L’Encyclopédie/1re édition/TOMBAC

TOMBAC, s. m. (Métallurgie, Chimie & Arts.) c’est un alliage métallique, dont la couleur est jaune & approchante de celle de l’or, & dont le cuivre fait la base. On en fait des boucles, des boutons, des chandeliers, & d’autres ustensiles & ornemens.

On trouve dans un grand nombre de livres différentes manieres de faire du tombac, & l’on y fait entrer quelquefois des substances entierement inutiles, & d’autres qui sont nuisibles ; telles sont le verd-de-gris, l’étain, le vitriol, le mercure, la tutie ou la chaux-de-zinc, le curcuma, &c. on prescrit aussi d’y employer différens sels, tels que le sel ammoniac, la soude, le fiel-de-verre, le borax, le tartre & le nitre, &c. & l’on dit de faire dissoudre ces substances tantôt dans de l’huile, tantôt dans du vinaigre, tantôt dans de l’huile de navette, &c. Sans s’arrêter à faire voir les défauts de la plûpart des procédés que les livres indiquent pour faire le tombac, nous allons donner celui qui nous a paru le plus sûr & le plus raisonnable ; il est tiré des Œuvres chimiques de M. de Justi, publiées en allemand en 1760. Cet auteur examine d’abord quelles doivent être les qualités d’un tombac bien fait. Il trouve 1°. qu’il ne doit être que peu ou point sujet à se couvrir de verd-de-gris, inconvénient qui accompagne toujours le cuivre, & dont il est très-difficile de le dépouiller. 2°. Il doit être d’un grain plus fin & plus compacte que le cuivre, & avoir plus d’éclat que lui. 3°. Il doit être d’un jaune rougeâtre, comme l’or qui est allié avec du cuivre, & non d’un jaune pâle comme le cuivre jaune. 4°. Enfin il faut que le bon tombac ait une certaine ductilité, afin que les ustensiles qui en sont faits ne se cassent point trop aisément, comme cela n’arrive que trop souvent lorsque l’alliage n’a point été fait convenablement.

Cela posé, M. de Justi passe au procédé, & il dit que pour remédier au premier inconvénient, qui est celui du verd-de-gris auquel le cuivre est sujet, il faut enlever à ce métal l’acide qu’il contient. & qui est, selon lui, la cause principale de cette espece de rouille. Pour cet effet, il faut purifier le cuivre, on y parviendra en prenant un quarteron de potasse bien seche, un quarteron de fiel-de-verre, & trois onces de verre blanc ; on pulvérisera ces matieres, on les mêlera ensemble, & on partagera ce mélange en deux parts égales. Alors on mettra une livre & deux onces de cuivre dans un creuset que l’on placera dans un fourneau à vent, on donnera un feu assez violent, vu que le cuivre n’entre que difficilement en fusion. Lorsque ce métal sera fondu, on y joindra peu-à-peu & à différentes reprises la moitié du mélange dont on vient de parler ; on couvrira le creuset, on poussera le feu pendant environ un quart-d’heure ; au bout de ce tems, on vuidera le cuivre fondu dans une lingotiere frottée de suif, ou bien on laissera refroidir le creuset, on le cassera ensuite pour en ôter le cuivre, que l’on séparera des sels qui formeront une espece de scorie à sa surface. On reïtérera la même opération avec l’autre moitié du mélange que l’on avoit mise à part. M. de Justi a trouvé que cette purification rendoit le cuivre beaucoup plus doux, plus ductile & plus brillant. Il assûre que ce métal est dégagé par-là d’une portion de son acide qui, selon lui, produit le verd-de-gris, & il a reconnu par plusieurs expériences que cet acide s’étoit combiné avec les sels alkalis, qu’il avoit employés pour la purification. Dans cette opération, le cuivre ne perd que deux onces de son poids, ainsi il reste encore une livre de cuivre purifié. On fera fondre cette livre de cuivre au fourneau à vent ou à l’aide des soufflets : aussi-tôt qu’il est entré parfaitement en fusion, on lui joindra treize onces de zinc ; on ajoutera en même tems une demi-once de poix-résine ou de suif, afin d’empêcher que le zinc ne se consume avant d’avoir eu le tems de se combiner avec le cuivre ; après quoi, on remue tout le mélange avec une baguette de fer. Comme ces matieres ne tardent point à se consumer, & comme pourtant il est important que le zinc ait le tems de s’incorporer avec le cuivre, on tiendra prêt le mélange suivant, composé de trois onces de flux noir bien sec, fait avec trois parties de tartre crud & une partie de nitre ; on mêle ces deux substances, & on les fait détonner en y jettant un charbon allumé. A trois onces de ce flux noir, on joindra une once de sel ammoniac, une once de potasse, une once de fiel de verre, une demi-once de vitriol verd, deux onces de verre blanc pulvérisé, & une once de limaille de fer qui ait été lavée, & ensuite parfaitement séchée. Chacune de ces substances doit être réduite en une poudre très-fine, après quoi on les mêle soigneusement. Quand ce mélange a été ainsi préparé, on le chauffe, de peur qu’il n’attire l’humidité de l’air, & on en met une cueillerée à-la-fois dans le creuset ; on le recouvre de son couvercle, & l’on donne le feu le plus violent, afin que le tout fonde pendant cinq ou six minutes ; alors on retire le creuset du feu, on le laisse refroidir, & en le cassant on obtient du tombac.

