L’Encyclopédie/1re édition/TROMBE

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TROMBE, s. f. (Physiq.) est un météore extraordinaire qui paroît sur la mer, qui met les vaisseaux en grand danger, &c. & qu’on remarque très souvent dans un tems chaud & sec ; les Latins l’appellent typho & sypho. Voyez Météore.

La trombe est une nuée condensée, dont une partie se trouvant dans un mouvement circulaire, causé par deux vents qui soufflent directement l’un contre l’autre, tombe par son poids, & prend la figure d’une colonne, tantôt conique, tantôt cylindrique. Elle tient toujours en-haut par sa base, tandis que la pointe regarde en-bas.

« On ne sauroit examiner ces trombes de mer avec toute l’exactitude requise ; car comme les Marins n’ignorent pas le danger auquel ils sont alors exposés, ils les évitent autant qu’il leur est possible. On n’a pourtant pas laissé d’observer qu’elles sont creuses en-dedans & sans eau, parce que la force centrifuge pousse hors du centre les parties internes, qui se meuvent alors d’un mouvement rapide & circulaire, avec lequel le tourbillon est emporté comme autour d’un axe. La surface interne qui est creuse, ressemble assez bien a une vis d’Archimede, à cause de l’eau qui tombe par son propre poids, & qui tournant en même tems avec beaucoup de rapidité, fait effort pour se jetter en-dehors par sa force centrifuge, ou pour s’éloigner davantage du centre de mouvement. Plusieurs parties aqueuses se détachent de la circonférence, & forment la pluie qui tombe tout-autour du tourbillon. Cette colonne ne tombe cependant pas toujours en-bas, elle ne s’arrête pas non plus, mais elle est quelquefois emportée par le vent inférieur, lorsqu’il est le plus fort, de sorte qu’elle est comme suspendue obliquement à la nuée ; il arrive quelquefois qu’étant ainsi suspendue, elle forme une courbure ou angle, ou qu’elle paroît double, comme dans la fig. 3. de Physique. Lorsque l’un des deux vents inférieurs est plus fort que l’autre, le tourbillon est emporté par le vent qui souffle avec le plus de violence, & flotte par conséquent au-dessus de la mer & de la terre ferme. Lorsqu’il se tient suspendu au-dessus de la mer, & qu’il est presque descendu sur sa surface, il s’éleve de la mer une autre petite colonne B, qui va à la rencontre de la supérieure. En effet, comme la trombe est creuse en-dedans, & qu’elle ne contient autre chose qu’un air fort raréfié, puisque les parties s’éloignent continuellement du centre, & que l’air fait aussi la même chose, l’atmosphere comprime alors la mer par son propre poids, & la fait monter vers la trombe qui se trouve suspendue tout vis-à-vis. Il en est de même à cet égard, comme à l’égard de l’eau que l’on presse dans une pompe lorsqu’on leve le piston. De-là vient que l’air s’insinue dans ces cavités entre la mer & la partie inférieure du tourbillon, & qu’il emporte tous les corps légers, qu’il éleve ensuite dans le tourbillon. Il en tombe alors une quantité prodigieuse d’eau qui fait monter celle de la mer, de sorte qu’il se forme tout-à-l’entour du tourbillon une épaisse bruïne C, fig. 7. qui s’éleve comme une vapeur qui bout. Par-tout où ce tourbillon tombe, il y cause de grandes inondations par la prodigieuse quantité d’eau qu’il répand. Il en tombe même quelquefois de la grêle. Les dégâts qu’il cause sont affreux : il met tout sens dessus-dessous, il force & réduit en pieces les corps les plus forts, il arrache les arbres les plus gros, il rompt & brise leurs branches quelque grosses qu’elles soient, il renverse les vaisseaux qu’il fait périr, & même beaucoup plus vîte que s’ils étoient frappés de quelque coup de vent le plus impétueux ». Mussch. Ess. de phys. §. 1688.

Les trombes sont fort fréquentes auprès de certaines côtes de la Méditerranée, sur-tout lorsque le ciel est fort couvert & que le vent souffle en même tems de plusieurs côtés ; elles sont plus communes près des caps de Laodicée, de Grecgo & de Carmel, que dans les autres parties de la Méditerranée.

