L’Encyclopédie/1re édition/VALENCE

VALENCE, (Géog. mod.) province d’Espagne, avec titre de royaume. Elle est bornée au nord par l’Aragon & la Catalogne ; au midi & au levant par la mer Méditerranée ; au couchant par la nouvelle Castille, & par le royaume de Murcie. Elle tire son nom de sa capitale, & s’étend du nord au sud de la longueur d’environ 66 lieues sur 25 dans sa plus grande largeur.

Elle est arrosée d’un grand nombre de rivieres, dont les principales sont la Segura, le Xucar, le Guadalaviar, le Morviedro & le Millas ou Millares.

Cette province est une des plus peuplées de l’Espagne. On y compte 7 cités, 64 villes ou bourgs, & 4 ports de mer, entre lesquels est Alicante. Valence est aussi l’un des plus agréables pays de la monarchie. On y jouit d’un printems presque continuel. Les côteaux abondent en excellens vins ; les vallées & les plaines sont couvertes d’arbres fruitiers chargés de fruits ou parés de fleurs dans toutes les saisons de l’année ; on y recueille du riz, du lin précieux, du chanvre, de la soie, de l’huile, du miel & du sucre. La mer y fournit abondamment de poissons, particulierement des aloses & du thon ; les montagnes, quoique rudes & stériles pour la plûpart, y cachent dans leurs entrailles des mines fécondes en alun & en fer, ainsi que des carrieres d’albâtre, de chaux, de plâtre & de calamine.

C’est le pays qu’habitoient anciennement les Celtibériens, les Contestains & les Lusons. Il fut érigé en royaume l’an 788 par Abdalla qui en étoit le gouverneur. Dans le x. siecle, sous le regne de Ferdinand, fils de Sanche roi de Navarre & d’Aragon, le cid don Rodrigue, à la tête de sa chevalerie, subjugua le royaume de Valence. Sans être roi, & sans en prendre le titre, soit qu’il lui préférât celui de cid, soit que l’esprit de chevalerie le rendît fidele au roi Alphonse son maître, il gouverna néanmoins le royaume de Valence avec l’autorité d’un souverain, recevant des ambassadeurs, & se faisant respecter de toutes les nations. Corneille a trouvé l’art de nous intéresser pour lui, & il est vrai qu’il épousa depuis Chimene dont il avoit tué le pere.

Après sa mort arrivée l’an 1096, les Maures reprirent le royaume de Valence, & l’Espagne se trouva toujours partagée entre plusieurs dominations ; mais Jacques, le premier des rois d’Aragon à qui les états ayent prêté le serment de fidélité, reprit sur les Maures en 1238, le beau royaume de Valence. Ils se soumirent à lui, & continuerent de le rendre florissant. C’étoit encore dans ce pays favorisé de la nature qu’habitoit la plus grande partie des Maures qui furent chassés de l’Espagne pour toujours en 1610. Leurs descendans qu’on appelle Mauriques, sont bons laboureurs, robustes, sobres & laborieux.

Le royaume de Valence avoit ci-devant de grands privileges, dont Philippe V. le dépouilla en 1705, pour avoir embrassé le parti de l’archiduc, & en même tems il réunit ce royaume à celui de Castille, pour en être desormais une province. (D. J.)

Valence, (Géog. mod.) ville d’Espagne, capitale de la province de même nom, à 65 lieues au sud-ouest de Barcelone, à 45 de Murcie, & à 67 de Madrid.

Cette ville est située à 3 milles de la mer, au bord du Guadalaviar, dans une campagne admirable, où la nature semble avoir répandu tous ses dons à pleines mains, pour servir aux besoins & aux délices de la vie. Indépendamment de la beauté du lieu, des agrémens de sa situation, de la douceur de l’air, de la fertilité du terroir, la mer y forme dans le voisinage un lac de trois lieues d’étendue & d’une lieue de largeur ; c’est ce lac que les Romains nommoient amænum stagnum, & qui produit divers poissons des plus délicats.

La ville est grande, & contient environ douze mille feux dans son enceinte ; les habitans y sont égayés par la température de l’air, & les femmes y passent pour être les plus belles du royaume. Entre les édifices publics se distingue par sa beauté l’église cathédrale, dont le trésor est très-riche ; le grand-autel de cette église est tout couvert d’argent, & éclairé de quatorze candélabres de même métal, suspendus au-devant. On vante aussi en fait de bâtimens profanes les palais du vice-roi, de la ciuta & de la députation, l’arsenal, la bourse & l’hôtel-de-ville.

