L’Outaouais supérieur/Les phosphates de l’Outaouais


C. Darveau (p. 208-224).


CHAPITRE IX



LES PHOSPHATES DE L’OUTAOUAIS




Les rivières Gatineau et du Lièvre traversent un pays où abondent les minéraux, tels que le phosphate, le fer, la plombagine, le mica, voire même l’or et l’argent. Le fer est de qualité supérieure, et vaut à peu près celui de Suède ; quant au phosphate, il offre à l’agriculture une ressource incomparable.

La colonisation, qui semblait devoir être une œuvre lente, et l’industrie, encore bornée à la sphère des petites entreprises locales, ont reçu une impulsion inattendue de l’exploitation des gisements de ce dernier minéral, dont on connaissait à peine l’existence il y a une quinzaine d’années. Il ne faut pas, en effet, remonter plus haut que 1873 pour assister aux premiers mouvements de la spéculation, sur les mines de phosphate. La présence de cette substance dans la vallée de l’Outaouais avait cependant été signalée dès longtemps déjà par la « Commission géologique », mais on n’en connaissait pas la valeur ; on ne savait ni la préparer ni l’utiliser, ni surtout comment en tirer un profit quelconque. Cela, du reste, n’a rien d’étonnant, quand on songe qu’en France même on n’a commencé que vers 1855 à reconnaître la valeur du phosphate comme engrais et à en faire usage dans l’agriculture. La nécessité est la mère de toutes les découvertes ; c’est elle qui nous a poussés, à la vue de nos champs épuisés, de nos terres devenues en maints endroits stériles, à chercher les moyens de leur rendre leur fécondité première. Or, de tous ces moyens, il n’en est pas de comparable à l’emploi du phosphate de chaux, ou apatite, élément indispensable à la nourriture des plantes.

Le phosphate est répandu partout dans la nature ; tous les animaux en contiennent une certaine quantité, et par suite, les engrais naturels en renferment aussi ; mais les engrais naturels sont insuffisants ; la terre, pour être productive, a besoin d’acide phosphorique, seul élément constitutif de l’organisme végétal et animal qui ne puisse être remplacé par un autre.

Quoique sir William Logan eût signalé dès 1867, dans son rapport géologique, la présence du phosphate dans les bassins de la Gatineau et de la Lièvre, et qu’il eût établi, par des observations et des expériences, que le phosphate canadien contenait parfois jusqu’à 90 pour cent de matière fertilisante, on avait continué néanmoins d’en méconnaître l’existence. On ignorait assez généralement la valeur de ce produit minéral ; et puis, on lit si peu les livres officiels ! La routine, dont nous nous débarrassons assez rapidement, depuis quelques années que nous nous sommes mis à ouvrir les yeux, conservait encore tout son empire. Enfin, la politique, cette politique absorbante qui laisse à peine quelques rares loisirs pour l’étude des ressources du pays et de ses véritables intérêts, avait empêché qu’on ne prêtât quelque attention aux indications de sir William Logan. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’étranger, la découverte de nos phosphates fût aussi une chose absolument inconnue.

« Il semblerait, dit M. Octave Cuisset, que les Anglais qui allaient fouiller tous les coins du monde, partout où ils pouvaient trouver un aliment de phosphate pour leurs terres, eussent dû les premiers s’émouvoir d’une pareille découverte faite dans une de leurs colonies, et l’on peut s’étonner à juste titre si le contraire arriva. S’il se fussent occupés de la chose, l’exploitation des immenses gisements que possède le Canada serait en pleine activité depuis plus de dix ans, et n’eût-on produit que l’approvisionnement de l’Angleterre seule, c’est-à-dire la quantité qu’elle importe chaque année, que l’industrie minière du phosphate en ce pays eût déjà acquis un mouvement des plus avantageux. Mais la découverte demeura presque inaperçue pendant plusieurs années. Cependant, vers 1875 ou 1876, la question des phosphates en Canada fut considérée avec plus d’attention ; des échantillons furent envoyés à l’Exposition internationale de Paris, en 1878, et ces spécimens attirèrent vivement l’attention des hommes compétents. Dans les années qui suivirent, quelques tentatives d’extraction furent faites, mais sans amener encore une exploitation bien considérable. Le rapport du commerce et de la navigation pour l’année 1876-77 ne fait mention d’aucune exportation de phosphate, tandis que celui de 1878-79 mentionne une exportation de 11,927 tonnes, ayant une valeur de $216,295, soit un peu plus de $18 la tonne. Sur cette quantité, 9,385 tonnes ont été expédiées en Angleterre, 2,018 aux États-Unis, 188 en France et 336 en Allemagne. »