Mais il faut distinguer, dit M. de Buffon, deux especes de trombes : la premiere, qui est la trombe dont nous venons de parler, n’est autre chose qu’une nuée épaisse, comprimée, resserrée & réduite en un petit espace par des vents opposés & contraires, lesquels soufflant en même tems de plusieurs côtés, donnent à la nuée la forme d’un tourbillon cylindrique, & font que l’eau tombe tout-à-la-fois sous cette forme cylindrique ; la quantité d’eau est si grande & la chûte en est si précipitée, que si malheureusement une de ces trombes tomboit sur un vaisseau, elle le briseroit & le submergeroit dans un instant. On prétend, & cela pourroit être fondé, qu’en tirant sur la trombe plusieurs coups de canons chargés à boulets, on la rompt, & que cette commotion de l’air la fait cesser assez promptement ; cela revient à l’effet des cloches qu’on sonne pour écarter les nuages qui portent le tonnerre & la grêle.

L’autre espece de trombe, continue M. de Buffon, s’appelle typhon ; & plusieurs auteurs ont confondu le typhon avec l’ouragan, sur-tout en parlant des tempêtes de la mer de la Chine, qui est en effet sujette à tous deux, cependant ils ont des causes bien différentes. Le typhon ne descend pas des nuages comme la premiere espece de trombe, il n’est pas uniquement produit par le tournoiement des vents comme l’ouragan, il s’éleve de la mer vers le ciel avec une grande violence ; & quoique ces typhons ressemblent aux tourbillons qui s’élevent sur la terre en tournoyant, ils ont une autre origine. On voit souvent, lorsque les vents sont violents & contraires, les ouragans élever des tourbillons de sable, de terre, & souvent ils enlevent & transportent dans ce tourbillon les maisons, les arbres, les animaux. Les typhons de mer au contraire restent dans la même place, & ils n’ont pas d’autre cause que celle des feux souterreins ; car la mer est alors dans une grande ébullition, & l’air est si fort rempli d’exhalaisons sulphureuses que le ciel paroît caché d’une croute couleur de cuivre, quoiqu’il n’y ait aucun nuage, & qu’on puisse voir à-travers ces vapeurs le soleil & les étoiles ; c’est à ces feux souterreins qu’on peut attribuer la tiédeur de la mer de la Chine en hiver, où ces typhons sont très-fréquens. Voyez Acta erud. Lips. supplem. tome I. pag. 405. Hist. nat. génér. & part. tome I.

Voici ce que dit Thévenot, dans son voyage du Levant. « Nous vîmes des trombes dans le golfe Persique, entre les îles Quésomo, Laréca, & Ormus. Je crois que peu de personnes ont considéré les trombes avec toute l’attention que j’ai faite, dans la rencontre dont je viens de parler, & peut-être qu’on n’a jamais fait les remarques que le hasard m’a donné lieu de faire ; je les exposerai avec toute la simplicité dont je fais profession dans tout le récit de mon voyage, afin de rendre les choses plus sensibles & plus aisées à comprendre.

