L’Encyclopédie/1re édition/THAMISE

THAMMUZ  ►

THAMISE, la, (Géog. mod.) les François écrivent à tort Tamise, riviere d’Angleterre, la plus considérable de toute la Grande-Bretagne ; elle se forme de deux rivieres, qu’on appelle Thame & Isis, qui se joignent près de Dorchester, dans Oxfordshire : delà elle coule à l’est, séparant la province de Buckingham de Berkshire, Midelesex d’avec Surrey, & Essex d’avec Kent. Dans son cours elle passe auprès de Windsor, à Kingston, à Londres, à Barking dans Essex, & à Gravesend dans Kent ; enfin elle se décharge dans la mer d’Allemagne par une très-grande embouchure.

C’est la riviere la plus avantageuse de l’Europe pour la navigation. Son courant est aisé, ses marées sont commodes, & son eau se purifiant par la fermentation dans les voyages de long cours, devient bonne à boire quand on en a le plus de besoin : c’est à cette riviere qu’est dûe la grandeur & l’opulence de Londres.

Quelle incomparable puissance
Fait fleurir sa gloire au-dehors ?
Quel amas d’immenses trésors
Dans son sein nourrit l’abondance ?
La Thamise, reine des eaux,
Voit ses innombrables vaisseaux
Porter sa loi dans les deux ondes,
Et forcer jusqu’aux dieux des mers,
D’enrichir ses rives fécondes,
Des tributs de tout l’univers.

La marée monte jusqu’à cent milles depuis l’embouchure de ce fleuve, c’est-à-dire environ vingt milles plus haut que Londres. Il y a plus de trente mille matelots qui subsistent du commerce de cette seule riviere, & Londres éprouve chaque jour les avantages infinis qu’elle lui procure.

Sur un refus que cette capitale avoit fait à Jacques I. du prêt d’une grosse somme, ce roi piqué, menaça le maire & les échevins de s’éloigner de leur ville, & de transporter dans un autre lieu les archives du royaume, ainsi que toutes les cours de justice. « Sire, répondit le maire, votre majesté fera ce qu’il lui plaira, & Londres lui sera toujours soumise ; une seule chose nous console, c’est que votre majesté ne sauroit transporter la Thamise avec elle ».

Le chevalier Derham a fait à la louange de cette riviere un très-beau morceau de poésie, qu’on peut voir dans ses ouvrages ; il commence par le vers suivant.

Thames, the most lov’d of all the Ocean’s fons, &c.

M. Thompson parle aussi de la Thamise en ces termes magnifiques : « Belle Thamise, vaste, douce, profonde, & majestueuse reine des fleuves, tu fus destinée à faciliter ton premier ressort, le commerce ! c’est sur tes bords qu’on voit s’élever une foule de mâts, semblables à une forêt dans l’hiver ; les ancres se levent, les voiles se guindent, le navire s’ébranle ; la splendide berge voguant tout-autour, étend ses rames semblables à des aîles ; les cris du départ se répandent & font retentir la rive ; le vaisseau fend les ondes & va porter au-loin la gloire & le tonnerre britannique ». (Le chevalier de Jaucourt.)