Remarquons toutefois, contrairement à ce que dit M. Cuisset, que la première exportation de phosphate canadien remonte à l’année 1873. Elle ne comprenait, il est vrai, que 185 tonnes de ce minerai ; mais en 1876, il en était expédié 2,714 tonnes, et déjà l’on signalait, dès l’année suivante, une expédition de 4,800 tonnes pour la Grande-Bretagne, par la voie du Saint-Laurent.

La première vente publique de terrains phosphatés eut lieu en août 1877. Dix-neuf mille cinq cents acres furent livrés à l’enchère, sur une mise à prix d’un dollar l’acre. L’année suivante, une loi de l’Assemblée législative porta la mise à prix à deux dollars ; mais l’importance des terrains devenant de jour en jour plus considérable, le gouvernement rendit, le 25 mars 1881, un ordre en conseil qui éleva la mise à prix à trois dollars. L’année suivante, il y eut une nouvelle vente publique ; huit mille acres de terrains phosphatés étaient livrés à la concurrence des enchérisseurs, et le gouvernement retirait de cette opération plus de trente mille dollars. Des lots étaient vendus quatre, cinq, dix et même quinze dollars l’acre, et l’on remarquait que c’étaient les représentants des compagnies françaises qui avaient le plus fait monter les enchères dans cette circonstance.



Jusqu’à 1882 ou 1883, on n’avait fait qu’effleurer le sol dans ces travaux d’extraction du phosphate ; on s’était borné aux fouilles de surface ; mais les données géologiques, confirmées par les sondages d’essai, ne tardèrent pas à démontrer que les gisements les plus riches se trouvaient en veines pures et étendues, au-dessous des forages. M. Boyd-Dawkins, géologue anglais éminent, après une visite dans les districts à phosphate du Canada, avait exprimé l’opinion que les principaux dépôts se trouvaient à une certaine profondeur. Des sondages ultérieurs avaient promptement confirmé cette opinion sur plusieurs points, entre autres à la mine « North Star », où le puits principal, d’où l’on avait extrait plus de cinq mille tonnes de roche phosphateuse, atteignait une profondeur de trois cents pieds. À cette dernière profondeur même, on avait rencontré un dépôt beaucoup plus considérable que tout ce que l’on avait trouvé précédemment, et la preuve acquise de la continuité des dépôts avait provoqué l’organisation des travaux d’exploitation sur une très grande échelle.

Les phosphates canadiens devenaient rapidement une des plus importantes ressources du Canada. Pendant longtemps ils avaient eu à lutter contre la défaveur et les difficultés qu’éprouve l’introduction de tout nouveau produit, mais ils avaient vite conquis leur place sur les marchés européens ; et, aujourd’hui, ils sont en grande demande, tant en Angleterre que sur le continent. Leurs qualités supérieures permettent de les employer, pour enrichir les phosphates pauvres de la Belgique et de la Caroline du Sud. Pour la fabrication des superphosphates de première qualité, ils n’ont pas de rivaux.

