XII

ABRAHAM
IL VIENT DANS LA TERRE DE CHANAAN ET EN ÉGYPTE.

(1921 ans avant J.-C.)



Vous vous souvenez peut-être, mes enfants, que je vous ai parlé d’un Patriarche descendant de Sem ; il s’appelait Abraham, et il est le Patriarche le plus honoré, le plus fidèle, le plus grand entre tous les serviteurs de Dieu de l’ancienne loi.

Abraham était fils de Pharé, et il avait un frère nommé Aran, qui mourut jeune, laissant un fils appelé Lot. Lot était donc le neveu d’Abraham.

Sara, la femme d’Abraham, était stérile, c’est-à-dire qu’elle n’avait pas d’enfants.

Pharé habitait la Chaldée avec sa famille ; il voulut aller s’établir dans le pays de Chanaan, renommé pour l’abondance de ses fruits et de ses moissons.

Il prit donc avec lui Abraham, son fils, Sara, sa belle-fille, Lot, son petit-fils, et ils arrivèrent à Haran, qui se trouvait entre la Chaldée et le pays de Chanaan. Peu de temps après leur arrivée à Haran. Pharé mourut à l’âge de deux cent cinq ans.

Louis. Comme il était jeune auprès de Noé et d’Adam !

Grand’mère. Oui, on voit dans la Bible que depuis le déluge la durée de la vie des hommes diminuait peu à peu.

Marie-Thérèse. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce qu’à mesure que la population augmentait, il n’était plus nécessaire, pour peupler le monde, que les hommes vécussent aussi longtemps, ni qu’ils eussent autant d’enfants.

Le Seigneur dit à Abraham :

« Sors de la maison de ton père et de ce pays, et viens dans la terre que je te montrerai. Je ferai sortir de toi un grand peuple, je te bénirai, je rendrai ton nom célèbre, et tu seras béni. Je bénirai ceux que tu béniras, je maudirai ceux que tu maudiras, et tous les peuples de la terre seront bénis en toi. »

Abraham sortit donc de la maison de son père et de la ville de Haran, comme le lui avait commandé le Seigneur, et Lot, son neveu, en sortit avec lui. Abraham avait soixante-quinze ans quand il quitta Haran.

Il prit avec lui Sara, sa femme, Lot, fils de son frère, tous les troupeaux et les biens qu’ils possédaient, tous leurs enfants et leurs serviteurs, et ils prirent le chemin du pays de Chanaan. Abraham traversa le pays jusqu’au lieu appelé Sichem, qui était un pays fertile. Les Chananéens, descendants de Cham et de Chanaan, demeuraient alors dans ce pays-là. C’étaient des hommes impies et ennemis de Dieu.

Le Seigneur apparut à Abraham et lui dit : « Je donnerai ce pays à ta postérité. »

Avec de grosses pierres, Abraham dressa un autel à la place où le Seigneur lui était apparu. Et ne voulant pas chasser les Chananéens de leur pays, il s’en alla plus loin.

Valentine. Pourquoi donc, puisque Dieu lui avait donné ce pays ?

Grand’mère. Dieu ne l’avait pas donné à Abraham, il l’avait promis à sa postérité. D’ailleurs, Abraham pensait bien que les Chananéens ne se laisseraient pas chasser comme des moutons de ce beau pays, et qu’ils se défendraient avec des armes. Les Chananéens étant bien plus nombreux que les serviteurs d’Abraham, il était évident que ceux-ci seraient vaincus et tués. Abraham continua donc à avancer ; mais à mesure qu’il descendait au midi, du côté de l’Égypte, il vit qu’il y avait une grande famine dans ce pays, et qu’il n’y trouverait pas de nourriture suffisante pour ses hommes et ses nombreux troupeaux. Il résolut donc d’aller s’établir pendant quelque temps en Égypte.

Avant d’y entrer, il dit à Sara, sa femme : « Je sais que tu es belle ; quand les Égyptiens t’auront vue, ils diront : C’est la femme de cet homme-là, et ils me tueront pour te prendre chez eux et t’épouser. Dis donc, je t’en supplie, que tu es ma sœur ; alors ils me traiteront favorablement à cause de toi, et ils ne me tueront pas. » Quand Abraham fut établi en Égypte, les Égyptiens virent en effet que Sara était très-belle. Les seigneurs du pays en informèrent leur roi Pharaon, qui donna ordre qu’on enlevât Sara et qu’on l’amenât dans son palais.

Marie-Thérèse. Abraham n’a rien gagné à son mensonge ; on va le tuer tout de même, et la pauvre Sara restera esclave.

Grand’mère. Non, les Égyptiens ne le tuèrent pas, ils le traitèrent au contraire avec grande considération à cause de Sara, et Pharaon lui donna des brebis, des ânes, des serviteurs et des servantes, des ânesses et des chameaux. Quant à Sara, Dieu vint en aide à Abraham ; il envoya à Pharaon et à sa maison de très-graves maladies et de grands malheurs, de sorte que Pharaon, ne sachant pourquoi il était frappé de la sorte, en parla à Sara, qui lui avoua qu’elle était non pas la sœur, mais la femme d’Abraham, et que son Dieu, qui était un Dieu tout-puissant, voulait qu’elle fût rendue à son mari.

Gaston. Pharaon a dû être furieux ; il va faire mourir Abraham,

Grand’mère. Au contraire, Pharaon fit venir Abraham et lui dit : « Pourquoi as-tu agi ainsi envers moi ? Pourquoi ne m’as-tu pas dit que Sara était ta femme ? Pourquoi as-tu dit qu’elle était ta sœur, me donnant ainsi l’idée de la prendre pour mon épouse ? Voici ta femme, prends-la, mais ne reste pas dans mon pays. »

Pharaon, ayant rendu Sara à son mari, donna ordre à ses gens qu’on eût de grands égards pour Abraham et Sara, et qu’on les reconduisit hors de l’Égypte avec leurs serviteurs, leurs troupeaux et tout ce qu’ils possédaient.

Henri. Je trouve que ce pauvre Pharaon s’est très-bien conduit, beaucoup mieux qu’Abraham, qui a été cause de tout le mal avec son mensonge.

Grand’mère. Abraham n’avait pas fait de mensonge en disant que Sara était sa sœur, car elle était réellement sa cousine, et en hébreu le même mot veut dire sœur et cousine. Il avait seulement caché qu’elle était aussi sa femme ; et il le fit autant pour sa sûreté personnelle que pour celle de ses serviteurs et de tous ceux qui l’accompagnaient. Quant à Pharaon, il avait été obligé de reconnaître la toute-puissance du Dieu d’Abraham ; il n’osa pas lutter contre lui, et il espéra se le rendre favorable en témoignant des égards à Abraham qu’il combla de présents.