L. Hachette et Cie (p. 172-176).

LIX

LE VEAU D’OR
MOÏSE BRISE LES TABLES DE LA LOI

(Même année, 1400 ans avant J.-C, 4 mois après la sortie d’Égypte.)



Le peuple resta sept jours et sept nuits au bas du mont Sinaï. Ne voyant pas revenir Moïse, ils commencèrent à murmurer ; ils appelèrent Aaron et lui dirent :

« Moïse ne revient pas de la montagne. Il a sans doute été consumé par le feu qui n’a cessé de brûler, ou bien tué par le tonnerre qui gronde toujours avec violence. Venez avec nous et faites-nous des dieux qui marchent avec nous, car il nous faut un guide pour nous faire sortir d’ici. »

Henriette. Comment ! Ils veulent donc devenir idolâtres comme les Égyptiens ? ils ne croient plus au Seigneur qui les a sauvés tant de fois ?

Grand’mère. Non ; ils se révoltent contre le vrai Dieu ; ils veulent adorer de faux dieux : c’est ainsi que les Israélites manquent sans cesse à leur foi et méritent la colère divine.

Aaron, au lieu de les exhorter à rester fidèles au Seigneur, leur répondit :

« Apportez-moi les pendants d’oreilles et les bijoux de vos femmes et de vos enfants, je vous ferai des dieux. » Les Israélites lui apportèrent tous les bijoux en or qu’ils purent ramasser. Aaron les prit, les fit fondre au feu et en fit un veau d’or, qu’il présenta au peuple.

« Voici, s’écrièrent les Israélites, le dieu qui nous a tirés de l’Égypte ; adorons-le. »

Jacques. Je n’aurais jamais cru Aaron, le frère de Moïse, capable d’une telle lâcheté ; il ne pouvait pas croire que ce veau fût un dieu, et il savait très-bien qu’il insultait le vrai Dieu.

Grand’mère. Certainement Aaron a fort mal agi ; il a été très-coupable d’avoir cédé aux demandes du peuple, et plus coupable encore d’avoir donné l’exemple de l’adoration de ce misérable veau. Dieu permet de ces faiblesses, pour diminuer notre orgueil, en nous faisant voir de quoi est capable la pauvre nature humaine sans la grâce de Dieu.

Aaron éleva alors un autel sur lequel il plaça le veau d’or, pour que tout le peuple pût le voir, et il fit crier dans tout le camp :

« Demain sera la fête solennelle du Seigneur. »

S’étant levés de bonne heure le lendemain, qui était le quarantième jour après la disparition de Moïse, ils offrirent des sacrifices à cette idole, puis ils se mirent à manger et à boire, après quoi ils commencèrent à danser et à jouer pour célébrer cette fête.

Alors le Seigneur dit à Moïse :

« Descends de la montagne, car le peuple que tu as tiré d’Égypte a péché. Il s’est révolté contre moi, il s’est fait un veau d’or qu’il a adoré ; il lui a offert des sacrifices, il a dit : « Ce sont là nos dieux, qui nous ont tirés d’Égypte. » Je vois que mon peuple est mauvais. Laisse-moi faire, pour que dans ma justice je les fasse tous périr ; et toi qui m’es fidèle, je te ferai le chef d’un grand peuple. »

Moïse le conjura de s’apaiser. « Pardonnez-leur, Seigneur. Vous avez tiré ce peuple de l’Égypte, vous avez fait des miracles infinis pour le sauver ; ne permettez pas que les Égyptiens disent :

« Il les a tirés de l’Égypte pour les mener dans le désert et les exterminer sur les montagnes. » Que votre indignation s’apaise, Seigneur ; pardonnez encore cette fois l’iniquité de votre peuple. Souvenez-vous d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, auxquels vous avez promis de protéger leur race et de leur donner une terre bénie qu’ils posséderont à jamais. »

Alors le Seigneur s’apaisa en faveur de Moïse ; il lui promit de ne pas exterminer tout le peuple, mais seulement de punir les plus coupables.

