L’Héritage de Charlotte/Livre 10/Chapitre 04

Traduction par Charles Bernard-Derosne.
Hachette (tome IIp. 224-246).

CHAPITRE IV

CE N’ÉTAIT QU’UN RÊVE

« Dites donc, Lenoble, dit tout à coup Paget, une après-midi que sa fille et son futur beau-fils, réunis auprès de son sofa, consacraient à l’entourer de leurs soins, à quand votre mariage avec Diana ? Rien ne s’oppose plus à votre union. »

Diana arrêta sur lui un regard sérieux.

« Cher papa, il ne peut être question de mariage tant que vous êtes aussi malade, dit-elle gentiment.

— Et après, quand je serai parti, vous ne voudrez pas entendre parler de mariage avant l’expiration de six mois après l’enterrement de votre père, et vous resterez seule au monde. Vous ne pourrez rester à la charge de Haukehurst et de sa femme. Ce que vous avez de mieux à faire, Lenoble, c’est de conclure le mariage incontinent, de manière à ce que je puisse voir ma fille, auprès de moi, avec le titre de Madame Lenoble de Cotenoir. Ce sera une consolation pour moi de voir ce beau jour. Je pensais qu’il me serait donné d’aller vivre avec vous, et de faire de temps en temps un petit voyage à Paris pour me retremper, mais toutes ces espérances sont mortes maintenant. Cela me paraît un peu dur par moments, et je pense à Moïse, à ses quarante années passées dans le désert avec ses malheureux Hébreux, toujours prêts à la révolte et à adorer quelque veau d’or, s’il les perdait de vue pendant vingt-quatre heures. Tourbe de mendiants ingrats toujours prêts à se mutiner, de véritables radicaux, sur ma parole ! Et il supporta tout cela, le voyage à travers les sables du désert, les révoltes incessantes, et l’ingratitude ; et après quarante années de cette vie, quand enfin il aperçut la terre promise la mort vint le frapper ! J’ai comme lui traversé le désert, j’ai erré à travers les sables arides, ayant à souffrir de l’ingratitude des hommes auxquels j’ai rendu service, j’ai traversé tout cela, et au moment où j’entrevois la terre de Chanaan, le rideau baisse. »

Diana et Lenoble lui prodiguèrent leurs consolations et cherchèrent à remonter son courage en lui parlant d’une terre promise bien plus belle et bien plus brillante que Cotenoir.

« Oui, dit-il d’un air songeur, j’ai lu cela bien souvent. Une ville dont les maisons sont bâties avec le jaspe, le porphyre, l’émeraude et la sardoine, avec des portes de perles et dont les rues sont pavées d’or. Voilà ce que saint Jean a vu dans sa vision ; et nous n’avons qu’à le croire sur parole ; mais il y a quelque chose que je puis croire et comprendre. « Dans le royaume de mon père il y a de nombreuses demeures. » Il y a plus d’espoir pour le pauvre pécheur de ce monde, dans cette promesse, que dans tous les rêves de saint Jean sur les portes de perles et les édifices d’émeraudes. »

Le capitaine déclinait rapidement. Il avait échangé son fauteuil pour un sofa et le temps était proche où il devrait échanger le sofa pour son lit. Après cela il ne resterait plus qu’un seul et dernier changement, avec l’idée duquel le malade se réconciliait chaque jour davantage.

Il avait lu l’Évangile avec plus d’attention dans ces derniers temps, et il avait trouvé du soulagement dans la lecture de ces pages sublimes. Ne contiennent-elles pas des consolations pour tous, pour l’homme du monde comme pour le saint ? C’est là seulement qu’on peut trouver une foi s’adaptant à toutes les conditions de la vie et ayant une base assez large pour les faiblesses de la faillible humanité. Le bouddhisme peut contenir des principes moraux tout aussi parfaits, Mahomet peut offrir des espérances aussi élevées et aussi divines, mais c’est dans l’Évangile qu’est développé le seul système qui s’adapte immédiatement à la culture de l’homme voué aux travaux de l’esprit et à la vie active du travailleur sur cette terre.

Gustave n’était que trop heureux de posséder sa femme plus tôt qu’il ne l’avait espéré.

« Il y a assez longtemps que tu me tiens éloigné de toi, méchante, dit-il, maintenant c’est ton père qui désire que notre mariage soit conclu au plus tôt. Il aura lieu la semaine prochaine. Je n’accepterai plus d’excuses. Nous serons plus tôt prêts à recevoir tes amis, ta Charlotte et son Haukehurst. »

Diana sourit.

« Cher Gustave, vous êtes toujours plein de bonté, » dit-elle.

Il était très-doux pour elle de penser que sa nouvelle demeure offrirait un agréable port à la tendre amie qui l’avait si longtemps abritée sous son toit. Et avec Charlotte, sa chère sœur adoptive, viendrait l’homme qu’elle avait aimé autrefois et à la vie duquel elle avait rêvé d’associer son existence.

