Imprimerie Franco-Américaine (p. 39-47).

CHAPITRE VI

Mamrie


Mamrie était la femme de chambre de Mme Saint-Ybars ; elle remplissait aussi les fonctions de surintendante. Aux heures des repas, elle se tenait à la cuisine et présidait à l’expédition des mets. C’était un vrai type de négresse créole. Elle était née de parents nés eux-mêmes sur l’habitation Saint-Ybars. Son grand-père et sa grand-mère, importés du pays des Bambaras, vivaient encore ; ils prétendaient avoir été roi et reine en Afrique ; comme preuve de leur dire, ils montraient le tatouage de leur figure.

Mamrie avait la peau extrêmement fine et d’un noir brillant, des cheveux touffus, doux au toucher, de grands yeux mourants et pleins de bonté. Mais on ne la connaissait qu’à demi, tant qu’on ne l’avait pas vue rire, et que l’on n’avait pas entendu le son de sa voix. Elle était d’une gaîté communicative ; son parler avait des modulations qui vous allaient au cœur, tant elles révélaient une nature affectueuse et facile à émouvoir. Elle avait vingt-six ans. À treize ans elle était déjà mère. Son enfant avait quatre mois, lorsque Mme Saint-Ybars mit au monde Démon et Chant-d’Oisel. Huit jours après la naissance des jumeaux, une maladie malheureusement commune dans ce pays, le tétanos, emportait l’enfant de Mamrie. Elle en eut un chagrin si profond que sa constitution en fut ébranlée : on la vit dépérir rapidement, à tel point que l’on commença à craindre pour sa poitrine.

Un enchaînement de circonstances imprévues, vint conjurer le danger dont Mamrie était menacée.

Il y avait une semaine que Mme Saint-Ybars allaitait ses nouveau-nés, lorsqu’elle eut plusieurs frissons, à la suite despuels elle éprouva des douleurs aiguës aux deux seins. Une nuit, malgré tout son courage, elle ne put supporter l’atroce torture qu’elle éprouvait toutes les fois qu’elle voulait apaiser la soif des enfants. Mamrie couchait dans une chambre voisine de celle de sa maîtresse ; l’entendant se plaindre, elle se leva, prit les jumeaux, et s’assit dans une berceuse pour les dodiner. Elle finit par s’assoupir. Le laisser-aller du sommeil lui fit prendre une attitude si penchée, que l’extrémité de son sein droit se trouva en contact avec les lèvres du petit garçon. Mamrie rêvait ; elle se voyait dans le jardin, assise au pied d’un arbre : son enfant n’était pas mort, et elle goûtait cette sainte et douce sensation qu’éprouve une mère qui allaite son enfant. Elle en ressentit une joie si vive qu’elle se réveilla. Quel ne fut pas son étonnement en voyant, à la lueur de la veilleuse, une petite bouche rosée fortement appliquée à sa poitrine ! La petite fille s’étant mise à crier, elle lui donna l’autre sein qui ne fut pas refusé.

Mme Saint-Ybars était la marraine de Mamrie.

La jeune esclave appela sa maîtresse, et lui dit :

« Hé ! nénaine, ga : vous piti apé tété moin.

« Tu as donc encore du lait ! demanda Mme Saint-Ybars.

« Fo croi mo gagnin ancor ain ti goutte. Mo réponne yapé tiré for.

« Pour sûr tu en as, Mamrie, puisque les enfants ne crient plus. »

Les jumeaux satisfaits s’endormirent dans les bras de la jeune négresse, qui elle-même s’abandonna au sommeil.

Mme Saint-Ybars, atteinte d’abcès multiples, dut renoncer au bonheur d’allaiter ses jumeaux. Mamrie la remplaça. Le lait de l’esclave revint en abondance : on vit renaître sa santé et sa gaîté. Elle s’attacha à ses nourrissons ; elle les aima comme s’ils eussent été ses propres enfants. Cependant on remarqua, dès le commencement, qu’elle avait une préférence pour le petit garçon.