Le rétablissement de relations suivies avec la France était destiné à donner une grande impulsion à cette branche de l’industrie minière. Aussi se forma-t-il bientôt une compagnie dirigée par MM. Dior frères, grands fabricants d’engrais, propriétaires des célèbres usines Saint-Nicolas, à Granville, France, avec l’objet d’exploiter nos phosphates et de construire des usines dans la province même de Québec. Ce résultat était dû aux actives démarches, aux efforts incessants d’un jeune Français doué de rares aptitudes commerciales et industrielles, M. Foursin-Escande, qui était venu au Canada pour en étudier les ressources, pour y fonder sur une base solide quelque nouvelle industrie dans laquelle la France et notre province seraient également intéressées

Après quelques mois d’observation, M. Foursin-Escande en vint à la conclusion qu’il ne pouvait mieux faire que d’essayer d’établir entre les deux pays un commerce direct et régulier de bestiaux et de moutons. Lui-même partit pour la France avec une cargaison de moutons dans l’automne de 1879. Mais, pour une raison ou pour une autre, M. Escande revenait au Canada, l’année suivante avec peu d’espoir de pouvoir continuer les relations commencées entre son pays et le nôtre.

C’était alors l’époque où la réputation de nos phosphates commençait à se répandre et à éveiller l’attention générale. M. Escande se rendit à la Gatineau, parcourut la région des phosphates, se fit donner tous les renseignements nécessaires, et, convaincu bientôt qu’il y avait là une riche mine à exploiter, il conçut un autre projet qui, s’il eût été réalisé suivant ses vues, aurait sans doute été le point de départ d’entreprises considérables. Il se mit sans délai en communication avec les MM. Dior, qu’il connaissait personnellement, et leur proposa d’établir, sur une modeste échelle d’abord, une ligne de steamers qui transporteraient au Canada des marchandises françaises et en rapporteraient en échange des cargaisons composées pour un tiers de bétail vivant, et, pour les deux autres tiers, de phosphates. Puis M. Escande s’employa avec une activité infatigable auprès de notre gouvernement pour faire réussir son projet. Il en démontra l’excellence et tous les profits que nous en tirerions ; il recueillit des statistiques, adressa des rapports et rédigea même sur la question un mémoire, qui pourra servir de modèle et sera encore tout d’actualité, si la nouvelle compagnie française formée par M. Bossière veut reprendre ce projet et le mettre à exécution.

M. Escande obtint du gouvernement fédéral une subvention annuelle de $50,000 pour la nouvelle ligne de steamers, à la condition que le gouvernement français accorderait de son côté une subvention de cent mille dollars. Les MM. Dior consentirent aussitôt à former leur compagnie dans ces conditions, et ils ne tardèrent pas à être bientôt prêts à ouvrir les opérations. Ils étaient convenus avec le gouvernement provincial d’expédier à Québec un premier chargement consistant en cinq cents tonnes de goëmon phosphaté, que le gouvernement payait vingt-six dollars la tonne et qu’il devait revendre pour le même prix aux sociétés d’agriculture de la province. Les MM. Dior s’engageaient à fonder une usine pour la préparation du phosphate et à tenir une ligne régulière entre le Canada et la France.

