L. Hachette et Cie (p. 522-525).

CCVII

DANIEL DANS LA FOSSE AUX LIONS

(520 ans avant J.-C.)



Darius établit dans son royaume cent vingt satrapes ou gouverneurs ; et, au-dessus de ces satrapes, il nomma trois princes pour lui rendre compte de tout. Daniel était un de ces trois princes. Darius avait pour lui beaucoup d’affection et de respect, et n’avait de confiance qu’en lui.

Darius voulait même l’établir seul au-dessus de tous les autres, et lui abandonner toute l’autorité, afin de n’avoir lui-même plus rien à faire dans le gouvernement de son royaume.

Les princes et les satrapes furent effrayés de ce projet de Darius, car on savait que Daniel, rempli de l’esprit de Dieu, ne permettrait aucune injustice, aucun vol, aucune cruauté, aucune mauvaise action. Ils firent donc un complot entre eux pour perdre Daniel, sans que le roi pût l’empêcher.

Ils vinrent trouver le roi, et ils le prièrent de publier un édit, par lequel il était défendu, pendant trente jours, à tout sujet du roi, d’adresser une prière n’importe à quel dieu, sinon au roi lui-même, sous peine d’être rejeté immédiatement dans la fosse aux lions.

Petit-Louis. Quelle folie de faire adorer le Roi ! Qu’est-ce que c’était que cette fosse aux lions ?

Grand’mère. C’était un fossé très-profond et très-large, dans les jardins du roi ; on y mettait des lions pour amuser le roi, et on leur jetait les condamnés à mort.

Darius, dont l’orgueil était flatté par cet édit qui le représentait comme un Dieu, consentit à le publier sans penser à Daniel. Peu de jours après, les princes vinrent dire à Darius que, malgré son édit, Daniel continuait à ouvrir sa fenêtre trois fois par jour, aux heures fixées par la loi juive, pour adorer son Dieu, comme il avait l’habitude de le faire avant l’édit, en se tenant tourné du côté de Jérusalem.

Le roi fut très-affligé en entendant cette accusation, car il aimait Daniel ; et il voulut lui pardonner d’avoir désobéi. Mais les princes et les satrapes lui représentèrent que, d’après les lois des Perses et des Mèdes, un édit du roi devait être exécuté, jusqu’à ce qu’il fut révoqué par un autre édit, et que le roi lui-même ne pouvait pas faire grâce dans cette occasion.

Le roi fit tout son possible jusqu’au soir pour sauver Daniel ; mais enfin il fut obligé de céder à la loi que lui représentaient les ennemis de Daniel. Il fit amener Daniel, et le livra aux princes en lui disant :

« Que le Dieu que tu adores te délivre de la gueule des lions ! » Daniel fut donc jeté dans la terrible fosse pour être dévoré par les lions. Le roi se retira accablé de tristesse. Il refusa de manger et de dormir.

Le lendemain, il alla dès le point du jour au bord de la fosse ; elle était couverte, de sorte qu’on ne voyait pas ce qui s’y passait. Le roi s’assit, et appela d’une voix triste, entrecoupée de gémissements. « Daniel, mon fidèle serviteur, et serviteur du Dieu vivant ! Ton Dieu, que tu adorais si souvent, a-t-il pu te délivrer de la dent des lions ? »

Daniel, qui était plein de vie, entendit sa voix, et lui répondit : « Ô Roi, mon Dieu a envoyé son Ange, qui a fermé la gueule des lions ; il leur a défendu de me faire aucun mal, parce que j’ai été trouvé juste devant lui. Et je n’ai rien fait non plus devant vous, ô mon Roi, qui puisse me rendre coupable. »

Le roi, au comble de la surprise et de la joie, ordonna qu’on fît sortir Daniel de la fosse aux lions, et qu’on y jetât à sa place ceux qui l’avaient accusé, avec leurs femmes et leurs enfants. Et, avant qu’ils fussent tombés jusqu’en bas, les lions, qui étaient très-affamés, se précipitèrent sur eux, broyèrent leurs os et les dévorèrent.

Darius examina Daniel pour voir s’il avait reçu quelques blessures ; mais on ne trouva aucune trace de morsures ou de déchirures. Darius envoya aussitôt un édit à tous ses peuples : « J’ordonne, disait-il, que, dans toutes les provinces et les villes de mon royaume, tous mes sujets révèrent et adorent avec crainte et tremblement le Dieu de Daniel ; car c’est lui qui est le Dieu vivant, l’Éternel qui règne dans les siècles ; c’est lui qui a délivré Daniel dans la fosse aux lions ; son royaume ne sera jamais détruit, et sa Daniel dans la fosse aux lions.
puissance restera dans l’éternité, » Depuis ce temps, Daniel fut toujours, jusqu’à la fin, le plus puissant après le roi. Il avait alors cinquante-huit ans.

Dans les années suivantes. Daniel eut trois songes ou visions qui lui furent expliqués par l’Ange de Dieu, Ces trois songes avaient pour objet la fin des royaumes de Perse et de Médie, la grandeur et la chute d’autres royaumes qui succédèrent à ceux-là ; ils prédisaient la venue du Messie, annonçaient sa Passion, sa mort et sa résurrection. Ils prédisaient aussi la fin de la captivité des Juifs, le rétablissement de Jérusalem et la fin du monde.

Louis. Grand’mère, je trouve que Darius, même dans ses actes de justice, est toujours très-cruel ; ainsi, je trouve très-bien qu’il ait fait manger par les lions les méchants qui avaient voulu faire périr le pauvre Daniel, mais je trouve qu’il a commis une injustice et une grande cruauté, en faisant jeter aux lions les pauvres femmes et les malheureux enfants qui n’étaient pas du tout coupables.

Grand’mère. De notre temps, cher enfant, on n’eût certainement pas puni des innocents pour des coupables, mais, dans les temps anciens, on estimait si peu la vie des femmes et des enfants, qu’on n’hésitait pas à les sacrifier, pour rendre plus terrible la punition du coupable.

Louis. Je suis bien content de n’avoir pas vécu dans ce temps-là. Les rois et tous les hommes étaient vraiment par trop méchants et injustes.

Jacques. N’est-ce pas, Grand’mère, que c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a rendu les hommes meilleurs ? À force de prêcher et de faire prêcher la charité, il a adouci les cœurs et les esprits.

Grand’mère. Tu as bien raison, cher enfant, partout où sont de vrais chrétiens, la charité, la bonté, la douceur sont hautement pratiquées, et tout le monde est plus heureux. On pardonne les injures, on soulage les misères, on aime et on est aimé ; de sorte que, tout en étant plus heureux dans ce monde, on gagne le bonheur éternel.