L’Encyclopédie/1re édition/TRISECTION

◄  TRISANTO
TRISIDIS  ►

TRISECTION, s. f. (Géom & Algebr.) division d’une chose en trois parties.

Ce terme est principalement employé en Géométrie pour la division d’un angle en trois parties égales.

La trisection géométrique des angles, telle que les anciens la demandoient, c’est-à-dire en n’employant que la seule regle & le compas, est un de ces problèmes qu’on a cherché en vain depuis plus de deux mille ans, & qui à cet égard, ainsi que la duplication du cube, peut être comparé à la quadrature du cercle.

La solution de ce problème dépend d’une équation du troisieme degré. On en peut voir le calcul & le détail dans différens ouvrages, entr’autres dans l’application de l’Algebre à la Géométrie de M. Guisnei, & dans le dixieme livre des sections coniques de M. le marquis de l’Hôpital. Nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de la donner ici ; mais il sera bien plus utile pour nos lecteurs d’examiner pourquoi ce problème est du troisieme degré.

Soit, fig. 13 d’Algebre, un cercle ACBD ; on propose de diviser en trois parties égales l’arc AB, dont la corde est AB ; on nomme le rayon du cercle r, la corde AB, a, & la corde inconnue AC du tiers de l’arc x ; & on parvient, comme on le peut voir dans les ouvrages cités, à une équation qui monte au troisieme degré, & dans laquelle x a trois valeurs réelles ; par conséquent le problème a trois solutions. Il paroît cependant au premier coup d’œil qu’il devroit n’en avoir qu’une ; car il n’y a certainement qu’une seule & unique valeur possible de la corde AC qui soutend le tiers de l’arc AB. Mais on fera réflexion que l’équation algébrique à laquelle on parvient, ne renferme point les arcs AB, AC, mais simplement leur corde ; & que par conséquent x n’est pas seulement la corde du tiers de l’arc ACB, mais la corde du tiers de tout arc qui a AB pour corde : or tous les arcs qui ont AB pour corde sont, en nommant C la circonférence, les arcs ACB, ACB + c, ACB + 2c, ACB + 3c, ACB + 4c, ACB + 5c, &c.

Et c−ACB ou ADB, 2c−ACB, 3c−ACB, 4c−ACB, &c.

Maintenant je dis que la division de tous ces arcs en trois, fournit trois cordes différentes, & jamais plus de trois. Car 1°. soit le tiers de l’arc ACB, z, le tiers de l’arc ACB + c, y, le tiers de l’arc ACB + 2 c, u, cela donnera trois arcs différens qui auront chacun leurs cordes : voilà donc trois cordes différentes, & par conséquent les trois racines de l’équation. 2°. Il sembleroit d’abord que le tiers des autres arcs doit avoir chacun sa corde, & que par conséquent le problème auroit une infinité de solutions ; mais on remarquera que l’arc ACB + 3c a pour tiers c + z, donc la corde est la même que celle de y ; que l’arc ACB + 4c a pour tiers c + z, dont la corde est la même que celle de y ; que l’arc ABC + 5c a pour tiers c + u dont la corde est la même que celle de u, & ainsi de suite. De même on trouvera que ADB ou c−ACB a pour tiers c−u, parce que 3c−3u = 3c−2c−ABC. Or la corde de c−u est la même que celle de u. Par la même raison la corde du tiers de 2c−ACB sera la même que celle de y, & celle de 3c−ACB la même que celle de z, & ainsi de suite ; donc la division à l’infini de tous ces arcs en trois, donne trois cordes différentes, & n’en donne pas plus de trois. Voilà pourquoi le problème est du troisieme degré.

Si on divisoit un arc en quatre parties, on trouveroit une équation du quatrieme degré, & on pourroit prouver de la même maniere qu’en effet cette division donne quatre cordes différentes, & jamais plus : la division d’un angle en cinq parties égales donnera par la même raison une équation du cinquieme degré, & ainsi de suite. Il nous suffit d’avoir ici mis le lecteur sur la voie, il pourra trouver facilement de lui-même la démonstration générale. Elle est fondée sur ce que l’arc ACB étant divisé en n parties, la corde de la ne partie de nc + ACB sera la même que la corde de la ne partie de ACB. (O)