Sur ces entrefaites, le bruit se répandit qu’il se formait en France une compagnie rivale, avec de grands capitalistes à sa tête, des banques même pour actionnaires, et que le commerce, modeste au début, que devaient entreprendre les MM. Dior, devenait, entre les mains de la nouvelle compagnie, une vaste entreprise dans laquelle les millions couleraient à flots. Un politicien de ce pays-ci, qui s’était fait le promoteur de la nouvelle entreprise et qui était même allé à Paris, où l’on avait fait briller à ses yeux les plus séduisantes promesses (qui n’ont jamais été réalisées, bien entendu), s’était malencontreusement mis en travers des MM. Dior, avait réclamé pour sa compagnie fictive la subvention de $50,000 accordée par le gouvernement fédéral, et avait réussi à paralyser, dès le début, des opérations dont le succès paraissait assuré. Il s’en suivit des délais, des malentendus, des récriminations. Le gouvernement fédéral ne savait plus à quelle compagnie donner la subvention promise ; notre premier ministre, tiraillé, embarrassé, indécis, dut se résigner à assigner aux frères Dior un terme pour l’exécution complète de leur entreprise, et à leur adresser coup sur coup des télégrammes pressants. Ceux-ci se crurent abandonnés par le gouvernement provincial ; ils se virent en même temps menacés de perdre leur subvention ; ils crurent dès lors plus sage de ne pas courir de risques dans de pareilles conditions, et ils signifièrent au gouvernement provincial qu’ils renonçaient à leurs projets. Ce fut le signal d’une débâcle complète. Nous perdions le concours certain, et même dévoué, de la maison Dior dans l’établissement d’importantes relations avec la France, et la grande compagnie de capitalistes et de banquiers n’émergeait pas encore à l’horizon. Elle n’a même pas donné signe de vie depuis lors.



Dans le cours de 1881, il s’était formé une autre compagnie française, au capital de sept cent cinquante mille francs (§150,000), sous le nom de « Société française des phosphates du Canada ». Elle avait son siége général à Bordeaux ; les travaux étaient placés sous la direction savante de M. Maurice Jeantet, ingénieur, ancien élève de l’École nationale des mines, à Paris, et M. Labouglie en était nommé inspecteur. De plus, la compagnie confiait à M. Charles Ovide Perreault, vice-consul de France, la haute charge d’agent supérieur, et le mettait à la tête du bureau des affaires à Montréal.

Elle avait acheté, dans les environs du lac Thomas (canton Portland) une mine que l’on disait presque aussi riche que celle de High-Rock, qui, dès ce temps-là même, employait près de cinq cents hommes. Elle avait, en outre, fait des acquisitions importantes à une enchère publique de terrains phosphatés, qui avait eu lieu au département des Terres publiques.[1]

Elle achetait en même temps, pour 60,000 dollars (300,000 francs), les droits miniers des cultivateurs du canton Buckingham, et payait en une seule semaine trois mille dollars de salaires à ses ouvriers ; enfin elle se proposait d’établir avant longtemps une manufacture d’engrais pour transformer le phosphate de chaux en superphosphate propre à être livré à l’agriculture.

Cinq mille six cents acres, telle était l’étendue de terrain que la « Société française » possédait alors dans les deux cantons les plus riches en phosphate de toute la vallée de la Lièvre : ceux de Templeton et de Buckingham.

D’autre part, la « Société générale » et la « Société commerciale » de Paris, voulant consacrer une dizaine de millions de francs à l’exploitation des mines du Canada, envoyaient, dans l’automne de 1881, un chimiste et un minéralogiste pour faire l’examen de nos mines de fer et de phosphate. Après s’être rendus sur les lieux et avoir accompli leur mission, ces messieurs déclaraient, d’accord avec M. Strich, également délégué de la Société générale, homme d’une grande expérience, « que les échantillons de fer et de phosphate exposés au Muséum géologique (à Ottawa) indiquaient une richesse telle, qu’on ne pouvait mieux placer ses capitaux que dans l’exploitation des mines de l’Outaouais, et que, de plus, la capitale fédérale, grâce à sa proximité de ces sources de richesse et à sa situation géographique, ne pouvait manquer de devenir un jour une des grandes villes du continent américain. »

Vers la même époque, on pouvait lire dans les journaux d’Ottawa que M. Labouglie revenait de France après un séjour de cinq mois, et apportait avec lui la bonne nouvelle qu’il avait réussi à former une compagnie française au capital de 1,200,000 francs, lequel pouvait être porté à 3,000,000, s’il était nécessaire, pour l’exploitation des mines de phosphate sur la rivière du Lièvre. On ajoutait que cette compagnie se proposait d’acheter tous les terrains à phosphate qui seraient vendus dans cette région, et qu’elle ferait construire sans délai un vapeur et des barges pour la navigation de la rivière du Lièvre et pour le transport du minerai.