Elle s’étonnait de son inconstance en s’apercevant combien le rêve s’était complétement envolé.

Devant les sérieuses réalités de la vie, devant la maladie et le chagrin, devant l’ombre effrayante de la mort, cette vision de sa jeunesse s’était entièrement dissipée.

Il était possible que la franche déclaration d’amour de Lenoble eût puissamment aidé à effacer de son esprit la peinture fantastique de la vie qu’elle avait rêvée ; elle ne savait pas au juste s’il en était ainsi, mais ce qu’elle savait, c’est qu’une existence nouvelle et plus heureuse avait commencé pour elle à partir du moment où elle avait donné loyalement tout son cœur à Lenoble.

Tous les arrangements furent pris pour que le mariage eût lieu une semaine après que le capitaine en eut exprimé formellement le désir. Il devait d’abord être célébré à l’église protestante, puis dans une chapelle catholique, de façon à ce que cette double cérémonie établît un lien légal que rien ne pût rompre plus tard.

Charlotte était assez bien rétablie pour obtenir la permission d’assister à la cérémonie, après avoir exercé quelque peu sa puissance de persuasion sur le médecin aux soins duquel elle avait été confiée par le docteur Jedd, après que tout danger avait disparu.

Le capitaine exigea avec une vive insistance que le déjeuner de noces eût lieu chez lui.

« Et Valentin, dit-il, il sera certainement des nôtres. J’ai un secret à lui dire, une sorte d’expiation à accomplir, des nouvelles à lui apprendre qui ne lui seront pas très-agréables peut-être… mais il n’y a pas de ma faute.

— Ce ne sont pas de mauvaises nouvelles, papa, je l’espère, du moins, dans l’intérêt de Charlotte et de Valentin.

— Cela dépend de la manière dont ils les prendront. Votre amie Charlotte n’a pas un amour bien prononcé pour l’argent, n’est-ce pas ?

— Aimer l’argent ! Un enfant connaît autant la valeur de l’argent que Charlotte. Si ce n’est pour faire l’aumône dans les rues et acheter de jolis présents pour ses amies, elle n’éprouve ni le besoin, ni le désir d’avoir de l’argent. Elle est la plus généreuse et la plus désintéressée des créatures.

— Je suis très-heureux de l’apprendre, dit le capitaine sèchement. Et quant à M. Haukehurst ?… Croyez-vous que ce soit réellement un mariage d’amour que celui qu’il a fait avec Mlle Halliday ? Il n’y a pas d’arrière-pensée, pas de vues intéressées au fond de ce romanesque attachement, hein, Diana ?

— Non, papa. Je suis sûre qu’il n’a jamais existé d’amour plus vrai que le sien. Je l’ai vu à de rudes épreuves et je me ferais garante de la sincérité de son dévouement.

— J’en suis enchanté. Assurez-vous bien que nous aurons Haukehurst et sa femme à notre petit déjeuner. Un poulet, un ananas, une bouteille de vin du Rhin, et la bénédiction d’un père, voilà tout ce que je puis vous donner. Mais le poulet et le vin du Rhin viendront de chez Gunter, et la bénédiction sortira du plus profond d’un cœur paternel. »

La journée qui donna Diana à son mari fut superbe et la nouvelle épouse était charmante sous sa simple toilette.

Le mariage de Lenoble fut célébré sans plus d’apparat que celui qui avait assuré la sécurité de Charlotte et le bonheur de Valentin.

L’ombre de la mort planait dans le proche voisinage des nouveaux époux, car ils savaient que celui qui présidait ce jour-là à la petite fête de leur mariage, aurait bientôt goûté cette coupe sacrée qui ne laisse pas après elle de déboire amer.

Le déjeuner promis par le capitaine fut servi avec beaucoup d’élégance. Les fleurs et les fruits, les vins dans leurs bouteilles couvertes d’une rosée glacée, les poulets et les langues idéalisés par l’art des artistes culinaires et à peine reconnaissables sous le glacis de gelées de viande qui les ornaient, les délicates salades de homard et le parfait au café faisaient honneur à la célèbre officine de Belgrave, d’où sortait cet élégant déjeuner.

Paget avait été heureux d’envoyer ses ordres à Gunter, certain qu’il était des fonds nécessaires pour acquitter la note.

C’était presque pour lui comme un coup d’œil jeté sur cette terre de Chanaan en Normandie qu’il ne devait jamais habiter.

Il était très-faible et très-malade, mais la surexcitation du moment le soutenait dans une certaine mesure.

Le domestique qui lui avait été donné pour le servir et le soigner, l’avait habillé avec beaucoup de soin, dans une robe de chambre aussi élégante que celles qu’il portait quand, jeune lieutenant sans le sou, il menait la vie joyeuse de garnison, cinquante années auparavant ; ses longs cheveux blancs étaient surmontés d’une calotte, ses pieds patriciens étaient mis en relief par d’élégantes pantoufles.

