L’Orbe pâle/Quand je me promène à travers les rochers de la mer


QUAND je me promène à travers les rochers de la mer, ou à travers les ronces et les pierres de la montagne et que je n’ai pas la joie d’être seule, toujours au moins une voix, de loin, me crie :

« Venez par ici, le chemin est plus long mais il est facile et sûr. »

Et nul ne comprend que je me détourne de la route longue, facile et sûre.

Quand je nage dans la mer et que je n’ai pas la joie d’y être seule, toujours au moins, une voix, de loin, me crie :

« N’allez pas si loin, il n’y aurait personne pour vous porter secours. »

Et nul ne comprend que si quelqu’un me suivait, le large ne me tenterait plus.

Quand je me penche sur un abîme — abîme de la mer, abîme des sommets — et que je n’ai pas la joie d’être seule, une voix, de loin, me crie :

« Arrêtez, finissez, vous me faites peur. » Et nul ne comprendra qu’il m’est indifférent à moins qu’il ne me plaise, de faire peur à qui est en sûreté, quand moi qui suis en danger, je ne redoute rien et qu’il m’agrée de tenter la mort.

Mais pourquoi me comprendrait-on ?

Et comme je m’ennuierais de moi, si l’on me comprenait.