Mamrie avait toujours été une des domestiques les plus gâtées par Mme Saint-Ybars ; alors, elle le fut plus que jamais ; elle fit, pour ainsi dire, partie intégrante de la famille, à tel point qu’en parlant des jumeaux on s’habitua à dire les enfants de Mamrie. Mme Saint-Ybars elle-même lui disait, le matin : « Tes enfants ont-ils passé une bonne nuit ? »

Le nom primitif de cette jeune femme était Marie. Quand les jumeaux commencèrent à parler, on voulut leur apprendre à l’appeler maman Marie ; mais l’un et l’autre, comme par un accord tacite, transformèrent maman Marie en Mamrie, et ce nom resta à leur nourrice.

À mesure que les jumeaux grandirent, on vit s’accentuer davantage la préférence de Mamrie pour Démon. Loin d’en être jalouse, Chant-d’Oisel trouvait naturel qu’il en fût ainsi ; son frère étant l’être qu’elle aimait le plus au monde, elle pensait qu’il était juste qu’il occupât la première place dans le cœur de leur nourrice.

De jour où Mamrie avait commencé à aimer Démon, une révolution extraordinaire s’était opérée en elle ; les hommes lui étaient devenus complètement indifférents. Jolie, bien faite, d’un caractère charmant, elle avait plu, dès l’âge de douze ans, à l’un de ces modestes habitants que l’on appelle petits blancs. C’était un Alsacien : sobre, laborieux, économe, sûr d’arriver à une honnête fortune, ne dépendant de personne, doué d’ailleurs d’un caractère ferme, il n’avait pas fait un mystère de son affection pour Mamrie. Comme il était bon et très doux, elle avait répondu à son attachement. Quand elle devint mère, il se présenta chez Saint-Ybars et lui offrit de l’acheter, elle et son enfant, son intention étant de les faire libres. Mamrie était une esclave de choix, elle devait coûter cher ; le petit blanc s’était attendu au prix élevé qu’on en demanda ; il fixa lui-même la date à laquelle il apporterait la somme convenue. Sur ces entrefaites, Démon et Chant-d’Oisel naquirent, et l’enfant de Mamrie mourut. Le petit blanc n’en persista pas moins dans son intention d’acheter la jeune esclave, pour en faire sa compagne. Mais les idées de Mamrie avaient changé ; elle lui déclara que pour rien au monde elle ne se séparerait de ses nourrissons, et que jamais elle n’aurait d’autre enfant. L’Alsacien employa tous les arguments que pouvaient lui suggérer son esprit et son cœur, pour la faire revenir sur sa résolution : mais il n’y réussit pas. Pendant les dix années qui s’écoulèrent entre la naissance des jumeaux et l’arrivée de Pélasge sur l’habitation, d’autres hommes firent des avances à Mamrie ; elle les repoussa toutes, sans rudesse mais sans hésitation. Elle aurait cru commettre une sorte de sacrilège, si elle eût détourné, au profit d’un autre, une parcelle de l’amour qu’elle avait voué à ses nourrissons, surtout à ce cher petit Démon dont elle était plus fière que Mme Saint-Ybars elle-même. Tout son être pensant et aimant finit par se concentrer exclusivement sur lui ; il devint sa vie, le but de toutes ses préoccupations, l’objectif de toutes ses espérances ; le jour, elle n’avait d’autre bonheur que de le voir, de suivre ses mouvements, de l’entendre parler, de le caresser, de le gâter de mille manières ; dans son sommeil, si elle rêvait, il était toujours pour quelque chose dans ses songes. Elle s’intéressait plus que personne à ses études ; elle conservait précieusement, dans une armoire, ses habits et son linge à mesure qu’ils devenaient trop petits, ainsi que les jouets de sa première enfance et le livre dans lequel il avait appris à lire.