Il avait mis de côté l’Évangile et toute idée du compte terrible qu’il avait le désir et l’espoir de régler d’une façon satisfaisante, par un pauvre dividende qui le libérait envers ce miséricordieux créancier qui oublie si facilement tant de dettes légitimes.

Pour ce jour, il était tout au monde, c’était son dernier grand lever, et il se montra à la hauteur de la circonstance.

La petite table, élégamment servie, était placée près du sofa où était étendu le malade, soutenu par de nombreux oreillers.

Sa fille et Lenoble, Valentin, Charlotte et Georgy formaient le cercle autour de lui.

Son domestique et un imposant personnage envoyé par la maison Gunter servaient à table.

Personne ne fit grand honneur au festin, et chacun éprouva une sorte de soulagement quand le maître d’hôtel et le factotum du capitaine se furent retirés, après avoir servi le café avec une solennité funèbre.

Valentin était plein d’attentions et de cordialité pour son ancien patron : il aurait fallu des griefs bien grands pour qu’il y songeât à une pareille heure. Valentin ne se rappelait qu’une chose, c’est qu’il avait vu cet homme dans des temps bien difficiles et que, pour lui, le voyage sur cette terre était bien près de son terme.

Le petit banquet n’avait pas été servi dans le salon du capitaine ! Pour cette occasion mémorable, la propriétaire de la maison avait mis à sa disposition la salle à manger et le salon du rez-de-chaussée, dépendant de l’appartement d’un locataire qui avait quitté Londres à la fin de la saison. Le salon, comme la chambre de l’étage supérieur, donnait sur le parc et le capitaine pria ses hôtes, à l’exception de Valentin, de passer dans cette pièce, peu de temps après la retraite des domestiques.

« J’ai une petite conversation particulière à avoir avec Valentin, dit-il. J’ai un secret à lui communiquer. Diana, montrez à Mme Haukehurst les équipages. Vous pourrez voir la grande avenue de ma chambre, ce qui n’est pas possible des fenêtres de cet étage. Il y a encore de beaux équipages, mais il est maintenant trop tard pour la crème de la crème. Je me rappelle un temps où le West End était un désert à cette époque de l’année, mais j’ai assez vécu pour voir le nivellement de toutes les distinctions, aussi bien dans les saisons que dans les classes de la société. »

Charlotte et Diana se retirèrent avec Mme Sheldon et Lenoble dans la pièce voisine.

Valentin était fort en peine d’imaginer quelle communication avait à lui faire son ancien patron.

Le prudent Horatio attendit que ses hôtes ne fussent plus à portée d’entendre et qu’ils causassent gaiement près de la fenêtre ouverte au-delà de laquelle tout était vie et mouvement, où la brise agitait le vert feuillage des arbres sous l’éclat du ciel bleu. Quand il les considéra comme tout à leur conversation, le capitaine se tourna du côté de Valentin.

« Valentin, dit-il, nous avons vu ensemble des temps bien durs, nous les avons passés sur la terre étrangère, au milieu d’étrangers, et je pense que des liens d’amitié se sont établis entre nous. »

Il tendit sa pauvre main affaiblie que Valentin s’empressa de serrer avec une franche cordialité.

« Cher maître, mon cœur n’a pour vous que des sentiments affectueux. »

C’était parfaitement vrai.

« Et lors même que je serais disposé à vous garder quelque rancune pour le temps passé, alors, vous le savez, que vous étiez assez enclin à vous soucier fort peu des embarras où vous me laissiez, pourvu que vous ayez pu vous en tirer vous-même sain et sauf ; si j’étais disposé à me souvenir de ces sortes de choses, ce qui n’est pas, sur ma parole, le noble courage de votre fille et son dévouement au temps où la vie de ma femme était en danger, se dresseraient entre moi et le souvenir de ces vieux griefs. Je ne saurais vous dire les sentiments profonds que m’inspire sa bonté dans ce moment cruel.

— Elle est une Paget, murmura le capitaine avec complaisance, noblesse oblige. »

Valentin put à peine retenir un sourire au souvenir des nombreuses occasions où les obligations résultant d’un noble lignage, avaient pesé d’un poids si léger pour son aristocratique patron.

« Oui, Valentin, reprit le capitaine d’un air pensif, nous avons vu d’étranges choses ensemble. Quand j’ai commencé mon voyage à travers le monde, aux jours de la Régence, je ne me doutais pas combien le voyage serait fatigant et les étranges gens que je devais rencontrer parmi mes compagnons. Néanmoins, me voilà arrivé à la dernière étape, et je remercie là Providence qui me permet de finir mes jours aussi confortablement. »

Pendant quelque temps il retomba dans ses réflexions et garda le silence, puis s’arrachant à sa rêverie avec une sorte d’effort, il avala quelques gorgées d’une boisson rafraîchissante placée auprès de lui, et aborda la question avec une étrange brusquerie.

