L. Hachette et Cie (p. 540-543).

CCXV

LES SEPT FRÈRES MACHABÉES ET LEUR MÈRE

(165 ans avant J.-C.)



Dans le même temps, on saisit aussi sept jeunes gens et leur mère. Ils s’appelaient Machabées, bien qu’ils ne fussent pas de la grande famille de Judas, Jonathas et Simon Machabée, qui commandèrent plus tard la petite armée des Juifs fidèles. Ces jeunes hommes pleins de foi, et, de plus, excités par l’exemple du vieux Éléazar, refusèrent avec énergie de manger la viande de porc que leur faisait présenter le roi.

D’après l’ordre du roi, on leur déchira le corps avec des fouets et des lanières de cuir de taureau.

L’aîné des frères dit au roi : « Que demandez-vous ? Que voulez-vous de nous ? Sachez que nous sommes prêts à mourir dans les tourments plutôt que de trahir notre Dieu et ses lois. »

Le roi, entrant dans une grande colère, commanda qu’on fît chauffer de grandes chaudières.

Valentine. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il voulait en faire, ce méchant homme ? Mort et martyre des sept frères et de leur mère.

Grand’mère. C’était pour y faire cuire à petit feu ces pauvres frères Machabées.

Louis. Quelle abominable cruauté !

Grand’mère. Avant de le brûler, le roi ordonna qu’on coupât la langue à celui qui avait parlé, qu’on lui arrachât la peau de la tête, et qu’on lui coupât les extrémités (c’est-à-dire les doigts) des pieds et des mains, et qu’on fit assister à ce supplice ses frères et sa mère.

Ensuite, le roi le fit mettre dans une des chaudières, et on l’approcha du feu pour le faire brûler tout doucement pendant qu’il respirait encore. Pendant tout ce temps, ses frères et sa mère s’encourageaient les uns les autres à souffrir et à mourir pour le Seigneur.

Le premier étant mort, on prit le second pour lui faire souffrir les mêmes tourments ; après lui avoir coupé la langue et arraché la peau de la tête, on lui demanda s’il voulait manger de la viande de porc : « Je n’en ferai rien, » répondit-il. C’est pourquoi il souffrit les mêmes tourments que son frère. Étant près de mourir, il dit au roi : « Vous nous faites perdre la vie présente, ô très-méchant prince, mais le roi du monde nous fera ressusciter un jour pour la vie éternelle et bienheureuse. »

Henriette. Grand’mère, une chose qui m’étonne, c’est qu’il ait pu parler sans langue.

Grand’mère. Ce serait impossible, sans doute, dans ce qu’on appelle l’ordre naturel, mais Dieu lui donna la faculté de parler sans langue, comme il lui donnait la force de souffrir les atroces douleurs qu’on lui faisait endurer. Dans l’histoire des martyrs, on voit quelquefois ce miracle se reproduire.

Après ce second Machabée, on passa au troisième. Il présenta de lui-même sa langue pour être coupée, et il dit : « J’ai reçu mes membres du Ciel, je les abandonne au Seigneur pour servir sa cause ; j’espère qu’il me les rendra un jour. »

On tortura de même trois autres de ces vaillants jeunes gens ; tous dirent au roi qu’il serait puni pour ses cruautés et ses impiétés, que le Dieu d’Israël serait le plus fort et lui ferait expier ses crimes pendant une éternité. Mais le roi n’en était que plus furieux.

Pourtant la jeunesse et la beauté du dernier frère Machabée lui firent pitié ; il le fit approcher, lui parla avec douceur et bonté, lui promit sa haute faveur, des richesses, des honneurs, s’il voulait seulement goûter à de la viande de porc et adorer les idoles. L’enfant ne répondant pas, le roi appela la mère, et l’exhorta à inspirer à son fils des sentiments plus sages. Elle lui promit de le persuader, si on lui permettait de lui parler quelques instants.

On lui permit de l’approcher, et elle, l’embrassant et le serrant contre son cœur, lui dit : « Mon fils, prends pitié de moi, qui suis ta mère, qui t’ai nourri de mon lait et qui t’ai élevé jusqu’à ce jour. Je te conjure, mon fils, de comprendre que le Seigneur a créé de rien le ciel, la terre et tous les hommes ; seul il est le Tout-Puissant, celui qui punit et récompense, et auquel personne ne peut échapper. Ainsi, mon fils, ne crains pas ce cruel bourreau ; rends-toi digne de prendre part aux souffrances de tes frères et à leur récompense. Reçois la mort de bon cœur, afin que je te voie de nouveau avec tes frères dans cette miséricorde du Seigneur que nous attendons tous. »

À peine eut-elle fini de parler, que cet enfant, âgé de treize ans au plus, s’écria : « Qu’attendez-vous, ô roi ? Je n’obéis pas à votre commandement, mais à la loi qui nous a été donnée par Moïse. Quant à vous qui êtes l’auteur des maux dont on accable les Hébreux, vous n’éviterez pas la main de Dieu, car vous êtes le plus scélérat et le plus abominable de tous les hommes, et vous n’échapperez pas au jugement du Dieu qui peut tout et qui voit tout.

« Mes frères ont souffert une douleur passagère ; ils sont entrés maintenant dans la vie éternelle ; mais, pour vous, vous souffrirez au jugement de Dieu la peine que votre orgueil a justement méritée.

« Pour moi, j’abandonne, comme mes frères, mon corps et mon âme à mon Dieu, en le conjurant de se rendre favorable à notre nation et de vous contraindre par des tourments et par des plaies à reconnaître qu’il est le seul Dieu. »

Valentine. Comme c’est beau cela !

Grand’mère. Oui, de la part d’un enfant surtout, c’est un magnifique courage. Mais, le roi tout enflammé de colère fit éprouver sa cruauté à ce dernier frère, plus encore qu’aux autres. Il mourut donc dans l’innocence et dans la confiance en la bonté de Dieu. Sa mère fut martyrisée après lui, et conserva jusqu’au bout son courage héroïque.