L’Encyclopédie/1re édition/VALLAIS, le

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VALLAIS, le, (Géog. mod.) en allemand Walisserland ; pays voisin & allié des Suisses. Il est borné au nord par le canton de Berne, au midi par le val d’Aoste, au levant par le canton d’Uri, & au couchant par la république de Genève ; de ce dernier côté, il fait face à la Savoie. Ce pays est une vallée étroite, dont la longueur est d’environ 34 lieues ; sa largeur est fort inégale. Le Rhône traverse le Vallais dans toute sa longueur, du levant au couchant. On le divise en haut & bas Vallais, qui sont l’un & l’autre très-peuplés. Le haut Vallais est partagé en sept communautés, départemens ou jurisdictions, que l’on nomme dixaines en françois, & zebnden en allemand. Le bas Vallais est divisé en six gouvernemens ou bannieres.

Il n’y a peut-être point dans la Suisse de contrée si bien entourée de montagnes que le Vallais, ni si bien fortifiée par la nature ; mais quoique ce pays soit une vallée environnée de hautes montagnes couvertes de neiges, c’est cependant le quartier le plus chaud de la Suisse. Il produit de très-bons vins, dont les vignes sont sur des rochers ; le terroir rapporte aussi suffisamment de blé, de seigle & d’orge pour la nourriture des habitans : ils sont accoutumés à la fatigue, endurcis au travail ; & comme ils vivent frugalement, & respirent un air pur ; ils parviennent sans maladies à une vieillesse vigoureuse ; ils paroissent n’être exposés qu’à la difformité du goitre, qui peut venir de la mauvaise qualité des eaux ; mais ce mal même n’est pas universel ; tout le pays est cultivé & planté d’arbres fruitiers.

Le haut Vallais, où est la source du Rhône, étoit autrefois occupé par les Seduni qui ont laissé leur nom à la ville de Sion, appellée en latin Seduni, & le bas-Vallais par les Veragri, dont la situation a été exactement marquée par César dans le liv. III. de ses commentaires, où il nomme par ordre les Nantuates, les Veragri, & les Seduni, qui occupoient le pays depuis les Allobroges, le lac Léman & le Rhône jusqu’aux hautes Alpes, usque ad summas Alpes, où est la source du Rhône.

Le Vallais fit partie du royaume de Bourgogne sous les Mérovingiens & les Carlovingiens. Les successeurs de Rodolphe, élu l’an 888 roi de la Bourgogne transjurane & septentrionale, jouirent paisiblement de ce même pays jusqu’à Rodolphe III. sous lequel les officiers nommés comtes, s’érigerent en princes, & les évêques aussi, ce qu’ils avoient commencé à faire dès le tems du roi Conrad le Pacifique, pere & prédécesseur de Rodolphe, nommé le lâche, parce qu’il souffrit & autorisa ces usurpations. Les empereurs allemands, qui succéderent à Rodolphe, mirent le gouvernement de la Bourgogne transjurane entre les mains des ducs de Zéringue, qui attaquerent les Vallaisans, mais avec divers succès, & ils furent obligés enfin de les laisser vivre dans leurs montagnes en liberté.

La plus ancienne alliance que les Vallaisans aient faite avec quelques cantons de la Suisse, est celle qu’ils contracterent pour dix ans avec les Bernois l’an 1250, qu’ils renouvellerent en 1448, & qu’ils déclarerent stable & éternelle en 1475. Ils avoient fait une pareille alliance en 1473 avec les cantons de Lucerne, d’Ury & d’Underwald ; & en 1529, ils furent admis par tous les cantons dans l’alliance helvétique. Il fut cependant ajouté dans l’acte une clause, qui portoit que cette alliance seroit renouvellée tous les 25 ans.

Enfin en 1533, l’évêque & la république de Vallais renouvellerent leur alliance avec les trois cantons catholiques, Lucerne, Ury & Underwald ; & les quatre autres ; savoir, Schwitz, Zoug, Fribourg & Soleure y acquiescerent.

Ce renouvellement fut en quelque maniere une nouvelle alliance ; car du côté des Suisses tous les cantons catholiques y stipulerent, & du côté des Vallaisans, qui sont fort attachés à l’église romaine, tout l’état y entra pareillement.

Les Vallaisans voulant conserver leur liberté intérieure, pratiquent depuis long-tems un usage singulier pour réprimer les grands qui tenteroient de la leur ravir par leur crédit & leur puissance. C’est ce qu’ils appellent la masse, en allemand matzen, & qui tient quelque chose de l’ostracisme des Athéniens. Le peuple prend un tronc d’arbre ou de vigne, sur lequel il pose une figure de tête d’homme, semblable à une tête de Méduse ; chaque mécontent fiche un clou à cette masse ; & quand elle est chargée de clous, on porte la masse dans l’assemblée des jurisdictions avec le nom de l’homme qu’on redoute, & l’on demande son bannissement. Cette maniere extraordinaire d’obtenir justice dans ce pays-là, y produit beaucoup de bien & peu de mal. (Le chevalier de Jaucourt.)