« Vous vous rappelez votre voyage à Dorking, Valentin, au mois d’octobre dernier, quand vous avez été pour voir cette tante mystérieuse, hein ? »

Valentin rougit en entendant le capitaine rappeler la fable qu’il avait imaginée pour expliquer son voyage.

« Oui, dit-il d’un ton grave, je me rappelle vous avoir dit que j’allais voir une tante à moi qui habitait Dorking.

— Une tante ayant quelque argent, n’est-ce pas, Valentin ? demanda le capitaine avec un sourire railleur.

— Oui ; il se peut que j’aie été jusqu’à parler d’un peu d’argent.

— Et il n’y avait pas plus de tante que d’argent ; tout cela n’existait que dans votre inventive imagination ; et, au lieu d’aller à Dorking, c’est à Ullerton que vous vous êtes rendu, n’est-ce pas, Valentin ? Vous vouliez par là me donner le change ; vous vouliez lancer votre vieux compagnon sur une fausse piste, n’est-ce pas ? Vous pensiez tenir en main une bonne affaire, et vous craigniez que votre vieil ami ne réclamât sa part ?

— Dame ! voyez-vous, c’est que mon vieil ami était assez dans l’habitude de réclamer la part du lion. En outre, cette bonne affaire ne m’appartenait pas. J’avais à défendre les intérêts d’une autre personne, de celui qui m’employait, en somme ; et c’était d’après sa recommandation, et pour me conformer à ses instructions, que j’ai imaginé cette fable innocente au sujet de cette tante de Dorking. Je crois qu’il n’y avait rien de déshonorant dans cette manière d’agir. Nous étions tous les deux des soldats de fortune, et le stratagème dont j’usais vis-à-vis de vous était fort innocent. Nous aurions imaginé quelque stratagème, inventé quelque fable dans les mêmes conditions. C’était une question de finesse.

— Précisément, et si le plus vieux soldat, qui avait fait ses preuves dans plus d’une campagne, réussit à s’assurer l’avantage dans la lutte, le jeune aventurier n’avait trop rien à dire, n’est-ce pas, Valentin ?

— Eh bien ! non, je crois que non, » répondit Valentin intrigué par la singulière expression du visage de son vieux compagnon.

Le clignement malicieux des yeux du capitaine, le sourire de triomphe qui se dessinait sur ses lèvres ne disaient rien de bon.

Valentin se rappelait le vague soupçon qui avait traversé son esprit quand la veille de Noël, le capitaine et lui avaient dîné ensemble dans un restaurant du West End, et quand le capitaine avait porté un toast à Charlotte avec un sourire dans lequel il avait cru voir une signification sinistre.

Il commença à pressentir quelque révélation peu agréable.

Il commença à comprendre que d’une façon ou d’autre le vieil intrigant devait avoir réussi à se jouer de lui.

« Qu’allez-vous m’apprendre ? demanda-t-il. Je vois que quelque méchante pensée occupe votre esprit. Comment vous trouviez-vous à Ullerton en même temps que moi ? Je vous ai rencontré à la station et j’ai eu vaguement le soupçon que ce n’était pas la première fois que vous me suiviez. J’ai vu un gant dans le cabinet d’un certain individu, un gant que j’aurais juré vous appartenir. Mais, quand je suis revenu, vous m’avez entretenu d’une manière si plausible de la nouvelle affaire qui vous occupait, que j’ai été assez sot pour vous croire. Mais maintenant je suppose que vous avez bien pu me jouer et me duper.

— Jouer, duper, voilà de dures paroles, mon cher Valentin, dit le capitaine avec une adorable mansuétude. J’avais autant de droit de traiter quelque affaire imaginaire à Ullerton, que vous d’aller voir une tante de pure invention à Dorking. L’intérêt personnel nous guidait tous les deux. Je ne crois pas que vous ayez le droit de vous trouver offensé, si je vous ai caché mes mouvements et si je me suis tenu derrière vos talons pendant que vous traitiez cette affaire d’Ullerton. Je ne crois pas que vous ayez, moralement, un juste sujet de vous plaindre de votre vieil allié.

— Eh bien, il est possible qu’en cela vous ayez assez raison, dit Valentin.

