L. Hachette et Cie (p. 272-274).

CII

JONATHAS — SA VICTOIRE
LE PEUPLE LUI SAUVE LA VIE

(971 ans avant J.-C.)



Pendant deux ans, Saül eut plusieurs guerres à soutenir, et partout il battit ses ennemis. Sa victoire la plus importante fut contre les Philistins, qui avaient rassemblé tous les hommes capables de porter des armes pour écraser et détruire à jamais le peuple d’Israël.

Jonathas, fils de Saül, ayant su les préparatifs terribles des ennemis, dit qu’il leur ferait bien voir qu’avec le secours du Seigneur, un homme était plus fort qu’une armée. Il partit donc avec son écuyer et arriva au bas du rocher sur lequel s’était postée l’avant-garde des Philistins. Et il dit à son écuyer : « Montrons-nous ; si les Philistins nous disent : « Attendez, nous allons descendre vers vous, » ce sera un signe que Dieu n’approuve pas notre entreprise. Mais, s’ils nous disent : « Montez donc, nous vous ferons voir quelque chose, » cela voudra dire que le Seigneur nous approuve et qu’il nous viendra en aide. »

Jonathas et son écuyer sortirent de derrière le rocher ; les Philistins les aperçurent : « Voilà, dirent-ils, les Israélites qui sortent de leurs cavernes. » Les Philistins, s’avançant leur dirent : « Montez donc ; nous vous ferons voir quelque chose. »

Aussitôt Jonathas, accompagné de son écuyer, commença à escalader le rocher, s’aidant des pieds et des mains ; les Philistins, surpris, crurent que ces deux hommes venaient leur demander grâce pour le peuple d’Israël ; ils les laissèrent grimper ; mais quand le brave Jonathas fut monté au haut du rocher, lui et son écuyer se mirent à tuer tous les Philistins qui les approchaient ; les ennemis crurent alors que toute l’armée d’Israël suivait ces deux hommes ; la frayeur les saisit, et ils se mirent à courir en poussant de grands cris et à s’entre-tuer les uns les autres, se croyant poursuivis par une armée, et ne se reconnaissant plus entre eux ; ils arrivèrent ainsi jusqu’à leur camp, où ils répandirent la terreur, et toute l’armée commença à s’entre-tuer.

Saül était resté avec six cents hommes dans son camp ; il entendit les cris que poussaient les Philistins : ayant dit au prêtre de consulter Dieu devant l’Arche, il sut que les Philistins s’entre-tuaient entre eux. Il partit aussitôt pour achever la victoire, ne sachant pourtant pas par qui le combat avait été commencé. Il promit au Seigneur que, s’il revenait vainqueur, ni lui ni aucun des siens ne mangeraient ni ne boiraient jusqu’au coucher du soleil, jurant que ceux qui manqueraient à ce serment, seraient tués sur l’heure.

Ils coururent donc au camp des Philistins et ils trouvèrent sur le chemin une multitude de cadavres, mais tous Philistins ; ils n’eurent qu’à achever le massacre commencé, ce qui fut très-facile, car les ennemis fuyaient sans combattre, et plus de dix mille Israélites des environs vinrent rejoindre Saül dans la journée. On poursuivit les ennemis pendant plus de deux lieues.

Quand on eut tout détruit, Saül retourna à Gabaa ; en revenant, ils passèrent par un petit bois où il y avait tant de miel, qu’il coulait par terre. Mais, comme le soleil n’était pas encore couché, personne n’osa y toucher à cause du vœu de Saül.

Jonathas ne savait pas le serment qu’avait fait son père. Après une si terrible journée, il mourait de faim et de soif ; voyant ce miel, il en prit au bout d’un bâton et en mangea, ce qui lui redonna de la force pour attendre la rentrée au camp.

Quand l’armée se fut reposée et eut mangé, Saül consulta le Seigneur pour savoir s’il fallait pendant la nuit continuer la poursuite des ennemis, ou attendre au lendemain ; mais Dieu ne répondit pas, aucune voix ne se fit entendre.

Saül reconnut alors que quelqu’un avait manqué au serment qu’il avait fait le matin. Il rassembla l’armée et dit au Seigneur : « Seigneur, découvrez-nous quel est celui qui vous a offensé. » Le Seigneur désigna Jonathas. Saül dit à Jonathas : « Avoue-moi ce que tu as fait pour offenser le Seigneur. » Jonathas répondit : « Ne sachant pas votre vœu, mon père, j’ai mangé un peu de miel en passant dans le bois.

— Que Dieu me punisse, si, aujourd’hui même, je ne te fais mourir pour punir ta désobéissance ! » s’écria Saül.

Jacques. Par exemple, je trouve que c’est très-injuste : puisque ce pauvre Jonathas ne savait pas le vœu qu’avait fait Saül, son père, il n’avait commis aucune faute.

Grand’mère. Aussi le bon Dieu ne permit pas que Saül exécutât sa menace. À l’instant même tout le peuple se révolta, criant qu’il ne souffrirait pas que Jonathas, auquel on devait le succès de cette journée et qui s’était couvert de gloire, fut tué pour une faute qui n’en était pas une. Et, se jetant entre Saül et Jonathas, ils jurèrent qu’on les tuerait tous avant de toucher à Jonathas.

Saül fut obligé de céder. Le peuple sauva ainsi Jonathas de la mort.