Notons ici, en passant, que la rivière du Lièvre traverse dans toute son étendue une contrée fertile, et qu’il suffirait d’une dépense de vingt-cinq mille dollars pour la rendre navigable jusqu’à cent milles dans l’intérieur.

Ainsi, l’industrie des phosphates semblait désormais solidement établie au Canada. On évaluait à 250,000 dollars (1,250,000 francs) la production actuelle de ce minerai. Les capitaux étrangers venaient à nous et s’empressaient de concourir à la prospérité de notre province et à l’accroissement de nos revenus. Tel était le résultat d’efforts nombreux et répétés pour vulgariser au dehors la connaissance des ressources du Canada français, pour les faire valoir et faire triompher enfin notre pays de ces dénigrements systématiques, fruits de l’ignorance et du préjugé, auxquels il avait été en butte si longtemps.

En 1880, pendant la durée de la navigation seulement, il avait été exporté, du port de Montréal, 7,200 tonnes de phosphate, de 3,000 tonnes du port de Québec, sans compter 2,000 tonnes expédiées par les canaux et les lacs jusqu’à Chicago ; ce qui forme un total de 12,200 tonnes. En 1881, on avait produit 15,000 tonnes, dont 12,000 étaient exportées en Angleterre, et 3,000 aux États-Unis, principalement à Cleveland et à Chicago.

En 1882, le rendement était déjà estimé à 20,000 tonnes.

Le coût de l’extraction, par tonne de 2,240 livres, était de cinq dollars. Il y avait, en outre, les frais de transport à la gare du chemin de fer la plus rapprochée, et de là au port de mer, enfin le coût du fret océanique et celui des assurances.



Maintenant, pour donner au lecteur une idée de la formation géologique de nos phosphates, nous allons extraire quelques paragraphes d’un article publié par M. Obalski, ingénieur des mines en Canada, dans une revue parisienne qui a pour titre : « Association des élèves de l’École nationale supérieure des mines ».

« Les gisements de phosphate se rencontrent exclusivement dans la formation dite laurentienne inférieure, qui est considérée, par les géologues de ce pays, comme d’origine sédimentaire et ayant subi un métamorphisme qui la rapproche des terrains d’éruption proprement dits. Nous disons donc qu’ils se trouvent dans les gneiss laurentiens, quoiqu’en beaucoup de points la roche n’apparaisse pas avec cet aspect.

« En étudiant attentivement ces dépôts, on voit qu’ils se présentent en amas irréguliers, indépendants de la stratification et n’affectant aucunement l’allure de filons. La roche avoisinante ne paraît pas non plus modifiée par le voisinage du phosphate, qui se trouvé parfois grossièrement mélangé avec les éléments de cette roche. On doit donc supposer que ce phosphate est contemporain de la formation laurentienne.

« Il est fort intéressant d’étudier le mode de répartition des éléments de la roche : ils ne sont pas intimement mélangés, mais forment des masses indépendantes les unes des autres ; ainsi on trouvera des parties exclusivement composées de mica, d’autres de calcaire cristallisé, de quartz, de pyroxène, de feldspath, etc., l’élément dominant étant le pyroxène.

« Quant à l’origine métamorphique de ces terrains, elle me paraît probable : en effet, on remarque que le phosphate s’y trouve constamment à l’état cristallisé, mais ne jouit pas de la propriété d’être phosphorescent. Or, ce fait, qui paraît négligeable, a, au point de vue géologique, une importance qui me paraît capitale.

« Les gisements de phosphate canadiens peuvent être considérés comme des dépôts sédimentaires qui ont subi un métamorphisme assez avancé pour les faire cristalliser, ces dépôts ayant pu eux-mêmes provenir de la décomposition des filons plus anciens.