— Serrons-nous la main, alors. Je n’ai plus longtemps à vivre, et j’éprouve le besoin de me sentir en paix avec le genre humain. Voyez-vous, si, de prime abord, vous étiez venu à moi franchement et généreusement, et si vous m’aviez dit : Mon cher ami, j’ai en main une bonne affaire, occupons-nous-en ensemble et voyons quel parti on en peut tirer ; vous vous seriez mis sur un pied avec moi, où, comme homme d’honneur, je me serais regardé comme obligé de considérer vos intérêts comme étant les miens. Mais vous vous êtes séparé de moi ; vous avez essayé de me jeter de la poussière dans les yeux, de m’empêcher d’y voir clair, moi le capitaine Horatio Paget. Doué d’un certain génie pour la diplomatie, vous avez essayé d’accomplir ce qu’aucun homme n’est parvenu à faire, et vous m’avez délié de toutes les obligations qui sont sacrées pour un homme honorable. C’était, en effet, mon gant que vous avez vu dans le cabinet de M. Goodge. J’ai eu un entretien satisfaisant avec ce révérend personnage, pendant la courte excursion qui vous a éloigné d’Ullerton, je ne sais encore dans quel but. À certaines conditions, M. Goodge a consenti à m’accorder le privilège de prendre un certain nombre de lettres à mon choix, dans les lettres de Mlle Rebecca Haygarth. J’ai tout lieu de croire que j’ai fait un choix judicieux, car les renseignements, ainsi obtenus, m’ont mis sur une piste qui, habilement suivie, m’a conduit à un résultat triomphant.

— Je ne comprends pas… » commençait à dire Valentin.

Mais le capitaine ne lui laissa pas le temps d’en dire davantage.

« Vous ne comprenez pas qu’il pouvait exister une autre ligne généalogique que celle que vous et George avez si nettement établie. Ni l’un ni l’autre, vous n’avez cette expérience du monde qui, seule, donne une grande portée à la vue. Vous avez découvert la parenté existant entre les familles Haygarth et Meynell. Cette découverte en elle-même était un triomphe. Vous vous êtes laissé griser par la joie de ce triomphe. Dans une affaire qui de toutes les affaires sur lesquelles s’exerce l’intelligence de l’homme, exige le plus de calme et de réflexion, vous vous êtes mis à l’œuvre avec une précipitation fébrile. Au lieu de rechercher tous les descendants de Christian Meynell, vous vous êtes arrêtés au premier qui vous est tombé sous la main, et vous l’avez déclaré, de votre autorité privée, le seul héritier de la fortune laissée par feu John Haygarth. Vous avez oublié qu’il pouvait y avoir d’autres descendants dudit Christian Meynell, des descendants primant votre femme Charlotte dans la ligne de succession.

— Je ne puis m’imaginer qu’il existe d’autres descendants, dit Valentin d’un air étonné. Vous paraissez connaître parfaitement notre affaire, mais il y a un point sur lequel vous vous trompez. George Sheldon et moi, nous n’avons pas agi avec une précipitation fébrile. Nous avons soigneusement étudié la généalogie de celle que, d’accord avec des jurisconsultes de premier ordre, nous considérons comme la seule héritière de la succession Haygarth, et nous avons eu grand soin de nous convaincre qu’il n’existait pas d’autres ayants droit.

— Qu’appelez-vous vous convaincre ?

— Christian Meynell n’a eu que trois enfants, Samuel, Susan et Charlotte. Cette dernière a épousé James Halliday, propriétaire des fermes de Hilley et Newhall, les autres sont morts sans avoir contracté mariage.

— Comment le savez-vous ? Comment entendez-vous prouver que Samuel et Susan sont morts sans avoir été mariés ?

— Susan a été enterrée sous son nom de fille ; Mme Halliday, sa sœur, était auprès d’elle quand elle est morte. Il n’a pas été question de mariage, et il n’y a aucune trace d’un mariage contracté par Samuel.

— Tout cela n’est pas des preuves.

— En vérité ! L’évidence me semblait cependant bien suffisante. Dans tous les cas, ce n’est pas à nous qu’incombe l’onus probandi. Pouvez-vous prouver le mariage de Samuel Meynell, qui est mort à Calais, et celui de Susan Meynell, qui est morte à Londres ?

— Je le puis. Le fils légitime de Susan Meynell est là dans la pièce à côté. C’est une assez désagréable révélation à faire, Valentin, attendu que comme fils de l’une des sœurs, il vient avant votre femme, qui n’est que la petite-fille de l’autre sœur, dans l’ordre de succession ; et il prend tout.

Il prend tout ! répéta Valentin abasourdi, il…, le fils de Susan Meynell…, dans la pièce voisine ?… Qu’est-ce que tout cela signifie ?