» La premiere qui parut à nos yeux étoit du côté du nord ou tramontane, entre nous & l’île Quésomo, à la portée d’un fusil du vaisseau ; nous avions alors la proue à grec-levant ou nord-est. Nous apperçumes d’abord en cet endroit l’eau qui bouillonnoit & étoit élevée de la surface de la mer d’environ un pié, elle étoit blanchâtre, & au-dessus paroissoit comme une fumée noire un peu épaisse, de maniere que cela ressembloit proprement à un tas de paille où on auroit mis le feu, mais qui ne feroit encore que fumer ; cela faisoit un bruit sourd, semblable à celui d’un torrent qui court avec beaucoup de violence dans un profond vallon ; mais ce bruit étoit mêlé d’un autre un peu plus clair, semblable à un sort sifflement de serpens ou d’oies ; un peu après nous vîmes comme un canal obscur qui avoit assez de ressemblance à une fumée qui va montant aux nues en tournant avec beaucoup de vîtesse, ce canal paroissoit gros comme le doigt, & le même bruit continuoit toujours. Ensuite la lumiere nous en ôta la vue, & nous connumes que cette trombe étoit finie, parce que nous vîmes qu’elle ne s’élevoit plus, & ainsi la durée n’avoit pas été de plus d’un demi-quart d’heure. Celle-là finie nous en vîmes une autre du côté du midi qui commença de la même maniere qu’avoit fait la précédente ; presqu’aussi-tôt il s’en fit une semblable à côté de celle-ci vers le couchant, & incontinent après une troisieme à côté de cette seconde ; la plus éloignée des trois pouvoit être à portée du mousquet loin de nous ; elles paroissoient toutes trois comme trois tas de paille hauts d’un pié & demi ou de deux, qui fumoient beaucoup, & faisoient même bruit que la premiere. Ensuite nous vîmes tout autant de canaux qui venoient depuis les nues sur ces endroits où l’eau étoit élevée, & chacun de ces canaux étoit large par le bout qui tenoit à la nue, comme le large bout d’une trompette, & faisoit la même figure (pour l’expliquer intelligiblement) que peut faire la mamelle ou la tette d’un animal tiré perpendiculairement par quelque poids. Ces canaux paroissoient blancs d’une blancheur blafarde, & je crois que c’étoit l’eau qui étoit dans ces canaux transparens qui les faisoit paroître blancs ; car apparemment ils étoient deja formés avant que de tirer l’eau, selon que l’on peut juger par ce qui suit, & lorsqu’ils étoient vuides ils ne paroissoient pas, de même qu’un canal de verre fort clair exposé au jour devant nos yeux à quelque distance, ne paroit pas s’il n’est rempli de quelque liqueur teinte. Ces canaux n’étoient pas droits, mais courbés à quelques endroits, même ils n’étoient pas perpendiculaires, au contraire, depuis les nues où ils paroissoient entés, jusqu’aux endroits où ils tiroient l’eau, ils étoient fort inclinés, & ce qui est de plus particulier, c’est que la nue où étoit attachée la seconde de ces trois ayant été chassée du vent, ce canal la suivit sans se rompre & sans quitter le lieu où il tiroit l’eau, & passant derriere le canal de la premiere, ils furent quelque tems croisés comme en sautoir ou en croix de saint André. Au commencement ils étoient tous trois gros comme le doigt, si ce n’est auprès de la nue qu’ils étoient plus gros, comme j’ai déjà remarqué ; mais dans la suite celui de la premiere de ces trois grossit considérablement ; pour ce qui est des deux autres, je n’en ai autre chose à dire, car la derniere formée ne dura guere davantage qu’avoit duré celle que nous avions vûe du côté du nord. La seconde du côté du midi dura environ un quart-d’heure ; mais la premiere de ce même côté dura un peu davantage, & ce fut celle qui nous donna le plus de crainte, & c’est de celle-là qu’il me reste encore quelque chose à dire ; d’abord son canal étoit gros comme le doigt, ensuite il se fit gros comme le bras, & après comme la jambe, & enfin comme un gros tronc d’arbre, autant qu’un homme pourroit embrasser. Nous voyions distinctement au-travers de ce corps transparent l’eau qui montoit en serpentant un peu, & quelquefois il diminuoit un peu de grosseur, tantôt par le haut tantôt par le bas. Pour-lors il ressembloit justement à un boyau rempli de quelque matiere fluide que l’on presseroit avec les doigts, ou par haut, pour faire descendre cette liqueur, ou par bas, pour la faire monter, & je me persuadai que c’étoit la violence du vent qui faisoit ces changemens, faisant monter l’eau fort vîte lorsqu’il pressoit le canal par le bas, & la faisant descendre lorsqu’il le pressoit par le haut. Après cela il diminua tellement de grosseur qu’il étoit plus menu que le bras, comme un boyau qu’on alonge perpendiculairement, ensuite il retourna gros comme la cuisse, après il redevint fort menu ; enfin je vis que l’eau élevée sur la superficie de la mer commençoit à s’abaisser, & le bout du canal qui lui touchoit s’en sépara & s’étrécit, comme si on l’eût lié, & alors la lumiere qui nous parut par le moyen d’un nuage qui se détourna, m’en ôta la vue ; je ne laissai pas de regarder encore quelque tems si je ne le reverrois point, parce que j’avois remarqué que par trois ou quatre fois le canal de la seconde de ce même côté du midi nous avoit paru se rompre par le milieu, & incontinent après nous le revoyions entier, & ce n’étoit que la lumiere qui nous en cachoit la moitié ; mais j’eus beau regarder avec toute l’attention possible, je ne revis plus celui ci, il ne se fit plus de trombe, &c.