On compte à Valence douze portes, dix mille puits ou fontaines d’eau vive, & cinq ponts sur le Guadalaviar ; ils ont quinze pas de largeur, & environ trois cens de longueur. L’incommodité de cette ville est de n’être point pavée, ce qui la rend fort sale en hiver, & remplie de poussiere en été.

Elle est le siege d’une université & d’un archevêché, qui y fut fondé en 1492 par le pape Innocent VIII. L’archevêque jouit de trente à quarante mille ducats de rente, & revêt l’habit de cardinal dans les cérémonies de l’église. Les canonicats de la cathédrale valent chacun trois mille écus de revenu.

Cette ville est habitée par une grande partie de la noblesse du royaume, ainsi que par un grand nombre de négocians, qui profitent de la quantité de mûriers du territoire pour y fabriquer toutes sortes de soiries, & en faire fleurir le commerce. Il y a dans Valence un gouverneur qui se nomme corregidor. La noblesse fait un corps à part, & a une chambre particuliere qu’on nomme la casa de la députation. Long. suivant Cassini, 16. 46. 15. lat. 39. 30.

Je ne dois pas oublier de dire, à la gloire de Valence, qu’on y trouve divers monumens d’antiquité, parce que c’est en effet une ancienne ville. Elle fut donnée l’an de Rome 616, près de deux cens quarante ans avant Jesus-Christ, à de vieux soldats qui avoient servi sous le fameux Viriatus, de-là vient que les habitans prenoient le nom de veteres, ou de veterani, comme il paroît par l’inscription suivante qu’on a trouvée : C. Valenti hostiliano. Meslio. Quinctio. nobilissimo. Cœs. principi juventutis Valentini. vetera. &. veteres. Pompée détruisit cette ville dans le tems de la guerre de Sertorius ; mais elle fut rétablie dans la suite. Les Maures qui s’en étoient saisis, la perdirent dans le xj. siecle, par la valeur de Rodrigue dias de Bivar, surnommé le cid. Ils la reprirent après sa mort, arrivée l’an 1096, & s’y maintinrent jusqu’en 1238, que Jacques I. roi d’Aragon, la leur enleva pour toujours.

C’est dans cette ville que naquit le pape Alexandre VI. mort à Rome en 1503, à l’âge de 72 ans, laissant en Europe, dit M. de Voltaire, une mémoire plus odieuse que celle des Nérons & des Caligula, parce que la sainteté de son ministere le rendoit plus coupable. Cependant c’est à lui que Rome dut sa grandeur temporelle, & ce fut lui qui mit ses successeurs en état de tenir quelquefois la balance de l’Italie.

Furius, (Fridéric) surnommé Seriolanus, à cause qu’il étoit né à Valence, dont les habitans étoient appellés vulgairement Sériols, mourut à Valladolid l’an 1592. Son traité du conseiller, del conceio y consciero, a été fort estimé, il y en a une traduction latine imprimée à Bâle, in-8°. en 1563, & ensuite à Strasbourg, in-12. On lui fit des affaires pour avoir mis au jour en latin un fort bon traité intitulé Bononia, dans lequel il soutenoit qu’il falloit traduire l’Ecriture-sainte en langue vulgaire. Il ne fallut pas moins que la protection de Charles-quint pour préserver l’auteur de l’orage qu’on éleva contre lui, mais la lecture de son livre a été défendue par l’index du concile de Trente.