— Cela signifie que, lorsque Susan fut abandonnée par le misérable qui l’avait enlevée, elle trouva un honnête garçon qui l’épousa. Le nom de son mari était Lenoble ; Gustave Lenoble, le mari de ma fille, est le fils unique issu de ce mariage. Un mariage parfaitement légal, mon cher Valentin. Tout est en règle, je vous le garantis. L’affaire est entre les mains de messieurs Dashwood et Vernon, de Whitehall, une étude de premier ordre. L’opinion de ces messieurs est décisive quant à la position de Gustave Lenoble. Ils ont été un peu lents à entamer l’affaire, et, entre nous, je ne les ai pas pressés, attendu que je voulais que le mariage de ma fille s’accomplît tranquillement avant de commencer notre instance devant la Cour de la Chancellerie. C’est un peu dur pour vous, mon cher Valentin, je l’avoue ; mais, voyez-vous, si dans le principe vous aviez agi généreusement avec moi, pour ne pas dire honorablement, vous eussiez profité de mon expérience. Dans l’état des choses, vous avez travaillé dans les ténèbres. Néanmoins, les choses n’ont pas tourné aussi mal qu’elles auraient pu le faire. Vous auriez pu épouser quelque laide et vieille fille, pour les beaux yeux de la succession Haygarth ; vous avez eu en partage une jolie et aimable femme, et vous ne devez pas vous considérer comme complétement battu, bien que, sous le rapport financier, vous ayez fait une très-mauvaise campagne. »

Le capitaine ne put retenir un éclat de rire en contemplant la surprise de son jeune ami : ce rire dégénéra en un accès de toux et il se passa un assez long temps avant que le débile Horatio eût retrouvé la force de reprendre la conversation.

Pendant ce moment de répit, Valentin eut le temps d’envisager sa nouvelle position : il éprouva au premier moment un vif sentiment de désappointement.

Il est impossible à la faible humanité de se montrer complètement indifférente à une fortune de cent mille livres. La vie peut être si brillante et si douce avec une pareille somme, tant de plaisirs des plus purs et des plus nobles sont accessibles à son heureux possesseur !

Mais bientôt Valentin eut acquis la conviction que l’idée que la fortune pouvait lui appartenir, ne s’était jamais emparée de son esprit, qu’elle n’avait pas fait corps avec lui-même, à ce point de ne pouvoir être arrachée de son cœur sans angoisse et sans laisser une plaie sanglante à l’endroit où elle avait germé.

Il lui semblait qu’il venait d’être réveillé en sursaut, au milieu d’un rêve brillant et merveilleux, mais la douloureuse angoisse qui résulte de désirs intéressés suivis de désappointement, d’espérances cupides cruellement trompées, n’existait pas pour lui.

Outre le sentiment d’incertitude qui ne lui avait jamais fait considérer la fortune Haygarth autrement que comme un rêve, il avait toujours présent à l’esprit les tristes événements qui dans ces derniers temps s’étaient associés à la conquête de cette fortune.

Pour elle, pour s’en emparer, en exerçant les droits de sa faible épouse, Sheldon avait attenté à la vie de la douce et aimable fille qu’ils venaient d’arracher à l’étreinte de la mort ; Le cruel souvenir de ces jours et de ces nuits de mortelle incertitude, ne pouvait plus être isolé de cet argent, cause première de toute cette lente torture.

« Croyez-vous que j’en aimerai moins ma femme parce qu’elle n’a plus de droits à faire valoir sur la succession Haygarth ? s’écria-t-il en laissant tomber un regard quelque peu méprisant sur le vieil intrigant. Je l’aimais longtemps avant d’avoir seulement entendu prononcer le nom de Haygarth. Je l’aurais aimée quand je l’aurais trouvée mendiant dans les rues de Londres, ou pauvre fille ignorante de la campagne, sarclant les mauvaises herbes pour gagner sa misérable vie. Je ne vais pas dire que cet argent ne nous aurait pas fait plaisir : des tableaux, des jardins, de beaux appartements, des livres sans nombre, des relations agréables, des voyages dans les plus beaux lieux de la terre, les moyens de faire un peu de bien pendant notre passage sur terre, et le sentiment de sécurité dans l’avenir pour nous et pour les chers enfants qui nous viendront peut-être et dont la prospérité nous tient au cœur plus encore que la nôtre. Très-probablement cet argent nous eût donné du plaisir en abondance, mais je doute qu’il nous eût procuré un bonheur plus parfait que celui que nous pouvons trouver dans la demeure la plus modeste aux besoins de laquelle mon travail peut suffire. Ah ! capitaine, j’en suis à me demander si vous avez jamais éprouvé la plus douce sensation de plaisir que la vie peut donner, le plaisir de travailler pour ceux qu’on aime. »

Le capitaine regarda pendant quelque temps son ancien protégé, avec un étonnement qui n’était pas sans mélange d’admiration.

« Sur ma foi ! s’écria-t-il. J’avais lu de ces sortes de choses dans les romans, mais dans tout le cours de ma vie, je n’ai rien vu de cette force. Mon beau-fils est un assez brave et généreux garçon, mais depuis son enfance, il n’a jamais su ce que c’est que de manquer d’argent, et la générosité de la part d’un tel homme n’est pas plus une vertu, qu’il n’y a de courage chez un enfant qui pose son doigt sur la flamme d’une bougie sans savoir à quoi il s’expose. Mais trouver de la générosité chez vous, chez un homme qui a passé par où vous avez passé, voilà, je l’avoue, ce qui dépasse un peu ma compréhension.

