L. Hachette et Cie (p. 164-166).

LV

LES EAUX AMÈRES
LES CAILLES — LA PLUIE DE MANNE

(Même année, 1400 ans avant J.-C.)



Moïse quitta la mer Rouge et entra dans le désert de Sur. Ayant marché pendant trois jours, ils ne trouvèrent pas d’eau ; leur provision était épuisée. Allant un peu plus loin, ils arrivèrent devant le lac de Mara ; mais quand ils voulurent boire de cette eau, ils la trouvèrent si amère qu’ils ne purent l’avaler.

Alors ils commencèrent à murmurer, disant : « Que boirons-nous ? est-ce pour nous faire mourir de soif qu’on nous a amenés ici ? »

Moïse pria le Seigneur, qui lui montra un morceau de bois et le lui fit jeter dans le lac ; aussitôt ces eaux si amères devinrent douces comme celles des meilleures fontaines.

Ils allèrent ensuite au désert de Sin, près du mont Sinaï ; ils y arrivèrent six semaines après avoir quitté l’Égypte, et les provisions qu’ils avaient rapportées d’Égypte étaient épuisées, de sorte que, n’ayant rien à manger, ils se mirent à murmurer. « Est-ce pour nous faire mourir de faim qu’on nous a tirés d’Égypte ? Là, du moins, nous avions des marmites pleines de viandes et d’oignons délicieux, nous mangions du pain tant que nous en voulions ! Ne valait-il pas mieux nous laisser mourir là-bas ? Nous étions moins malheureux. »

Moïse se mit en prière et dit au peuple : « Ce soir même vous aurez de la chair en abondance, et demain et tous Les jours vous aurez une nourriture délicieuse qui vous sera envoyée chaque matin par le Seigneur. »

Aussitôt on vit arriver une telle multitude de cailles, que la terre en était couverte, et chacun en prit tant qu’il en voulut.

Le lendemain, quand on fut réveillé dans le camp, on vit que la terre était couverte de grains blancs comme la neige. « Qu’est-ce que c’est ? » se demandait le peuple d’Israël. Moïse leur dit : « C’est la manne, c’est-à-dire le pain que vous envoie le Seigneur ; ramassez-en suffisamment pour la journée ; demain il en tombera encore du ciel, et de même tous les jours pendant que vous serez dans le désert, jusqu’à ce que vous entriez dans la terre que le Seigneur a promise à notre père Abraham. Mais n’en ramassez pas plus que pour une journée, car le Seigneur veut que vous travailliez tous les jours à ramasser votre nourriture. Le jour du sabbat, qui est le jour du Seigneur, le jour du repos, il n’en tombera pas ; la veille du sabbat, vous en recueillerez pour deux jours. »

On appela manne ces petits grains blancs, de mahu, mot hébreu qui veut dire : qu’est-ce que cela ?

Les Israélites se mirent donc à ramasser la manne ; quelques-uns en ramassèrent plus qu’il n’en fallait, mais le lendemain elle se trouva gâtée et pleine de vers : il fallut qu’ils fissent tous les matins leur provision pour la journée. La veille du sabbat, Moïse leur dit d’en ramasser pour deux jours et qu’elle ne se corromprait pas, et c’est ce qui arriva.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’était que cette manne ? quel goût avait-elle ?

Grand’mère. C’était une espèce de pain, comme on n’en fait pas sur la terre ; il tombait du ciel. La manne avait la propriété de prendre le goût que désirait celui qui la mangeait.

Armand. C’était très-commode ; on pouvait donc manger du pain, de la viande, tout ce qu’on aimait ?

Grand’mère. Oui, le bon Dieu permit que cela fût ainsi, pour empêcher les Israélites de regretter les repas qu’ils faisaient en Égypte.

Marie-Thérèse. Et combien de temps cette manne continua-t-elle à tomber ?

Grand’mère. Pendant quarante ans.

Paul. Comment ! leur voyage dura quarante ans ? Cette terre promise était donc bien loin ?

Grand’mère. Non ; s’ils y étaient allés tout droit, ils y seraient arrivés en quinze jours tout au plus. Mais Dieu punit leurs révoltes continuelles en les condamnant à demeurer voyageurs et errants dans le désert en face de cette terre promise où leurs enfants seuls reçurent la permission d’entrer. Aucun des hommes qui avaient été délivrés de l’esclavage des Égyptiens ne mérita d’y arriver ; tous moururent dans le désert, comme vous le verrez plus tard.

Jeanne. Mais qui donc arriva à la terre promise, puisqu’ils moururent tous ?

Grand’mère. Leurs enfants et leurs petits-enfants ; ceux qui furent condamnés à mourir dans le désert, avaient plus de vingt ans quand ils sortirent de l’Égypte ; c’étaient déjà des hommes, et ils savaient le mal qu’ils faisaient en se révoltant sans cesse contre le Seigneur et contre son serviteur Moïse. Le Seigneur continua à les faire voyager et changer de place dans le désert.