CLVIII

NABOTH REFUSE SA VIGNE À ACHAB
JÉZABEL LE FAIT MOURIR — MORT D’ACHAB

(797 ans avant J.-C.)



Il arriva dans ce temps un événement qui mit le comble aux crimes d’Achab et de Jézabel et à la colère du Seigneur…

Il y avait à Jezrahel, et près des jardins du roi, une maison et une vigne qui appartenaient à un pauvre homme nommé Naboth. Un jour, Achab eut envie de cette propriété pour agrandir son jardin. Il fit venir Naboth, et lui dit : « J’ai besoin de ta vigne et de ta maison pour agrandir mes jardins ; je t’en donnerai une plus grande et plus belle, ou si tu aimes mieux de l’argent, vends-moi ta vigne et ta maison. »

Naboth lui répondit : « Dieu me garde de vous donner l’héritage de mes pères ! »

Achab se mit dans une grande fureur, mais Naboth continua à refuser sa terre au roi. Achab le chassa, puis il se jeta sur son lit dans une grande désolation, et refusa de manger.

Jeanne. Comme c’est bête ! lui qui était si riche, il se désole pour une pauvre petite vigne qu’on lui refuse.

Jacques. Et c’est d’autant plus sot qu’il ne se gênait pas pour faire mourir les gens qui lui déplaisaient.

Grand’mère. C’est précisément le moyen que Jézabel a employé, comme tu vas le voir.

Jézabel, sa femme, étant venue le trouver : « Qu’est-ce que vous avez ? lui dit-elle. Pourquoi cette grande tristesse, et pourquoi ne mangez-vous pas ? »

Il lui répondit : « J’ai parlé à Naboth ; je lui ai offert de lui acheter sa vigne ou de lui en donner une autre plus belle. Il m’a répondu : « Je ne vous donnerai pas ma vigne ; je ne vendrai pas l’héritage de mes pères. »

Jézabel lui dit en ricanant : « Votre autorité est grande à ce que je vois, et vous gouvernez bien le royaume d’Israël. Je me charge d’arranger cette affaire. Levez-vous, mangez, et ayez l’esprit en repos. »

Aussitôt elle sortit ; elle envoya des lettres au nom du roi pour inviter les anciens et les premiers de la ville, au nombre desquels elle invita aussi Naboth, à venir au palais. Puis, elle paya deux hommes israélites pour accuser Naboth d’avoir blasphémé contre Dieu et contre le roi.

Les gens invités arrivèrent, et Naboth avec eux. Les deux hommes du diable accusèrent Naboth d’avoir blasphémé contre Dieu et le roi.

Et avant que le pauvre Naboth, tout surpris, eût eu le temps de se justifier, les anciens, poussés par ces hommes de Satan, le condamnèrent à mort, et, à la demande des deux calomniateurs, on se saisit de lui, et on l’emmena pour le lapider.

Il fut donc emmené et lapidé sur l’heure. — Quand on vint dire à Jézabel que Naboth était mort, elle alla chez le roi, et lui dit : « Allez bien vite vous rendre maître de la vigne de Naboth, qui a refusé de se rendre à vos désirs ; car Naboth n’est plus ; il est mort, lapidé par le peuple. »

Achab, tout joyeux, alla aussitôt s’emparer de la vigne de Naboth.

Pendant qu’il dépouillait ce pauvre homme, qui avait péri victime de la rapacité et de la cruauté de la détestable Jézabel, le Seigneur appela Élie et lui dit :

« Va tout de suite au-devant d’Achab, qui est dans Samarie. Le voilà qui est dans la vigne de Naboth pour s’en rendre maître. Tu lui parleras dans ces termes :

« Vous avez tué Naboth, et vous avez pris sa vigne. Voici ce que dit le Seigneur : En ce même lieu où les chiens ont léché le sang de Naboth, ils lécheront aussi votre sang. Je ferai fondre sur vous tous les maux ; je détruirai de dessus la terre vous et votre postérité. Je tuerai de la maison d’Achab jusqu’aux plus petits enfants et aux animaux. Je rendrai votre nom odieux à toutes les nations. Les chiens mangeront Jézabel dans le champ de Jezrahel. Si Achab meurt dans la ville, il sera mangé par les chiens. S’il meurt dans les champs, il sera mangé par les oiseaux du ciel, parce qu’Achab et Jézabel n’ont pas leur semblable en méchanceté. »

Achab, ayant entendu ces paroles, déchira ses vêtements, se couvrit d’un cilice, jeûna, dormit dans un sac, et marcha la tête baissée.

Armand. Pourquoi fit-il tout cela, ce méchant homme ? il ne pouvait pas espérer que le Seigneur lui pardonnerait.

Grand’mère. C’est pour exprimer son repentir qu’Achab s’humilia ainsi devant le peuple ; et il paraît que le Seigneur, qui voit le fond des cœurs, le jugea sincèrement repentant, puisqu’il dit à Élie :

« Tu vois le repentir d’Achab. Puisqu’il s’est humilié ainsi devant moi, je ne ferai pas tomber sur lui de son vivant les maux dont je l’ai menacé ; mais je les ferai tomber sur sa maison, sous le règne de son fils. »

Henriette. Je trouve que le bon Dieu est beaucoup trop bon pour cet abominable homme. Ce n’est pas son repentir qui pouvait faire revivre le pauvre Naboth, tous les prophètes qu’il a fait mourir, et tant d’autres encore.

Grand’mère. Tu ne dirais pas cela, chère petite, si c’était toi qui étais Achab ; tu serais bien heureuse que Dieu daignât accepter ton repentir et te pardonnât tous les crimes que tu détesterais et qui te feraient verser des larmes amères. Et voilà ce qui rend la bonté de Dieu si admirable ; c’est qu’un instant de vrai repentir suffit pour faire pardonner toute une vie de crimes ; tant qu’on vit, on peut être sauvé.

Henriette. C’est vrai, Grand’mère, mais pourtant cela fait mal de penser que ce pauvre Naboth et tant d’autres ne seront pas vengés de leur assassin.

Grand’mère. Chère petite, il est plus que probable qu’Achab aura cruellement expié ses crimes, et même ses moindres fautes dans les souffrances terribles du purgatoire ; seulement, grâce à son repentir, il aura pu être admis dans le paradis après la punition.

Henriette. À la bonne heure, pourvu qu’il ait été puni autant qu’il le méritait.