Au contact de Mme Saint-Ybars et de ses filles, l’intelligence de Mamrie avait pris un développement remarquable. Quoiqu’elle se servit du patois créole, en s’adressant à sa marraine et aux enfants, elle parlait très bien le français ; elle savait lire et écrire. Comme elle avait la voix juste et d’un timbre touchant, Mlle Nogolka, à ses heures perdues, lui avait appris à chanter au piano. Elle retenait les airs avec une facilité que les demoiselles Saint-Ybars lui enviaient ; quand elles avaient de la peine à rendre quelque phrase de grand opéra, elle leur donnait la note comme en se jouant.

Chez Saint-Ybars, comme chez tant d’autres possesseurs d’esclaves, on commettait une singulière inconséquence. On lisait, en présence des domestiques, des ouvrages dans lesquels il est souvent question des droits de l’homme ; on laissait traîner ça et là un volume de Voltaire ou de Rousseau, un roman d’Eugène Sue, in poème de Lamartine ou de Victor Hugo, les chansons de Béranger, la Némésis de Barthélemy, et tant d’autres œuvres propres à éveiller le sentiment de la liberté chez ces êtres à qui un abus de la force matérielle, transformé en loi, avait ôté l’autonomie de leur personne.

Mamrie savait, aussi bien que personne, à quoi s’en tenir au sujet de l’esclavage ; mais elle se trouvait heureuse chez ses maîtres. Cette vieille famille honnête et respectée des Saint-Ybars, elle la considérait comme sienne ; cette maison où elle était née, elle y était attachée comme l’oiseau à l’arbre où est son nid : pour elle sa marraine était une seconde mère qu’elle aimait autant que sa vraie mère ; enfin là, sur cette habitation dont les limites étaient pour elle celles du monde, vivait et croissait l’enfant qui était tout pour elle. Absorbée dans son amour pour lui, elle ne songeait jamais aux vicissitudes de la vie ; elle ne se demandait jamais, si, par suite d’un de ces bouleversements comme la mort en produit dans les familles, elle n’était pas exposée à passer, au moment où elle s’y attendrait le moins, dans des mains qui lui feraient sentir les chaînes de la servitude. Non, Mamrie ne songeait à rien de semblable ; elle s’abandonnait sans restriction, passionnément, aveuglément, à son amour pour Démon, et elle se fiait naïvement au cours de la vie.

Si Mamrie savait aimer, elle savait haïr aussi. Elle exécrait Mlle Pulchérie et M. Héhé. Elle se taisait sur le compte de la vieille demoiselle, parceque celle-ci tenait par le sang à la famille, et que tout ce qui était Saint-Ybars était sacré pour Mamrie ; mais quant à M. Héhé, à qui elle ne pardonnait pas d’avoir une piètre opinion de l’intelligence de Démon, elle faisait ressortir ses ridicules avec une malice qui amusait beaucoup ses maîtres. Elle disait souvent qu’il y avait plus d’esprit dans le petit doigt de Démon que dans toute la grosse personne de M. Héhé ; et que, de même qu’il n’y a pas d’animal plus bête que l’araignée ôtée de sa toile, il n’y avait pas d’homme plus sot que M. Héhé en dehors de son grec et de son latin.

L’affection de Mamrie pour Démon l’avait graduellement revêtue d’un prestige qui la rendait, en quelque sorte, sacrée aux yeux de tout le personnel de l’habitation ; non seulement on respectait sa personne, mais on n’eût pas plus osé dire un mot inconvenant devant elle qu’en présence des filles de Saint-Ybars. Ses jeunes maîtresses se plaisaient à vêtir ; elles choisissaient, dans leur garde-robe, ce qui pouvait lui aller le mieux ; elles partageaient leurs rubans avec elle, et on voyait au cou et aux oreilles de la bonne négresse des bijoux qui avaient paré les filles de Saint-Ybars.

