L’Ombre des jours/L’Inspiration

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 117-118).


L’INSPIRATION


Lorsque l’ardent désir au fond du cœur descend,
La belle strophe naît et prolonge le sang.

Et quand la forêt verte au bord du rêve tremble,
Le verbe qui s’émeut l’imite et lui ressemble.

Repoussant hardiment le peureux embarras
La parole serrée étreint comme des bras ;

Et, bondissant ainsi que des sources farouches,
Les mots vont, appuyant, criant comme des bouches,


Armés de l’éperon, des ailes et du dard
Les mots baissés ou vifs clignent comme un regard.

Alors, nouant ses fleurs au plus haut de la hampe,
L’exaltation fume et bat comme les tempes,

Et voici que riant de se voir épiés
Les désirs en tous lieux mènent leurs divins pieds.

Les plus rudes chansons, les plus fortes sont celles
Que les frissons vivants avec les rêves font ;
Tout luit quand le penseur que son tourment harcèle,
Ayant crispé ses doigts dans ses cheveux profonds,
Les retire brûlés d’humaines étincelles.