L’Encyclopédie/1re édition/TUTOYMENT

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TUTOYMENT, s. m. (Poésie drag.) le tutoyment qui rend le discours plus serré, plus vif, a souvent de la noblesse & de la force dans la tragédie ; on aime à voir Rodrigue & Chimene l’employer. Remarquez cependant que l’élégant Racine ne se permet gueres le tutoyment, que quand un pere irrité parle à son fils, ou un maître à son confident, ou quand une amante emportée se plaint à son amant.

Je ne t’ai point aimé, cruel, qu’ai-je donc fait ?


Hermione dit :

Ne devois-tu pas lire au fond de ma pensée ?


Phédre dit :

Eh bien, connois donc Phedre & toute sa fureur.

Mais jamais Achille, Oreste, Britannicus, &c. ne tutoyent leurs maitresses. A plus forte raison, cette maniere de s’exprimer doit-elle être bannie de la comédie qui est la peinture de nos mœurs. Moliere en a fait usage dans le dépit amoureux, mais il s’est ensuite corrigé lui-même. Voltaire. (D. J.)