L’Encyclopédie/1re édition/TRIPLE

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TRIPLE, adj. en Musique, sorte de mesure dans laquelle les mesures, les tems ou les aliquotes des tems se divisent en trois parties égales.

On peut réduire à deux classes générales ce nombre infini de mesures triples, dont Bononcini, Lorenzo, Penna & Brossard, après eux, ont surchargé, l’un son musico prattico, l’autre ses alberi musicali, & le troisieme son dictionnaire ; ces deux classes sont la mesure ternaire ou à trois tems, & la mesure à deux tems ou binaire, dont les tems sont divisés selon la raison sous-triple.

Nos anciens Musiciens regardoient la mesure à trois tems comme beaucoup plus excellente que la binaire, & lui donnoient, à cause de cela, le nom de tems ou mode parfait. Nous avons expliqué aux mots Mode, Prolation, Tems, les différens signes dont ils se servoient pour exprimer ces mesures, selon les diverses valeurs des notes qui les remplissoient ; mais quelles que fussent ces notes, dès que la mesure étoit triple ou parfaite, il y avoit toujours une espece de note qui, même sans point, remplissoit exactement une mesure, & se divisoit en trois autres notes égales, une pour chaque tems. Ainsi dans la triple parfaite, la breve ou quarrée valoit non deux, mais trois semi-breves ou rondes, & ainsi des autres especes de mesures triples. Il y avoit pourtant un cas d’exception ; c’étoit, par exemple, lorsque cette breve étoit précédée ou suivie immédiatement d’une semi-breve ; car alors les deux ensemble ne faisant qu’une mesure juste, dont la semi breve valoit un tems ; c’étoit une nécessité que la breve n’en valût que deux, & ainsi des autres mesures.

C’est ainsi que se formoit les tems de la mesure triple ; mais quant aux subdivisions de ces mêmes tems, elles se faisoient toujours selon la raison sous-double ; & je ne connois point d’anciennes musiques où les tems soient divisés en trois parties égales.

Les modernes ont aussi plusieurs mesures à trois tems de différentes valeurs, dont la plus simple se marque par un 3, & se remplit d’une blanche pointée, faisant une noire pour chaque tems. Toutes les autres sont des mesures appellées doubles, à cause que leur signe est composé de deux chiffres. Voyez Mesures.

La seconde espece de triple est celle qui se rapporte, non au nombre des tems de la mesure, mais à la division de chaque tems en raison sous-triple. Cette mesure est, comme je viens de le dire, de moderne invention, & peut se subdiviser en deux classes ; mesures à deux tems, & mesures à trois tems ; dont les dernieres peuvent être considerées comme mesures doublement triples ; savoir 1°. par les trois tems de la mesure, & 2°. par les trois parties égales de chaque tems.

Les triples de ces dernieres especes s’expriment toutes en mesures doubles.

Voici donc une récapitulation de toutes les mesures triples en usage actuellement : celles que j’ai marquées d’une étoile, sont moins usitées en France.

1°. Triples de la premiere espece, c’est-à-dire dont la mesure est à trois tems, & chaque tems divisé selon la raison soudouble,

* * *
3. 3. 3. 3. 3. 3.
1 2 4 8 16

2°. Triples de la seconde espece, c’est-à-dire dont la mesure est à deux tems, & chaque tems divisé selon la raison sous-triple,

* *
6. 6. 6. 12. 12.
2 4 8 8 16

Ces deux dernieres mesures se battent à quatre tems.

3°. Triples composées, c’est à-dire dont la mesure est à trois tems, & chaque tems encore divisé en trois parties égales,

* *
9. 9. 9.
4 8 16

Voyez au mot Mesure, Planche & fig. des exemples de la plûpart de ces mesures triples. (S)

Triple droit, (Jurisprud.) c’est lorsqu’on paye trois fois le droit. Le double ou triple droit est une peine ordonnée par les édits bursaux, en cas de contravention. (A)

Triple nécessité, (Hist. mod.) suivant les anciennes coutumes d’Angleterre, c’étoit une taxe dont aucune terre ne pouvoit être exempte, & qui avoit pour objet la milice ou la nécessité de fournir des soldats, la réparation des ponts, & l’entretien des châteaux ou forteresses.

Quand les rois donnoient à l’Eglise des terres qu’ils exemptoient de toute charge & de tout service séculier, ils faisoient insérer ces trois exceptions dans les lettres, après la clause de l’exemption. Voyez Pontenage.