L’Encyclopédie/1re édition/TYRRHÈNES

TYRRHÈNES, (Géog. anc.) Tyrrheni ; le nom de Tyrrhènes ou de Tyrrhéniens, paroit dans l’origine avoir été celui des habitans d’une partie de la Macédoine, qui s’étendoit jusqu’au Strymon, & qu’Hérodote appelle Crestonie, à cause de sa capitale Crestona. Insensiblement il reçut cette acception plus générale, il devint synonyme du nom Pélasge ; Thucydide les confondoit ensemble, & quelques vers de Sophocle cités par Denis d’Halicarnasse, nous donnent lieu de penser que cette confusion étoit ordinaire chez les Athéniens. Des Pélasges de la Grece il passa bien-tôt à ceux d’Italie, c’est-à-dire aux peuples d’origine grecque, plus anciens que les colonies helléniques ; on les nommoit tantôt Italiotes, tantôt Tyrrhènes, & c’est ce qu’on peut remarquer dans Denis d’Halicarnasse, qui voulant prouver aux Grecs que les Romains n’étoient point Barbares, attribue sans réserve aux Pélasges d’Italie tout ce que les anciens ont débité sur ceux de la Grece. Par une suite de ce système, qui le jette quelquefois dans de fausses interprétations, il a changé le nom de Crestona en celui de Cortona, & confond les Tyrrhènes de la Crestonie avec ceux de la Toscane, malgré la précaution qu’Hérodote avoit eue de désigner ces derniers par leur voisinage avec l’Ombrie.

Cette erreur de Denis d’Halicarnasse a fait illusion à tous les critiques, & produit des faux systèmes sur l’origine des Toscans. Comme par une suite de la premiere méprise on avoit donné le nom de Tyrrhéniens à tous les Pélasges répandus en Italie, & qu’il se trouvoit sur les côtes de Toscane plusieurs de ces cités péiasgiques, entre autres celle des Agylliens, très-connue des Grecs ; les Grecs peu-à-peu s’accoutumerent à désigner tous les Toscans sous le même nom. Ils les regarderent comme des Tyrrhéniens, & par conséquent comme des Pélasges ; parce que ne les connoissant pas eux-mêmes, il étoit naturel qu’ils les confondissent avec des peuples enclavés dans leur territoire, & qui ne cessoient d’entretenir quelque relation avec la Grece. Mais ni les Toscans, ni même les Romains n’ont jamais connu ces dénominations : si quelques poëtes latins s’en servent, ce n’est que pour imiter les Grecs, & par la même licence qui rend les termes d’Ausonie & d’Hespérie communs dans nos poëtes françois.

Les Agylliens sont souvent appellés Tyrrhènes par les écrivains grecs. Hérodote leur donne indifféremment ces deux noms. Pindare en parlant des pirates qui troubloient le commerce de l’Italie & de la Sicile, désigne aussi sous ce nom de Tyrrhènes les Argylliens qu’il associe aux Carthaginois. L’auteur des hymnes attribués à Homere dit la même chose, & Thucydide parle du secours qu’ils envoyerent aux Athéniens dans la guerre de Sicile, la dix-neuvieme année de celle du Péloponnèse, un peu avant la ruine de Veies par les Romains. (D. J.)