« Les analyses ont prouvé qu’on rencontre les mêmes éléments dans les produits d’origines différentes.

« La propriété phosphorescente des phosphates n’a d’ailleurs pas été étudiée suffisamment, jusqu’à présent ; et quoi qu’en pensent certains physiciens, je suis plutôt porté à y voir une réaction chimique modifiant l’état dans lequel se trouvent quelques corps peu étudiés qui entrent dans la composition intime de l’apatite. »

Pour terminer, ajoutons à ces quelques lignes concernant la formation géologique des phosphates canadiens ce que dit encore M. Obalski, dans un rapport présenté au gouvernement, en 1886, à la suite d’une inspection faite par lui dans les districts miniers de la province :

L’utilisation du phosphate de chaux pour l’agriculture ne date guère que de 1840, et depuis cette époque, on n’a cessé d’en chercher et d’en découvrir des dépôts.

Pour donner une idée de l’importance commerciale de ce produit, il suffira de dire que l’Angleterre en importe annuellement 300,000 tonnes, que la Caroline du Sud en a exporté 400,000 tonnes en 1884, etc.

L’apatite du Canada est connue depuis longtemps comme minéral accidentel, mais son exploitation industrielle n’a commencé que vers 1875. Depuis ce temps, on peut dire qu’elle s’est considérablement développée et que la production augmente chaque année, atteignant aujourd’hui 25,000 tonnes par an. Des capitaux importants sont placés dans cette industrie, qui procure de l’ouvrage à sept ou huit cents ouvriers. Ce qui fait la valeur de l’apatite du Canada, c’est sa haute teneur constante, qui permet de passer des marchés sur la base de 80 pour cent ; il n’est pas rare d’ailleurs de voir des chargements tirer de 80 à 85 pour cent.

Afin d’établir une comparaison, je donne ci-dessous les teneurs des différents phosphates étrangers :

Norvége 82 à 88 pour cent.
Russie 30 à 66 "
Angleterre 57 "
France 35 à 45 "
  do 68 à 78 "
Allemagne 31 à 42 "
  do 38 à 76 "
Espagne 45 à 85 "
Indes occidentales 69 à 88 "
États-Unis (Caroline du sud) 55 "
Océan Pacifique 72 à 88 "
Canada 76 à 85 "

On voit donc que le minéral du Canada a un des plus hauts rangs comme teneur dans cette liste.

Les compagnies emploient des ouvriers du pays qui ne sont pas mineurs de profession, mais qui s’habituent facilement à ces sortes de travaux.

Quant à la production générale, depuis l’origine de cette industrie, on peut l’exprimer en nombres ronds par les chiffres suivants :

Avant 1878 3,000 Tonnes
1878 4,000  
1879 5,000  
1880 8,000  
1881 15,000  
1882 16,000  
1883 17,000  
1884 22,000  
1885 25,000  
---------  
Total 115,000  


EN RÉSUMÉ

L’industrie des phosphates dans le comté d’Ottawa est florissante et prend chaque année un développement plus grand : la production augmente, les procédés d’extraction et de transport se perfectionnent, et le champ exploré grandit chaque année en même temps que de nouvelles compagnies s’organisent. De plus on voit des commencements de manufactures s’établir. On peut donc espérer que cette industrie, qui n’en est qu’à son enfance, prendra une importance encore bien plus grande dans un temps assez rapproché.

  1. L’acquéreur de terrains à phosphate est exempt de toute charge quelconque, sauf à payer à qui de droit la valeur des améliorations utiles faites sur ces terrains antérieurement à l’achat. De même, le droit de miner lui est octroyé en propriété absolue.

    L’acte de 1888 dit que le mineur doit payer un droit régalien de cinquante centins par tonne de minerai. Ce droit n’a jamais été réclamé, mais il peut l’être à la première occasion.