M. de Justi assûre que la limaille de fer contribue beaucoup à la bonté de cet alliage ; selon lui, il le rend plus compacte, d’un grain plus fin & plus aisé à travailler. Lorsqu’on veut en faire des ouvrages, on est obligé de faire fondre le tombac de nouveau ; mais aussi-tôt que cet alliage se fond, il faut y joindre de la poix ou du suif pour empêcher le zinc de se dissiper ; on donnera alors un feu violent, & l’on vuidera promptement le creuset dans des moules que l’on tiendra tout prêts pour lui donner la forme qu’on desire. Cet alliage sera d’une couleur qui approchera beaucoup de celle de l’or, il aura toutes les qualités que l’on a décrites ci-dessus, & aura un certain degré de ductilité, c’est-à-dire il ne sera point sujet à se casser.

On peut faire différentes especes de tombac, suivant les différentes proportions, dans lesquelles on joindra du zinc avec le cuivre. En mettant parties égales de zinc & de cuivre, l’alliage aura une véritable couleur d’or, mais il sera très-cassant. Si l’on y met moins de treize onces de zinc sur une livre de cuivre, ce qui est la dose prescrite dans l’opération qui a été décrite, la couleur du tombac ne sera point si belle à proportion que l’on aura diminué la quantité du zinc. Mais comme bien des ouvriers, pour faire différens ouvrages en tombac, ont besoin qu’il soit ductile & doux, plutôt que d’une belle couleur, voici la composition que M. de Justi leur propose dans ce cas.

On prendra dix onces de cuivre bien pur, & six onces de laiton ou de cuivre jauni par la calamine, on les fera fondre ensemble. Aussi-tôt qu’ils seront entrés en fusion, on leur joindra cinq onces de zinc. On continuera le reste du procédé de la maniere qui a été indiquée pour la premiere opération, c’est-à-dire on y joindra des sels, du verre pulvérisé, &c. avec la seule différence, qu’au-lieu d’un once de limaille de fer, on n’en mettra qu’une demi-once. On aura de cette façon un tombac d’une couleur plus pâle que le précédent, mais il aura l’avantage de pouvoir s’étendre sous le marteau.

A chaque fois que l’on fait fondre le tombac, il perd quelque chose de son éclat & de sa qualité ; cela vient de ce que le feu dissipe une portion du zinc qui entre dans sa composition. C’est-là ce qui cause la diminution que cet alliage souffre dans son poids, qui est à chaque fois d’une ou deux onces par livre de tombac ; ainsi il est à propos de rajouter à chaque livre de cet alliage deux onces de zinc & un gros de limaille de fer, chaque fois qu’on fait fondre ; il sera aussi très-bon d’y joindre en même tems de la poix ou du suif. (—)

Tombac blanc, (Métallurgie.) c’est le nom qu’on donne quelquefois à une composition métallique blanche, & qui par sa couleur a quelque ressemblance avec l’argent, c’est du cuivre blanchi par l’arsenic.

