L’album anti-clérical/La prière à saint Antoine


Bibliothèque anti-cléricale (p. 16-18).

LA PRIÈRE À SAINT ANTOINE

1
Cette bonne Mme Balloche, présidente de l’Association du Saint-Rosaire et épouse du marguillier Stanislas Balloche, fait présent à celui-ci, le jour de sa fête, d’un superbe chibouque. Stanislas, que son confesseur a autorisé à fumer, est tout heureux de ce splendide cadeau.
2
Le soir, sitôt que Mme Balloche s’est retirée dans sa chambre, Stanislas, avant de se mettre au lit de son côté, éprouve le besoin d’essayer la précieuse pipe ; mais, comme elle n’a pas été préalablement culottée, il la trouve fort mauvaise et même il éprouve des nausées.
3
Grand est l’étonnement de Madelon, la servante, en constatant, le lendemain, sur la descente de lit de monsieur, la présence d’un long tuyau de bois, dont elle ne peut comprendre l’usage, vu que le fourneau du chibouque a roulé séparément sous la table de nuit.
4
Après mûres réflexions, Madelon se dit que l’objet est sans doute pour remplacer le tuyau trop flexible du clyso-pompe de monsieur ; elle l’ajuste donc à l’irrigateur susdit, et s’en sert, dès le jour même, pour donner un lavement de mauve à son mari, jardinier de la maison.
5
Minutieuses recherches de Mme Balloche, qui est au désespoir en ne retrouvant que le fourneau du chibouque dépourvu de son tuyau. Elle emploie, mais en vain, toute sa matinée à découvrir l’endroit où a pu rouler ce complément indispensable de la pipe de Stanislas.
6
À bout de recherches, Mme Balloche se précipite à deux genoux devant l’image bénite du grand saint Antoine de Padoue et adresse une prière fervente à ce bienheureux dont la spécialité, ce que personne n’ignore, est de faire retrouver les objets perdus.
7
Joie ineffable de Mme Balloche qui, passant par hasard à l’office, trouve, accroché parmi différents ustensiles, le mirifique tuyau. L’allégresse de la chère dame est tellement vive qu’elle l’empêche de remarquer en quelle étrange compagnie figure l’appendice en question.
8
Toute à son bonheur, Mme Balloche rend des actions de grâces à saint Antoine, son protecteur, et, se rendant sans désemparer au salon, elle rajuste le chibouque et le garnit de caporal supérieur. Ce sera pour le gros chéri Stanislas, quand il aura, fini de déjeuner.
9
Conformément à ce programme, Mme Balloche invite Stanislas, après le dessert, à essayer de nouveau sa belle pipe, dont l’histoire de la perte et de la trouvaille miraculeuse est aussitôt narrée. Stanislas, s’exécutant, reconnaît que jamais il n’a rien fumé d’aussi bon.