— Oui, c’est une transformation, n’est-ce pas ? Mais je ne pense pas avoir été jamais bien amoureux d’argent. Les vrais bohèmes le sont rarement. Ils sont si bien habitués à vivre sans argent, et il leur faut si peu de chose ici bas ! Leur pipe, leur ami, leur chien, leurs livres, leur grenier, leur billard et leur bière. Tout cela c’est une affaire de quelques livres sterling par semaine. Et si, quelque jour, l’amour, ce divin enchanteur, range les pauvres diables sous ses lois, et leur apprend à vivre sans billard et sans bière, vos bohémiens s’amendent et deviennent les plus purs et les meilleurs des hommes. Voyez ce qu’ils peuvent devenir, si quelques bonnes et vertueuses femmes prennent compassion d’eux, les épousent et continuent à garder leur empire sur eux. Ils peuvent écrire autant de romans que Sir Walter Scott, et mourir propriétaires de quelque domaine comme celui d’Abbotsford, de quelque beau château bâti sur les belles montagnes verdoyantes, au bas desquelles coule le Shannon. Non, capitaine, votre nouvelle ne m’a pas anéanti. Je puis hardiment envisager la vie avec ma jeune et chère femme, appuyée sur mon bras.

— Sur mon âme, Valentin, vous êtes un noble garçon ! s’écria le capitaine avec un véritable enthousiasme. Et je regrette d’avoir si longtemps gardé le silence vis-à-vis de vous.

— Vous avez gardé le silence ! oui, c’est positif ; mais depuis combien de temps savez-vous tout ce qui concerne Susan Meynell ?

— Dame, mon cher garçon, pas depuis bien longtemps.

— Mais depuis combien de temps ? Un mois… deux mois ?… Oui, vous savez quelle est la position de Lenoble depuis que vous le connaissez, et Charlotte m’a parlé il y a trois mois de l’engagement de Diana avec Lenoble. Savez-vous que si Sheldon avait réussi, le sang de Charlotte serait retombé sur votre tête ? Si vous n’aviez pas caché la vérité, il n’eût jamais songé au crime qu’il a tenté de commettre.

— Mais, mon cher Valentin, je ne pouvais pas savoir.

— Non, vous ne pouviez pas savoir qu’il pût exister sur cette terre un scélérat comme ce Sheldon. Ne parlons plus de cela. Il s’en est fallu de bien peu qu’un effroyable malheur ne résultât de nos travaux souterrains, mais le ciel a été miséricordieux pour nous. Nous avons traversé la vallée où plane l’ombre de la mort ; et si quelque chose peut me rendre ma femme plus chère que le premier jour où elle a promis d’être à moi, c’est le chagrin qui m’a éprouvé pendant ces quelques derniers mois. Et maintenant, je vais aller serrer la main à Lenoble, le parent de ma femme, c’est un brave garçon, et il mérite sa bonne fortune. Attendez… un mot encore. Diana savait-elle tout cela ? Savait-elle que son adorateur était l’héritier de la fortune laissée par Haygarth.

— Elle ne le sait pas encore maintenant. Elle n’a jamais entendu prononcer le nom de Haygarth. Et, entre nous, Valentin, j’ai eu toutes les peines du monde à lui persuader d’accepter l’offre de Lenoble, même sans parler de ses droits à la succession Haygarth.

— Je suis heureux de savoir qu’elle ignorait tout cela, dit Valentin ; j’en suis très-heureux. »

Il pressa de nouveau la main du capitaine, sur la demande qu’il lui en fit, et le capitaine se déclara très-satisfait de la conversation qu’ils venaient d’avoir ensemble et de la généreuse conduite de son ancien protégé.

Il appela sa fille et le reste de la compagnie, et tous s’empressèrent de répondre à son appel.

« Votre longue conférence est finie, papa ? demanda Diana.

— Et le secret est révélé ? demanda Charlotte à son mari.

— Oui, chère, il est révélé.

— Et j’espère qu’il est d’une nature agréable ? Je ne pense pas que sa connaissance vous cause beaucoup de peine, chère amie. Vous avez été induite, dans ses derniers temps, à vous considérer comme une sorte d’héritière.

— Papa… M. Sheldon m’avait dit que j’avais des droits à quelque argent ; mais je n’y ai pas beaucoup songé, si ce n’est pour me dire que je pourrais vous donner Grote et Macaulay reliés en veau brun et à tranches rouges, semblables à cette édition que vous avez vue à la vente publique dans Bond Street, et dont vous m’avez toujours parlé depuis, et peut-être un cheval et une marquise vitrée pour le porche de notre cottage.

