L’Encyclopédie/1re édition/THERMALES

THERMALES, adj. (Médecine.) les eaux chaudes tirent leur vertu d’un mélange de feu & de soufre, qui se trouvent dans les mines voisines des sources, joint à un alkali qui divise ces minéraux & les étend dans l’eau, les y rend miscibles & leur en communique la faculté & les vertus ; les différentes indications dans les maladies se réduisent à lever les obstructions, à corriger les humeurs peccantes, à rétablir la force des fibres, & à chasser tout ce qui nuit à la constitution : on ne peut mieux y satisfaire que par l’usage des eaux chaudes, puisqu’elles ont la vertu d’inciser, de résoudre, & de fondre les humeurs qui croupissent : car elles débouchent les vaisseaux, elles émoussent & corrigent les humeurs acides & salines logées dans les premieres voies ; elles divisent la mucosité gluante du sang, délaient les sucs cruds & mal digerés ; elles absorbent, enveloppent les parties salines avec lesquelles ils sont mêlés ; elles rétablissent l’action & le jeu des solides, & par-là elles augmentent la circulation du sang, hâtent les secrétions & les excrétions en général & en particulier ; elles sont salutaires dans la phthisie & la cacochymie, dans les maladies de l’estomac, telles que sa bouffissure, son relâchement, le défaut d’appétit, la pesanteur comme dans le cochemar ; elles soulagent & arrêtent le vomissement ordinaire & journalier ; elles arrêtent les chutes de l’anus ; elles calment le ténesme. Elles peuvent aussi soulager dans la cachexie, le scorbut, & les fievres quartes rebelles.

On emploie avec succès les eaux thermales, pour appaiser les hémorrhagies dans plusieurs cas, soit du poumon, soit des hémorrhoïdes ou de la matrice ; & lorsque les écoulemens périodiques sont arrêtés, rien n’est plus propre pour les rétablir, que ces mêmes eaux.

Elles nettoient les conduits urinaires, & préviennent la gravelle, la pierre, & la dysurie ; elles sont bonnes dans les abscès des reins, de l’uretere, & de la vessie, mais avec certaines précautions.

Quant aux maladies du poumon, elles rendent la respiration plus libre, en débarrassant les bronches de la lymphe visqueuse, dans l’asthme, la fausse péripneumonie, & la phthisie, sur-tout lorsque ces maladies sont produites par l’obstruction & la lenteur des humeurs ; aussi le célebre Morthon ordonne-t-il les eaux thermales dans la phthisie, & d’autres remedes qui agissent en suivant les mêmes indications.

Si le savon est un grand remede dans les maladies arthritiques, on peut dire que les eaux chaudes étant sulphureuses & savonneuses, sont bonnes dans les différentes especes de gouttes, telles que la sciatique, le rhumatisme, soit prises intérieurement, soit appliquées au-dehors en bains, en douches, ou en fomentations.

Elles sont aussi émollientes & résolutives pour les tumeurs dures & skirrheuses ; elles fortifient aussi les fibres relâchées, tandis qu’elles relâchent celles qui sont affectées de spasme, ce qui fait que ces eaux sont très bonnes dans la paralysie & la contraction convulsive des membres.

Comme elles détergent & nettoient les conduits excrétoires, elles soulagent dans nombre de maladies cutanées, comme la gale, la gratelle, & la lepre, elles sont efficaces dans les obstructions des glandes de la peau, dans la suppression de la transpiration, dans la dureté & la rigidité de la peau.

Mais comme les remedes les plus salutaires nuisent souvent, sur-tout si les visceres sont affectés, de même les eaux chaudes sont préjudiciables dans certaines maladies de la tête, de la poitrine, & du bas ventre, comme les skirrhes, les tubercules, ou lorsque ces parties, ou leurs viscères sont ulcerés ou affectés d’un empieme.

L’usage de ces eaux est aussi préjudiciable à ceux qui sont disposés à l’apoplexie, à la migraine, à l’épilepsie, aux mouvemens convulsifs, aux polypes, & aux anévrismes, elles nuisent dans les hydropisies, dans les phthisies confirmées, dans les cancers, dans les ulcères phagédéniques.

Lorsqu’il y a des inflammations externes ou internes, on doit les éviter jusqu’à ce que les maladies soient fort calmées.

L’usage de ces eaux, soit intérieur, soit extérieur, demande l’administration des remedes généraux. 1°. la saignée est nécessaire dans les pléthoriques, & dans ceux qui ont le sang épais, pour diminuer la résistance qu’il opposeroit à leur action.

2°. Les purgatifs doivent précéder, de peur que les eaux n’entrainent avec elles la matiere des premieres voies, dans les troisiemes voies. Les purgatifs conviennent aussi au milieu & à la fin de leur usage ; mais il faut que ce soit des minoratifs, autrement ils ne disposeroient pas efficacement à l’action des eaux chaudes.

3°. Si on boit les eaux, il faut commencer par de légeres doses, que l’on augmentera par degré, pour y accoutumer l’estomac peu-à-peu ; l’exercice & le régime sont absolument nécessaires, selon la dose & la quantité des eaux ; les fruits sur-tout, & le vin doivent être évités.

4°. Les passions lentes, & les violentes, telles que le chagrin & la colere, sont également contraires dans leur usage ; il faut éviter de les ordonner aussi aux personnes qui sont disposées à ces passions, attendu que leur constitution est trop roide ou trop foible.

5°. Il faut prendre garde de prendre le bain trop chaud, ou de boire les eaux trop chaudes ; mais on ne peut faire de regles précises à ce sujet ; la chaleur externe ou interne que cette pratique causeroit dans le corps, produiroit un mouvement d’expansion trop violent dans le sang & dans les humeurs, ce qui ne manqueroit pas d’attirer des inflammations, des douleurs de tête, & des constrictions spasmodiques, avec des anxiétés dans les visceres du bas ventre.

6°. Ce n’est pas tout d’approprier les différentes especes d’eaux thermales aux maladies ; il faut avoir égard aux fibres & à la différence de leur tissu : car dans le cas de fibres tendres & délicates, il faut emploier des eaux chaudes douces, émollientes, & qui soient peu actives ; cela a sur-tout lieu pour les eaux dures que l’on emploie dans les bains, comme leur pression est violente, elles produiroient des effets dangereux pour les entrailles.

C’est ainsi qu’entre les plus fameuses eaux thermales, celles d’Aix-la-chapelle sont les plus fortes & les plus purgatives, de sorte qu’elles ne conviennent qu’à des estomacs capables d’en supporter la chaleur & le dégoût. Les eaux de Bourbon tiennent le milieu entre ces premieres & celles de Bath ; elles sont moins chaudes, moins degoûtantes & moins purgatives. Celles de Bath contiennent moins de soufre & plus de feu que les deux autres ; elles ne purgent point, à moins qu’on ne les prenne avec trop de précipitation, ou en trop grande quantité.