L’Orbe pâle/Ah ! les désirs !

Eugène Figuière et Cie (p. 21-22).


AH ! les désirs ! le Désir résistant à la mélancolique lune qui alanguit les corps et édulcore les âmes.

Dans des corps nus et froids, comme la mer sous la lune, des ardeurs plus terribles que sa froideur sereine ! Sous sa lumière froide et blafarde, des corps tendus, des reins arqués, des haleines précipitées, des yeux éblouis et affolés, des mains chaudes et des girons douloureux de trop de plénitude ; toute l’atroce ardeur des midis, mais refrénés pour des caresses lentes, mélancoliques d’être si lentes et si longues.

Être de fantastiques ombres aux multiples aspects, se profilant monstrueusement sous la lune : croupes bestiales, croupes inversées, pâles comme la lune, mais chaudes malgré la peau froide irradiant les rayons lunaires. Et des bouches malgré la fraîcheur des lèvres, gourmandes de tiédeurs — tièdes parce qu’à l’ombre de la lune, sous la chair — jusqu’à l’irrésistible et finale étreinte des corps froids et ardents qui ne peuvent plus attendre. Étreinte de l’aube qui va naître et qui ne peut plus attendre, étreinte sans galopante chevauchée et sans cri : immobile et muette.

Seule, et rêver tout cela ! Et attendre, lorsque comme l’étreinte et comme l’aube on ne peut plus attendre, attendre sous la sérénité froide de la lune.