— Eh bien, ma chère, les livres à reliure de veau brun, et le cheval, et la marquise vitrée, nous pourrons nous les donner plus tard ; mais l’argent n’était qu’un rêve et il s’est évanoui.

— Est-ce là tout ? demanda Charlotte. — Eh ! bien, je n’hésite pas à le dire, un jour viendra où vous serez aussi riche que Sir Walter Scott.

— En attendant, à la place de l’argent j’ai quelque chose à vous donner, c’est un cousin.

— Je suis toute disposée à l’aimer, mais d’où me vient-il ? s’écria Charlotte en riant. Me tombe-t-il de la lune ? Les seuls parents que j’aie au monde sont mon oncle et ma tante Mercer. Où avez-vous pu me trouver un cousin ?

— Vous rappelez-vous de m’avoir parlé de la sœur de votre grand’mère, Susan Meynell ?

— Oui, dit Charlotte dont le visage se couvrit d’une soudaine rougeur, je me souviens.

— Cette demoiselle Meynell a épousé un gentilhomme de Normandie et a laissé un enfant, un fils. Son nom est Gustave Lenoble et il est près de vous. Il est l’héritier d’une grande fortune, à laquelle on avait cru que vous aviez des droits. Êtes-vous fâchée, Charlotte, de trouver un parent et de perdre une fortune ? Et êtes-vous satisfaite de commencer la vie sans autre espoir en ce monde que ceux que vous pouvez fonder sur la patience et sur le courage de votre mari ?

— Et sur son génie ! » ajouta Charlotte avec enthousiasme.

Le doux aveuglement de l’amour mettait pour elle une auréole autour du front du jeune écrivain et elle le croyait réellement digne de prendre rang parmi les plus illustres de cette grande confrérie dont il n’était qu’un humble membre.

Elle le contemplait avec la plus charmante confiance et sa main s’attachait à la sienne avec un amour et une foi sans bornes.

Il sentait en lui-même qu’un tel amour était un trésor en comparaison duquel tous les biens amassés par John Haygarth devaient sembler sans valeur.

Après cela vinrent les explications et les félicitations. Gustave fut ravi d’avoir des droits à l’amitié d’une aussi belle cousine.

« Vous ressemblez à mon aînée, ma cousine, dit-il. Diana a été frappée de cette ressemblance quand elle a vu ma fille au Sacré-Cœur, et moi-même j’ai vu dans vos yeux le regard de ma fille aînée, la première fois que je vous ai vue. Rappelez-vous qu’il a été convenu entre nous que vous viendriez vous établir avec M. Haukehurst à Cotenoir avant qu’il fût connu qu’il existât un lien de parenté entre vous et la famille Lenoble. Maintenant, vous et votre mari, vous êtes de la famille. »

Diana fut surprise, affligée, et pleine d’indignation contre son père qui l’avait trompée en lui cachant si habilement la vérité. Elle se trouvait placée dans une position de rivalité avec Charlotte et toute cette intrigue lui semblait basse et perfide.

Mais ce n’était pas le moment de formuler des reproches ou d’exprimer ouvertement le sentiment d’indignation qu’elle éprouvait. Les jours de son père étaient comptés. Elle le savait et elle garda le silence. Mme Sheldon elle-même ne fit pas entendre une plainte, quelque vif qu’ait été le sentiment de désappointement qu’elle avait éprouvé à cette nouvelle. L’idée des quatre à cinq mille livres qui devaient échoir à Charlotte avait été une consolation pour elle au milieu des désastres qui étaient venus, dans ces derniers temps, bouleverser son existence. Elle quitta la maison de Knightsbridge ce soir-là dans une assez triste disposition d’esprit et à demi disposée à chercher querelle à Charlotte et à son mari pour leur gaieté et pour le bonheur évident qu’ils trouvaient dans la société l’un de l’autre.

« Il semble un peu dur d’avoir à recommencer la vie à mon âge, murmura-t-elle avec découragement, après avoir été accoutumée à voir tout confortable autour de moi, comme dans ma maison de Bayswater ; quoique, je l’avoue, l’ennui et les soucis que me donnaient les servantes me conduisissent lentement au tombeau.

— Chère maman, s’écria tendrement Charlotte, il n’y a pas à craindre les inquiétudes où la pauvreté, pour vous ou pour nous. Valentin a de l’argent en abondance, et il est en voie de conquérir une honnête fortune. Les auteurs, vous le savez, ne meurent plus de faim dans des greniers maintenant. Valentin se livre de tout cœur à sa profession et il travaillera pour nous.

— Tant que j’aurai une main pour tenir ma plume, et un cerveau pour la guider, dit Haukehurst avec gaîté, je puis affronter hardiment tous les hasards. Je me sens aussi confiant et aussi heureux que si nous vivions dans l’âge d’or, à l’époque où peines et soucis étaient inconnus aux innocents humains et où toutes les belles choses que produit la terre étaient un don spontané des Dieux. »