L’Orbe pâle/La lune a disparu

Eugène Figuière et Cie (p. 133-134).


LA lune a disparu. Depuis plusieurs nuits je ne la vois plus. Elle vit le jour, à côté du soleil.

Elle attend son prochain triomphe.

C’est son heure pâle, l’heure pâle de la pâle lune.

Voici l’orbe pâle qui se clôt.

J’attends maintenant une nouvelle lune, une lune visible.

Celle-ci m’a appris que tout attend.

Belle science !

Mais maintenant que je sais, que je sais que tout attend, mon attente n’en est pas plus légère. Pas plus légère, non plus, ma fatalité d’oubli.

Des rêves sont morts, des rêves vont naître. Voici que va finir mon attente.

La Mort elle-même, la Mort qui attend, était-elle la fin de l’attente ?

Mon attente va finir.

Mais comme les lunes se succèdent, se succèdent les attentes. Et comme la lune est pâle, pâle est l’attente.

L’orbe lunaire, l’orbe pâle se clôt.

Demain, ce sera sous une nouvelle lune, une nouvelle attente.

Encore, je verrai des pâleurs et je rêverai de sang.

Sous une nouvelle lune ce sera une nouvelle attente.

L’interminable Attente.

Et il n’est pas une chose, et il n’est pas un être, qui vaille cette attente.


La Méditerranée
dans les mois de soleil 1910