Miniana, (Joseph-Emmanuel) naquit à Valence en 1572, entra dans l’ordre des religieux de la rédemption des captifs, & mourut en 1630. Il est auteur de la continuation de l’histoire d’Espagne de Mariana, & il y travailla douze ans. Quoiqu’il promette dans sa préface la plus grande impartialité, personne n’a espéré de la trouver dans une histoire écrite par un religieux espagnol, qui doit raconter tant de choses concernant des troubles de religion arrivés sous Charles-quint & sous Philippe II. aussi n’a-t-il puisé tout ce qu’il dit sur cette matiere, que dans des auteurs remplis des mêmes préjugés que lui ; & pour ce qui regarde les troubles des Pays-bas, il n’a fait qu’abreger le jésuite Strada. En parlant de la mort tragique du prince d’Orange Guillaume I. il loue extrèmement, liv. VIII. ch. xiij. p. 341. col. 1. la constance avec laquelle l’assassin Balthazar Gérard souffrit la mort ; & loin d’insinuer que ce parricide la méritoit, il remarque que la tête de Gérard exposée au bout d’une pique, parut beaucoup plus belle qu’elle n’étoit quand il vivoit. Il traite en même tems de monstres & d’hommes détestables, des gens illustres qui n’ont eu d’autres défauts que de ne pas penser comme l’Eglise romaine. Le pere Miniana auroit dû se souvenir de la disposition où il dit lui-même que doit être un bon historien : « de se regarder comme citoyen du monde, de tout peser à la balance de Thémis avec la derniere exactitude, & sur-tout avec un amour dominant de la vérité ». Au reste, son style n’est point aussi net & aussi dégagé que celui de son modele. Il s’est proposé mal-à-propos d’imiter Plaute, & quelquefois ses phrases par leur concision sont obscures & embarrassées.

Vives (Jean-Louis) naquit à Valence en 1492, & mourut à Bruges en 1540, à 48 ans. Il a beaucoup écrit, & avec peu d’utilité pour le public ; cependant ses ouvrages recueillis & imprimés à Bâle en 1555 en deux vol. in-fol. ont été recherchés dans le xvj. siecle.

N’oublions pas Ferrier (Vincent) dominicain, qui fleurissoit vers le milieu du xjv. siecle. Bénoît XIII. le choisit pour son confesseur ; & comme il avoit un talent peu commun pour la prédication, il se rendit bien-tôt fameux. Il fit aussi des miracles en nombre, & fut canonisé. Ce saint thaumaturge, dit le pere d’Orléans, n’avoit pourtant rien de farouche & d’embarrassé lorsque son ministere le mettoit dans le commerce du monde & à la cour des princes. On tâcha de l’attirer dans l’assemblée du concile de Constance, par deux raisons, l’une pour qu’il aidât par son crédit à terminer les affaires épineuses qui occupoient les peres, & l’autre pour l’empêcher d’autoriser les Flagellans, dont la secte avoit fait de grands progrès malgré les édits des empereurs & les bulles des papes.

Vincent Ferrier les favorisoit extrèmement par ses manieres & par ses actions qui ressentoient beaucoup le fanatisme : il marchoit souvent à la tête d’une foule prodigieuse de pénitens, qui se fouettoient jusqu’au sang, & qui couroient par-tout après lui pour l’entendre prêcher. On peut juger que le saint voyoit sans chagrin les fruits de sa prédication, & que si les Flagellans aimoient à l’entendre, il n’étoit pas fâché d’en être suivi. Le concile de Constance eut beau s’y prendre avec dextérité pour ramener le dominicain ; il ne voulut point se rendre à l’assemblée, malgré les sollicitations empressées du roi d’Aragon même. Il mourut à Vannes en Bretagne le 5 d’Avril 1419, jour auquel on célebre sa fête dans l’Eglise romaine depuis sa canonisation. On a de lui quelques ouvrages dont on ne fait aucun cas, ou plutôt qu’on méprise beaucoup aujourd’hui. (Le chevalier de Jaucourt.)

Valence, (Géog. mod.) ville de France dans le Dauphiné, capitale du Valentinois, sur la rive gauche du Rhône, à 7 lieues au nord-ouest de Die, à 9 lieues de Viviers, à 12 au midi de Vienne, & à 120 de Paris.

Les maisons de Valence sont fort vilaines ; mais le palais épiscopal est bien bâti. L’évêché établi dès le iij. siecle est suffragant de Vienne. Cet évêché vaut environ 16000 liv. de revenu, & a dans son diocese une centaine de paroisses, deux abbayes d’hommes, & deux de filles.

L’université avoit d’abord été fondée à Grenoble par le Dauphin Humbert II. & fut transférée à Valence par Louis XI. l’an 1454. Elle est composée de trois facultés, & n’a pas soutenu sa premiere réputation. Long. 22. 28. latit. 44. 55.