» Ces trombes sont fort dangereuses sur mer ; car si elles viennent sur un vaisseau, elles se mêlent dans les voiles, ensorte que quelquefois elle l’enlevent, & le laissant ensuite retomber, elles le coulent à fond, & cela arrive particulierement quand c’est un petit vaisseau ou une barque, tout-au-moins si elles n’enlevent pas un vaisseau, elles rompent toutes les voiles, ou bien laissent tomber dedans toute l’eau qu’elles tiennent, ce qui le fait souvent couler à fond. Je ne doute point que ce ne soit par de semblables accidens que plusieurs des vaisseaux dont on n’a jamais eu de nouvelles ont été perdus, puisqu’il n’y a que trop d’exemples de ceux que l’on a su de certitude avoir péri de cette maniere ».

On peut soupçonner, dit M. de Buffon, qu’il y a plusieurs illusions d’optique dans les phénomènes que ce voyageur nous raconte ; mais on a été bien aise de rapporter les faits tels qu’il a cru les voir, afin qu’on puisse les vérifier, ou du-moins les comparer avec ceux que rapportent les autres voyageurs ; voici la description qu’en donne le Gentil dans son voyage autour du monde.

« A onze heures du matin, l’air étant chargé de nuages, nous vîmes autour de notre vaisseau, à un quart de lieue environ de distance, six trombes de mer qui se formerent avec un bruit sourd, semblable à celui que fait l’eau en coulant dans des canaux souterreins ; ce bruit s’accrut peu-à-peu, & ressembloit au sifflement que font les cordages d’un vaisseau lorsqu’un vent impétueux s’y mêle. Nous remarquâmes d’abord l’eau qui bouillonnoit & qui s’élevoit au-dessus de la surface de la mer d’environ un pié & demi ; il paroissoit au-delà de ce bouillonnement un brouillard, ou plutôt une fumée épaisse d’une couleur pâle, & cette fumée formoit une espece de canal qui montoit à la nue.

Les canaux ou manches de ces trombes se plioient selon que le vent emportoit les nues auxquelles ils étoient attachés, & malgré l’impulsion du vent, non-seulement ils ne se détachoient pas, mais encore il sembloit qu’ils s’alongeassent pour les suivre, en s’étrécissant & se grossissant à mesure que le nuage s’élevoit ou se baissoit.

Ces phénomènes nous causerent beaucoup de frayeur, & nos matelots au-lieu de s’enhardir, fomentoient leur peur par les contes qu’ils débitoient. Si ces trombes, disoient-ils, viennent à tomber sur notre vaisseau, elles l’enleveront, & le laissant ensuite retomber, elles le submergeront ; d’autres (& ceux-ci étoient les officiers) répondoient d’un ton décisif, qu’elles n’enleveroient pas le vaisseau, mais que venant à le rencontrer sur leur route, cet obstacle romproit la communication qu’elles avoient avec l’eau de la mer, & qu’étant pleines d’eau, toute l’eau qu’elles renfermoient tomberoit perpendiculairement sur le tillac du vaisseau & le briseroit.

Pour prévenir ce malheur on amena les voiles & on chargea le canon ; les gens de mer prétendant que le bruit du canon agitant l’air, fait crever les trombes & les dissipe ; mais nous n’eumes pas besoin de recourir à ce remede ; quand elles eurent couru pendant dix minutes autour du vaisseau, les unes à un quart de lieue, les autres à une moindre distance, nous vîmes que les canaux s’étrécissoient peu-à-peu, qu’ils se détacherent de la superficie de la mer, & qu’enfin ils se dissiperent ». Page 191. tome I.

Il paroit, dit M. de Buffon, par la description que ces deux voyageurs donnent des trombes, qu’elles sont produites, au-moins en partie, par l’action d’un feu ou d’une fumée qui s’éleve du fond de la mer avec une grande violence, & qu’elles sont fort différentes de l’autre espece de trombe qui est produite par l’action des vents contraires, & par la compression forcée & la résolution subite d’un ou de plusieurs nuages, comme les décrit M. Shaw, pag. 56. tom. II.

« Les trombes, dit-il, que j’ai eu occasion de voir, m’ont paru autant de cylindres d’eau qui tomboient des nues, quoique par la réflexion des colonnes qui descendent ou par les gouttes qui se détachent de l’eau qu’elles contiennent & qui tombent, il semble quelquefois, sur-tout quand on est à quelque distance, que l’eau s’éleve de la mer en-haut. Pour rendre raison de ce phénomène, on peut supposer que les nues étant assemblées dans un même endroit par des vents opposés, ils les obligent, en les pressant avec violence, de se condenser & de descendre en tourbillons ».