On trouve plusieurs manieres de faire cette composition. Voici celle que donne Stahl dans son Introduction à la Chimie. Faites fondre quatre onces de cuivre, auquel vous joindrez ensuite une demi-once d’arsenic fixé par le nitre, & qui sera empâté dans de la terre grasse humectée par de l’eau de chaux, dont on aura formé une ou deux boules. Laissez le tout en fusion environ pendant un quart d’heure. Prenez bien garde qu’il ne tombe point de charbons dans le creuset. Au bout de ce tems, vuidez le creuset, & examinez la couleur que cette composition tracera sur une pierre de touche : & voyez si elle souffre le marteau. Si elle n’avoit point de ductilité convenable, il faudroit la remettre en fusion pendant quelque tems avec du verre pilé, ou avec un peu de nitre. Si on joint à cette composition la moitié ou le tiers d’argent, sa couleur blanche ne s’altérera point.

Autre maniere. Prenez une demi-livre de lames de cuivre. Plus, prenez de sel ammoniac, de nitre & de tartre de chacun une demi-once, de mercure sublimé deux gros. Stratifiez ces substances dans un creuset, & faites fondre le mélange à un feu très-fort. Réitérez la même opération à plusieurs reprises, à la fin le cuivre deviendra blanc comme de l’argent.

Autre. Prenez d’arsenic blanc une demi-livre ; de nitre & de sel ammoniac, de chacun quatre onces ; de borax & de fiel de verre, de chacun deux onces. Réduisez le tout en poudre. On prendra une once de ce mélange, que l’on joindra avec quatre onces de cuivre, avec lequel on le fera fondre ce qui le rendra blanc.

Autre. Prenez d’arsenic blanc, de mercure sublimé & d’argent, de chacun une once. On fera dissoudre chacune de ces substances séparément dans de l’eau-forte ; après quoi, on mêlera ensemble toutes ces dissolutions ; on enlevera par la distillation le superflu de la dissolution, jusqu’à ce que ce qui reste devienne trouble ; alors on y mettra de l’huile de tartre par défaillance jusqu’à saturation, il se fera un précipité que l’on séchera. On prendra une once de ce précipité, que l’on fera fondre avec une livre de cuivre qui en deviendra d’un très-beau blanc.

Autre. Mettez dans un creuset une once d’arsenic blanc, deux onces de sel marin, deux onces de nitre, une once de potasse, on mêlera bien toutes ces substances ; après quoi, on mettra le creuset dans le feu sous une cheminée qui attire bien ; on l’y laissera jusqu’à ce qu’il n’en parte plus de vapeurs qui sont très dangereuses. On prendra une once de cette matiere qui sera restée dans le creuset, que l’on joindra avec quatre onces de lames de cuivre coupées par petits morceaux, & que l’on aura fait fondre dans un autre creuset ; on remuera bien le tout, & l’on y ajoutera deux onces de cuivre jaune réduit en lames très minces ; on remuera de nouveau, & lorsque tout sera parfaitement entré en fusion, on mettra dans le creuset deux onces d’argent fin. Lorsque tout sera fondu, on remuera encore avec une verge de fer bien échauffée, & l’on vuidera le creuset dans une lingotiere. L’on aura par ce moyen une composition métallique très-malléable, & qui ressemblera beaucoup à de l’argent.

Autre. Faites fondre dans un creuset deux onces d’argent ; lorsqu’il sera parfaitement fondu, joignez-y quatre onces de cuivre jaune qui a été rougi & éteint deux ou trois fois dans de fort vinaigre. Faites fondre le tout de nouveau, alors joignez-y de sel marin décrépité, de borax, de nitre & d’arsenic blanc, de chacun une demi-once. Faites fondre de nouveau le tout pendant une heure, & alors vous vuiderez votre creuset. (—)