Moïse descendit donc de la montagne, portant en ses mains les tables de pierre sur lesquelles Dieu avait écrit des deux côtés les lois qu’il venait de lui dicter. Il trouva au pied de la montagne, Josué, qui n’avait pas suivi le peuple, mais qui était resté là pour l’attendre.

Louis. C’était très-bien à Josué ; je pense que le bon Dieu va le récompenser.

Grand’mère. Certainement. Josué sera du très-petit nombre des Israélites qui entreront dans la terre promise.

Armand. Et le pauvre Moïse ?

Grand’mère. Moïse mourra avant d’y pouvoir entrer ; ce sera la punition d’une faute qu’il va commettre plus tard.

Josué fut bien heureux de revoir Moïse ; en avançant vers le camp, il lui dit :

« Je ne sais ce qui se passe au camp ; j’entends des cris comme des personnes qui se battent. »

Moïse lui répondit : « Ce ne sont pas des cris de gens qui combattent, mais des chants et des cris de réjouissance. »

S’étant approché du camp, Moïse vit le veau d’or et les Israélites qui dansaient et qui chantaient devant lui en l’adorant. Alors il entra dans une grande colère, et jugeant ce peuple indigne de posséder les tables écrites de la main du Seigneur, il les jeta par terre avec violence et elles se brisèrent.

Gaston. N’est-ce pas très-vilain de se fâcher comme cela ? Il casse des tables précieuses que Dieu lui avait données. Moïse détruisant les tables de la loi
Grand’mère. Non, mon enfant ; il y a une colère qui est sainte et légitime ; c’est l’indignation des bons contre les méchants.

Remarque que, malgré toutes les injustices, toutes les ingratitudes dont Moïse avait souffert, sa douceur a toujours été la même. Jamais il ne s’est fâché pour une injure personnelle ; mais il ne peut supporter l’outrage incroyable fait à son Dieu, qu’il aime, qu’il adore : aussi, après avoir brisé les tables de la loi, il saisit le veau, le jeta à terre, le brisa en morceaux ; puis, ayant fait allumer un grand feu, il y jeta les débris de l’idole, et les fit brûler jusqu’à ce qu’ils fussent réduits en poudre ; puis il mit cette poudre dans l’eau et la fit boire aux Israélites.

Paul. Pourquoi cela ? pourquoi leur faire avaler cette poudre d’or ?

Grand’mère. Pour qu’il ne restât aucun vestige de ce prétendu dieu, et pour mieux démontrer son impuissance.

Ensuite Moïse appela Aaron et lui reprocha vivement sa faiblesse. Aaron voulut s’excuser sur la peur qu’il avait de ce peuple méchant, qui, dans sa colère, aurait pu le tuer ; mais Moïse n’accepta pas cette excuse et continua à le faire rougir de sa lâcheté.

Moïse se retira alors au bout du camp, et il dit : « Que ceux qui sont restés fidèles au Seigneur se joignent à moi. » Les enfants de la tribu de Lévi, qui étaient restés fidèles et qui n’avaient pas voulu adorer le veau d’or, s’assemblèrent autour de lui.

Moïse leur dit : « Voici ce qu’ordonne le Seigneur. Que chaque homme prenne son épée. Qu’il traverse le camp d’un bout à l’autre et qu’il tue tout ce qu’il trouvera sur son passage, quand même ce serait un père, un frère, un ami. »

Les enfants de Lévi firent ce que Moïse leur avait commandé, et ils tuèrent en ce jour-là environ vingt-trois mille hommes.

Henri. Comment ! Vingt-trois mille hommes ! Quel horrible massacre !

Grand’mère. Il n’était que juste ; ce n’étaient pas vingt-trois mille, mais peut-être quatre ou cinq cent mille hommes qui avaient mérité la mort. Ils le sentaient tous, car aucun ne pensa même à murmurer contre ce châtiment. S’ils ne s’étaient pas sentis si profondément coupables, ils auraient exterminé Moïse et ses Lévites. Et puis, ces Juifs à tête dure et rebelle avaient besoin de cette terrible leçon.