L’Encyclopédie/1re édition/TYPHON

TYPHON, (Physiq. générale.) un typhon est un vent vif, fort, qui souffle de tous les points, varie de tous les côtés, & communément vient d’en-haut.

Il est fréquent dans la mer orientale, sur-tout dans celle de Siam, de la Chine, du Japon, & entre Malacca & le Japon. Il sort avec violence le plus souvent du point de l’ouest, & parcourant tout l’horison avec beaucoup de rapidité, il fait le tour en vingt heures ; il accroît de force de plus en plus ; il éleve la mer à une grande hauteur avec ses tournans, & chaque dixieme vague s’élevant plus que les autres, fait perdre aux gens de mer tout espoir de se sauver ; c’est pourquoi la navigation de l’Inde au Japon est fort dangereuse, de sorte que si de trois vaisseaux il en arrive un à bon port, on regarde cet événement comme un voyage heureux.

Le typhon régne le plus ordinairement en été, & il est plus terrible, qu’on ne peut imaginer sans l’avoir vû ; de sorte qu’il n’est pas étonnant, que les côtés des vaisseaux les plus forts & les plus gros n’y résistent pas ; on croiroit que le ciel & la terre vont se replonger dans leur ancien cahos.

Il exerce sa furie sur terre comme sur mer, renverse les maisons, déracine les arbres, & emporte de gros vaisseaux jusqu’à un mille de la mer.

Il dure rarement plus de six heures ; dans l’Océan Indien, la mer est d’abord unie, mais il s’y éleve ensuite des vagues terribles. Ainsi près de la ville d’Arbeil en Perse, ce typhon éleve tous les jours à midi, dans les mois de Juin & de Juillet, une grande quantité de poussiere, & dure une heure.

La cause de ce typhon vient peut-être de ce que le vent soufflant vers un certain point, est arrêté & revient sur lui-même, & qu’ainsi il tourne en rond, comme nous voyons que l’eau forme un tourbillon, quand elle rencontre un obstacle ; ou bien cela peut venir des vents furieux qui se rencontrent l’un l’autre, qui rendent la mer unie, & cependant s’élancent contre les vaisseaux qui se trouvent entr’eux. Quand ce vent vient d’en-haut, on l’appelle catægis.

Le typhon, dit le peintre des saisons, tournoie d’un tropique à l’autre, épuise la fureur de tout le firmament, & le terrible ectreplica regne. Au milieu des cieux faussement sereins, un puissant orage se prépare ; comprimé dans une petite tache de nuée, que l’œil connoisseur peut seul apperçevoir : le fatal & imperceptible présage plein de feu & de malignes influences, est suspendu sur le sommet du promontoire, & rassemble ses forces. Le démon de ces mers le fait précéder d’un calme trompeur, propre à engager le matelot à confier ses voiles au zéphir qui l’accompagne. Tout-à-coup des vents rugissans, des flammes & des flots combattans, se précipitent & se confondent en masse. Le matelot demeure immobile ; son vaisseau, dont les voiles sont déployées, boit la vague, s’enfonce & se cache dans le sein du sombre abîme. Le redoutable Gama combattit contre un semblable typhon, pendant plusieurs jours & plusieurs nuits terribles, voguant sans cesse autour du cap orageux, conduit par une ambition hardie, & par la soif de l’or encore plus hardie. (D. J.)