Il reste beaucoup de faits à acquérir, continue M. de Buffon, avant qu’on puisse donner une explication complete de ces phénomenes ; il paroît seulement que s’il y a sous les eaux de la mer des terreins mêlés de soufre, de bitume & de minéraux, comme l’on n’en peut guere douter, on peut concevoir que ces matieres venant à s’enflammer, produisent une grande quantité d’air, comme en produit la poudre à canon ; que cette quantité d’air nouvellement généré, & prodigieusement rarefié, s’échappe & monte avec rapidité, ce qui doit élever l’eau, & peut produire ces trombes qui s’élevent de la mer vers le ciel ; & de même si par l’inflammation des matieres sulphureuses que contient un nuage, il se forme un courant d’air qui descende perpendiculairement du nuage vers la mer, toutes les parties aqueuses que contient le nuage peuvent suivre le courant d’air, & former une trombe qui tombe du ciel sur la mer ; mais il faut avouer que l’explication de cette espece de trombe, non plus que celle que nous avons donnée par le tournoiement des vents & la compression des nuages, ne satisfait pas encore à tout, car on aura raison de nous demander pourquoi l’on ne voit pas plus souvent sur la terre comme sur la mer de ces especes de trombes qui tombent perpendiculairement des nuages. Hist. nat. gen. & part. tom. I. Voyez l’analyse de l’air de M. Hales, & le traité de l’artillerie de M. Robins.

L’histoire de l’académie, année 1737, fait mention d’une trombe de terre qui parut à Capestan près de Béziers ; c’étoit une colonne assez noire qui descendoit d’une nue jusqu’à terre, & diminuoit toujours de largeur en approchant de la terre où elle se terminoit en pointe ; elle obéissoit au vent qui souffloit de l’ouest au sud-ouest ; elle étoit accompagnée d’une espece de fumée fort épaisse, & d’un bruit pareil à celui d’une mer fort agitée, arrachant quantité de rejetons d’olivier, déracinant des arbres, & jusqu’à un gros noyer qu’elle transporta jusqu’à 40 ou 50 pas, & marquant son chemin par une large trace bien battue, où trois carrosses de front auroient passé. Il parut une autre colonne de la même figure, mais qui se joignit bientôt à la premiere, & après que le tout eut disparu, il tomba une grande quantité de grêle. Ibid.

Cette espece de trombe paroît être encore différente des deux autres ; il n’est pas dit qu’elle contenoit de l’eau, & il semble, tant parce qu’on vient d’en rapporter, que par l’explication qu’en a donnée M. Andoque lorsqu’il a fait part de ce phénomene à l’académie, que cette trombe n’étoit qu’un tourbillon de vent épaissi & rendu visible par la poussiere & les vapeurs condensées qu’il contenoit. Voyez l’hist. de l’académ. an. 1727, pag. 4 & suiv. Dans la même histoire, année 1741, il est parlé d’une trombe vue sur le lac de Genève ; c’étoit une colonne dont la partie supérieure aboutissoit à un nuage assez noir, & dont la partie inférieure, qui étoit plus étroite, se terminoit un peu au-dessus de l’eau. Ce météore ne dura que quelques minutes, & dans le moment qu’il se dissipa on apperçut une vapeur épaisse qui montoit de l’endroit où il avoit paru, & là même les eaux du lac bouillonnoient & sembloient faire effort pour s’élever. L’air étoit fort calme pendant le tems que parut cette trombe, & lorsqu’elle se dissipa il ne s’en suivit ni vent ni pluie. « Avec tout ce que nous savons déjà, dit l’historien de l’académie, sur les trombes marines, ne seroit-ce pas une preuve de plus qu’elles ne se forment point par le seul conflit des vents, & qu’elles sont presque toujours produites par quelque éruption de vapeurs souterreines, ou même de volcans, dont on sait d’ailleurs que le fond de la mer n’est pas exempt. Les tourbillons d’air & les ouragans, qu’on croit communément être la cause de ces phénomenes, pourroient donc bien n’en être que l’effet ou une suite accidentelle. Voyez l’hist. de l’académ. an. 1741. pag. 20 ».