Librairie Guillaumin & Cie (p. 437-438).

D’un notaire





Je ne suis pas capable d’apprécier les détails de votre travail sur l’impôt : l’âge et mes occupations ne me permettent pas une étude approfondie d’où pourraient jaillir des observations intéressantes. Mais je puis vous dire que j’apprécie vos efforts et les mobiles qui vous font agir ; je partage amplement, en démocrate honnête, vos idées sur notre système actuel, quand vous dites qu’il est trop fâcheux pour le travail et la petite propriété. Je voudrais même qu’il fût possible d’arriver à supprimer les fraudes et les dissimulations par des moyens énergiques. Les pauvres diables criblés d’hypothèques, les mineurs, les incapables voient ainsi leurs biens vendus à des prix inférieurs. Je vous avoue que depuis longtemps je partage le plus grand nombre de vos idées qui sont plus proches de la véritable justice que la plupart des idées en cours. Ce qui m’effraie, c’est leur application. Jamais un négociant, voire même un notaire, n’ayant pas réussi, n’avouera que son commerce ou que son étude lui rapporte très peu. Il fera une fausse déclaration de son revenu pour sauver son crédit.

Cette dernière observation a été faite dans plusieurs autres lettres. J’ai dit ailleurs qu’elle perd de son importance, si l’on réfléchit à tous les autres procédés par lesquels on veut faire croire à un crédit imaginaire, et qui trompent bien mieux le public plus facile à séduire par des apparences de luxe que par un impôt dont personne ne s’occupe. En tout cas, le ton ordinaire de la plupart des appréciations données par un grand nombre de notaires, d’avocats et de magistrats, exerçant les fonctions sociales qui font le mieux toucher du doigt les défauts et les dangers de notre système fiscal, héritage trop certain des siècles passés, ces appréciations, dis-je, sont favorables à la réforme.