Quand Démon commettait quelque faute, on s’en plaignait à Mamrie ; être grondé par elle, était la punition qu’il redoutait le plus. Jamais châtiment corporel n’avait été infligé à Démon ; en le frappant, on eût cru frapper Mamrie. D’ailleurs, un côté de la nature africaine était resté à l’état sauvage chez Mamrie ; on ne l’avait jamais vue qu’une fois en colère, mais on en avait été effrayé : le souvenir de sa fureur était vivant dans tous les esprits, et personne, pas même les parents de Démon, n’eût osé le frapper en présence de sa nourrice.

Quand Démon entra dans la cuisine avec sa cage, Mamrie l’accueillit comme si elle ne l’avait pas vu depuis une semaine. Après s’être rassasiée du plaisir de le caresser, elle lui dit en lui montrant un banc :

« Asteur assite là é conté moin coman to fé pou trapé pap laïé. »

Démon ne se fit pas prier ; il raconta son expédition dans tous ses détails. Il s’exprimait avec une animation qui faisait le bonheur de Mamrie. Accroupie en face de lui, le sourire sur les lèvres, elle suivait, avec une admiration croissante, toutes les phases de son récit. Sa figure, mobile et expressive, reflétait tout ce qui se passait sur celle du petit garçon, comme s’il eût parlé devant un miroir.

Démon termina son épopée, en accompagnant sa parole de grands gestes qui épouvantèrent les oiseaux ; le mâle renouvela ses efforts pour passer à travers les barreaux de sa prison ; sa tête était en sang. Démon le repoussa à l’intérieur, en disant avec impatience :

« Resté don tranquil, bête !

« To bon toi, lui dit Mamrie ; to oté li so laliberté é to oulé li contan. Mo sré voudré oua ça to sré di, si yé té mété toi dan ain lacage comme ça.

« Mété moin dan ain lacage ! s’écria Démon sur le ton de la fierté indignée ; mo sré cacé tou, mo sré sorti é mo sré vengé moin sur moune laïé ki té emprisonnin moin.

« Ah ! ouëtte, tou ça cé bon pou la parol, répliqua Mamrie ; si yé té mété toi dan ain bon lacage avé bon baro en fer, to sré pa cacé arien ; to sré mété toi en san, épi comme to sré oua ça pa servi ain brin, to sré courbé to laéte é to sré resté tranquil comme pap là va fé dan eune ou deu jou.

« Non ! repartit Démon, mo sré laissé moin mouri de faim.

« Ça cé ain bel réponse, dit Mamrie ; to fier même ! to pa ain Saint-Ybars pou arien. »

Le malheureux pape, brisé de fatigue était affaissé sur ses pattes ; sa poitrine se gonflait douloureusement ; ses yeux noirs étincelaient de colère. Sa femelle, réfugiée dans un coin, faisait entendre de petits cris plaintifs. Après un moment de silence, Démon dit :

« Mamrie, ga comme fumel là triste.

« Cé pa étonnan, répondit la bonne négresse, lapé pensé à so piti ! yé faim, yapé pélé yé moman ; mé moman va pli vini ; cé lachouette ou kèke serpen ka vini é ka mangé yé. »

Démon devint pensif. Tandis que sa nourrice voyait à une chose ou à une autre, il contemplait ses prisonniers. Il se leva, et sortit sans rien dire. Au bout de quelques minutes, Mamrie le vit rentrer ; son trébuchet était vide.

« Eben ! » dit-elle d’un air étonné, « coté to zozos ? »

Une fausse honte empêcha Démon de dire ce qui en était ; il répondit d’une voix mal assurée :

« Yé chapé.

« Yé chapé ? reprit Mamrie en secouant la tête, to menti ! mo parié to rende yé la liberté.

« Eben ! cé vrai, avoua Démon, cé vou faute ; ça vou di moin su fumel là é so piti té fé moin la peine. »

Les yeux de Mamrie se remplirent de larmes ; elle tendit les bras à Démon, en lui montrant toutes ses dents et en disant :

« Vini icite, céléra ! vini mo mangé toi tou cru. »

Elle le dévora de caresses, et se tournant vers la cuisinière et quelques femmes de service :

« Ça cé mo tresor, dit-elle, ça cé kichoge ki vo plice pacé tou dilor dan moune.