Valence est une des plus anciennes villes des Gaules ; car elle étoit déjà colonie romaine du tems de Pline le naturaliste. Après l’institution des nouvelles provinces, elle demeura sous la premiere viennoise ; & après la ruine de l’empire romain, elle fut soumise aux Bourguignons, & ensuite aux François Mérovingiens ; sous les Carlovingiens elle fut du royaume de Bourgogne & d’Arles, & reconnut ceux qui n’étant pas de la race de Charlemagne, jouirent de ce royaume.

Baro (Balthazar) né à Valence en 1600, & reçu à l’académie françoise en 1633, fut gentilhomme de mademoiselle Anne-Marie-Louise d’Orléans, fille de Gaston. Il mourut en 1650. L’ouvrage qui lui a fait le plus d’honneur, est le cinquieme tome d’Astrée, qui en formoit la conclusion, & qui ne fut guere moins bien reçu que les quatre autres volumes donnés par M. d’Urfé, dont Baro avoit été secrétaire. Le grand succès de ce roman produisit ceux de Gomberville, de la Calprenede, de des-Marais, & de Scudery. Que de différence entre les romans de ce tems-là, & ceux de Richardson ! Baro fit aussi neuf pieces de théatre imprimées ; dont la moins mauvaise est Parthénie tragédie.

Joubert (Laurent), médecin ordinaire du roi, naquit à Valence en 1530, & se rendit célebre par ses leçons. On étoit si prévenu de ses lumieres, qu’Henri III. souhaitant avec passion d’avoir des enfans, le fit venir à Paris, dans l’espérance que l’habileté de ce médecin leveroit tous les obstacles qui rendoient son mariage stérile ; mais son espérance fut trompée. Joubert avoit cependant traité cette matiere dans ses erreurs populaires, & même il l’avoit fait avec une indécence inexcusable ; cet ouvrage devoit contenir six parties, divisées chacune en cinq livres ; mais le public n’en a vu que la premiere, & quelque chose de la seconde ; les ouvrages latins forment deux volumes in-fol. dans les éditions de Francfort, 1582, 1599, & 1645. Il mourut à Lombez en 1582, à 52 ans.

Sautel (Pierre-Juste), jésuite, né en 1613, à Valence, s’est distingué par ses petites pieces en vers latins, lesquelles sont délicates & ingénieuses. On estime son élégie sur une mouche tombée dans une terrine de lait ; son essain d’abeilles distillant du miel dans le carquois de l’Amour ; sa querelle des mouches ; son oiseau mis en cage ; son perroquet qui parle, &c. Il mourut à Tournon, en 1662, âgé de 50 ans. (D. J.)

Valence, (Géograph. mod.) petite ville, disons mieux, bourg de France dans l’Agénois, sur la rive droite de la Garonne, vis-à-vis d’Aurignac. (D. J.)

Valence, (Géog. mod.) nos géographes disent petite ville de France dans l’Armagnac, à six lieues au nord d’Auch, sur la Blaise ; cette place ne vaut pas un bourg. (D. J.)

Valence, (Géog. mod.) petite ville de France, dans le haut Languedoc, au diocese d’Alby, & l’une des douze principales préfectures de ce diocèse.

Valence, golphe de, (Géog. mod.) golphe formé par la partie de la mer Méditerranée qui baigne les côtes du royaume de Valence. Il s’étend depuis l’embouchure de l’Ebre, jusqu’au cap nommé la punta del Emporador. (D. J.)

Valence, douane de, (Finance.) la douane de Valence est un droit local destructif du commerce, & qui fatigue à la fois six ou sept provinces, dont il anéantit les communications.

Cette douane fut établie en 1625. par bail, pour la somme de quatre cens mille livres, à des traitans, pendant trois ans ; son étendue, quant à la perception des droits, est excessive ; la maniere de les percevoir n’est pas moins onéreuse, son effet est de détruire le commerce des bestiaux, autrefois si considérable en Dauphiné, d’occasionner des tours & détours aux marchandises des provinces limitrophes, de diminuer les consommations intérieures & extérieures. La forme du tarif de cette douane est contre toute bonne politique, en ce qu’elle est susceptible d’une infinité de surprises ; enfin elle a acquis entre les mains industrieuses des régisseurs, une propriété singuliere, c’est celle de pouvoir être perçue deux fois sur la même marchandise. Consid. sur les finances. (D. J.)