CLXIV

NAAMAN GUÉRI DE LA LÈPRE
GIÉZI DEVIENT LÉPREUX

(794 ans avant J.-C.)



Naaman était un général de l’armée du roi de Syrie, qui était un roi païen. Naaman était très-habile, très-riche, très-honoré, et il était en grande faveur auprès du roi, mais, sous ses vêtements, il était lépreux, ce qui gâtait tout son bonheur.

Gaston. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce qu’étant lépreux, il souffrait beaucoup de sa lèpre ; ensuite parce qu’il ne pouvait toucher personne, de peur de donner la lèpre, et il ne pouvait même toucher ni meubles, ni vêtements, ni aucun objet qui ne fût à son propre usage, de peur qu’on ne prit son mal.

Gaston. Mais comment faisait le roi pour lui donner ses ordres ? Et lui-même, comment faisait-il pour commander les armées ?

Grand’mère. Le roi lui parlait de loin, sans lui permettre de l’approcher, ni de toucher à aucun meuble, pas même de toucher aux murs ou aux portes. Naaman lui-même commandait de loin, et se faisait servir sans qu’on le touchât.

Le pauvre Naaman avait donc la lèpre. Il arriva un jour que des brigands avaient emmené captive une petite fille du pays d’Israël ; ils la vendirent à la femme de Naaman. Cette fille, voyant Naaman couvert de lèpre, dit à sa maîtresse : « Plût au ciel que mon seigneur eût été trouver le prophète qui est à Samarie ; il l’aurait sûrement guéri de sa lèpre. « 

Naaman, ayant su ce qu’avait dit cette fille, alla demander au roi de Syrie la permission d’aller dans le pays d’Israël pour voir le prophète.

« Va, lui dit le roi ; j’écrirai pour toi au roi d’Israël. » Naaman partit donc, emportant avec lui dix talents d’argent, c’est-à-dire six mille francs de notre monnaie, six mille écus d’or, et dix habillements neufs.

Il porta au roi d’Israël la lettre du roi de Syrie, qui lui disait : « Je vous envoie mon serviteur Naaman pour que vous le guérissiez de la lèpre. »

Le roi d’Israël, en lisant cette lettre, déchira ses vêtements, et dit : « Suis-je donc un Dieu pour pouvoir ôter et rendre la vie ? Pourquoi m’envoyer cet homme ? Comment puis-je le guérir de sa lèpre ? Vous voyez tous que le roi de Syrie cherche une occasion pour me déclarer la guerre. »

Élisée, ayant appris que le roi avait déchiré ses vêtements de crainte de la guerre, lui envoya dire : « Pourquoi avez-vous déchiré vos vêtements ? Pourquoi vous êtes-vous alarmé ? Que cet homme vienne à moi, et qu’il sache qu’il y a un prophète dans Israël. »

Naaman, l’ayant su par le roi, vint avec ses chevaux et ses chariots devant la maison d’Élisée, et se tint à la porte. Élisée lui envoya dire : « Va te laver sept fois dans le Jourdain, et la chair sera guérie et redeviendra saine. »

Naaman, tout fâché, se mit à dire : « Je croyais qu’il viendrait me trouver, qu’il invoquerait le nom du Seigneur son Dieu, qu’il toucherait ma lèpre de sa main et qu’il me guérirait. N’avons-nous pas à Damas des fleuves meilleurs que ceux d’Israël pour m’y laver ? »

Il allait repartir très-indigné, lorsque ses serviteurs lui dirent : « Seigneur, quand même le prophète vous aurait ordonné quelque chose de bien difficile, vous devriez le faire pour vous débarrasser de cette affreuse lèpre. Il vous a seulement dit : « Allez vous laver sept fois, et vous deviendrez net. »

Naaman les écouta et alla se laver sept fois dans le Jourdain, et, à la septième fois, il se trouva guéri ; sa chair était devenue douce et nette comme celle d’un enfant.

Alors Naaman retourna avec toute sa suite pour remercier l’homme de Dieu, et il lui dit : « Je sais certainement à présent qu’il n’y a pas d’autre Dieu dans toute la terre que le Dieu d’Israël. Je vous conjure donc de recevoir ce que votre serviteur vous offre, Élisée ne voulut rien accepter, et Naaman lui dit : « Il faut faire ce que vous voulez ; mais je vous conjure de me laisser emporter la charge de deux mulets de la terre de ce pays. Car, à l’avenir, votre serviteur n’offrira plus d’holocauste ou de victimes aux dieux étrangers ; il ne sacrifiera plus qu’au Seigneur sur de la terre d’Israël.

« Il n’y a qu’une chose pour laquelle je vous supplie de prier le Seigneur pour votre serviteur ; c’est que toutes les fois que le roi entrera dans le temple du dieu Remmon pour l’adorer en s’appuyant sur ma main, et que je serai obligé de l’accompagner, que le Seigneur me le pardonne. »

Élisée y consentit et répondit : « Allez en paix. »

Naaman avait déjà fait plus d’une lieue, lorsque Giézi, qui était le serviteur de l’homme de Dieu, dit en lui-même : « Mon maître a trop bien traité cet homme et n’a rien voulu prendre. Je courrai après lui, et j’en recevrai quelque chose. »

Il courut donc après Naaman, et Naaman, le voyant courir, descendit promptement de son chariot, vint au-devant de lui, et lui dit : « Tout va-t-il bien ?

— Fort bien, répondit Giézi. Mon maître m’a envoyé vous dire que deux jeunes gens, enfants des prophètes, lui sont arrivés tout à l’heure de la montagne d’Éphraïm. Il vous prie de me donner pour eux un talent d’argent et deux habits. »

Naaman lui dit : « Il vaut mieux, puisqu’ils sont deux, que je vous donne deux talents ; » et il obligea Giézi à les accepter. Il mit les deux talents dans un sac, et les deux habits dans un autre sac, et il dit à deux de ses serviteurs de les porter devant Giézi. Le soir étant venu, Giézi prit les sacs, renvoya les serviteurs, porta les sacs dans sa maison et alla se présenter devant son maître.

Valentine. Mais c’est très-mal ce qu’a fait Giézi ; c’est très-malhonnête.

Grand’mère. Tu as bien raison, mon enfant ; aussi va-t-il être bien puni.

Quand il revint près de son maître, Élisée lui dit : « D’où viens-tu, Giézi ?

— Votre serviteur n’a été nulle part, » répondit Giézi.

Élisée lui dit : « Mon cœur n’était-il pas présent, quand cet homme est descendu de son chariot pour aller au-devant de toi ? Maintenant tu as reçu de l’argent, et des habits, tu veux acheter des plants d’olivier, des vignes, des bœufs, des brebis, des serviteurs et des servantes. Mais la lèpre de Naamaa s’attachera à toi et à toute ta race pour jamais. »

Giézi se retira tout couvert d’une lèpre blanche comme la neige.

Louis. Je trouve qu’il a bien mérité la punition. Est-ce qu’il n’a pas demandé pardon ? Il n’a pas rendu l’argent et les habits pour les donner aux pauvres ?

Grand’mère. Il paraît que non, car la sainte Écriture n’en parle pas.