous les traducteurs.

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