« Vou rézon, Mamrie, remarqua la cuisinière, can michié Démon va gran, la fé ain bon maite pou nouzotte.

« Cé bon tou ça, dit Mamrie à Démon, mé to faim, vini mangé. »

Elle le fit dîner. Il mangea peu ; son sacrifice lui avait coûté un certain effort, et il avait le cœur encore un peu gros. Après qu’il eut fini, Mamrie le fit monter dans sa chambre ; elle l’aida à faire sa toilette, et quand elle eut donné le dernier coup de peigne à ses cheveux, elle dit en l’admirant :

« Asteur to propre é bel comme ain rayon soleil ; couri en bas coté to nouvo maite d’école. »

Le dessert touchait à sa fin, quand Démon entra dans la salle à manger. Saint-Ybars ne voulant pas le gronder, au début de ses rapports avec son nouveau précepteur, donna l’ordre à un domestique de lui servir son dîner.

« Ce n’est pas la peine, dit Démon, Mamrie m’a fait manger. »

On lui offrit du dessert ; il refusa, et alla s’asseoir à côté de Pélasge, ce qui étonna toutes les personnes présenters ; car, comme l’avait fait observer Chant-d’Oisel, son habitude n’était pas de rester à table quand sa faim était satisfaite. Mlle Pulchérie en fut piquée ; M. Héhé rougit.

Dans le silence et le repos, la figure de Démon prit une expression de mélancolie pensive qui attira l’attention de Pélasge : il se demanda si c’était un simple effet de tempérament, ou l’indice d’un état douloureux de l’âme. Il savait, par expérience, que l’on peut déjà à treize ans nourrir un chagrin sérieux. Il devait découvrir, après quelques semaines de séjour sur l’habitation, la cause qui répandait cette teinte de tristesse sur les traits de son élève. Il vaut mieux qu’on la connaisse dès à présent ; nous la dirons en quelques mots.

Saint-Ybars avait cessé d’aimer sa femme ; elle s’en était aperçue depuis longtemps. Elle ne lui en avait jamais fait de reproches ; elle ne s’en était plainte à personne. Comme tout chez Saint-Ybars tournait en passion, son indifférence conjugale n’avait pas tardé à se transformer en antipathie ; puis, l’antipathie s’était changée en une aversion que trahissaient des paroles acerbes, ou des railleries qui rendaient Mme Saint-Ybars ridicule et diminuaient le respect des domestiques pour elle. Quelquefois, sous le prétexte le plus futile, la colère de Saint-Ybars contre la malheureuse femme éclatait avec la soudaineté et le fracas de la foudre. Alors, tout tremblait autour de lui ; personne n’eût osé lui faire la moindre observation. Vieumaite lui-même s’abstenait d’intervenir ; considérant l’irascibilité de son fils comme un mal irrémédiable, il en avait pris son parti ; dès qu’il soupçonnait l’approche d’un orage, il s’éloignait et allait retrouver la paix parmi ses livres.

De tous les enfants de Mme Saint-Ybars, Démon était celui qui aimait le plus sa mère, quoique peut-être il aimât davantage Mamrie. La conduite de Saint-Ybars envers sa femme était pour l’enfant une source de douleurs cachées et de réflexions au-dessus de son âge. Quand il voyait un esclave, enhardi par l’exemple du maître, manquer de respect à sa mère, il lui prenait envie de le poignarder. Mais il avait honte pour son père ; il feignait de ne pas voir ses mauvais traitements ; il dévorait sa peine solitairement, il la taisait même à Mamrie. Pélasge seul devait deviner le secret qui entravait, dans cette jeune âme, le développement des facultés heureuses et riantes.

N’anticipons pas davantage sur l’avenir ; revenons à ce repas à la fin duquel Pélasge remarquait, non sans quelque surprise, l’expression mélancolique de son élève.