L’Encyclopédie/1re édition/TERREUR

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TERREUR, s. f. (Gram.) grand effroi causé par la présence ou par le récit de quelque grande catastrophe.

Il semble assez difficile de définir la terreur ; elle semble pourtant consister dans la totalité des incidens, qui en produisant chacun leur effet, & menant insensiblement l’action à sa fin, opere sur nous cette appréhension salutaire, qui met un frein à nos passions sur le triste exemple d’autrui, & nous empêche par-là de tomber dans ces mêmes malheurs, dont la représentation nous arrache des larmes ; en nous conduisant de la compassion à la crainte, elle trouve un moyen d’intéresser notre amour-propre par un sentiment d’autant plus vif du contre-coup, que l’art de la poésie ferme nos yeux sur une surprise aussi avantageuse, & fait à l’humanité plus d’honneur qu’elle ne mérite.

On ne peut trop appuyer sur les beautés de ce qu’on appelle terreur dans le tragique. C’est pourquoi nous ne pouvons manquer d’avoir une grande opinion de la tragédie des anciens : l’unique objet de leurs poëtes étoit de produire la terreur & la pitié. Ils choisissoient un sujet susceptible de ces deux grandes passions, & le façonnoient par leur génie. Il semble même que rien n’étoit plus rare que de si beaux sujets ; puisqu’ils ne les puisoient ordinairement que dans une ou deux familles de leurs rois. Mais c’est triompher de l’art que de réussir en ce genre, & c’est ce qui fait la gloire de M. Crébillon sur le théâtre françois. Toute belle qu’est la description de l’enfer par Milton, bien des gens la trouvent foible auprès de cette scène de Hamlet, où le phantome paroît. Il est vrai que cette scène est le chef d’œuvre du théâtre moderne dans le genre terrible : elle présente une grande variété d’objets, diversifiés de cent façons différentes, toutes plus propres l’une que l’autre à remplir les spectateurs de terreur & d’effroi. Il n’y a presque pas une de ces variations qui ne forme un tableau, & qui ne soit digne du pinceau d’un Caravage. (D. J.)

Terreur, (Mythol.) divinité du paganisme. Hésiode dans sa théogonie, dit que la terreur & la crainte étoient nées de Mars & de Vénus. Lorsqu’Homere decrit les armes de Minerve allant au secours de Diomede & des Grecs, il met sur son égide la Peur, la Discorde, la Terreur & la Mort. Dans le liv. II. où il décrit le bouclier d’Agamemnon qui se prépare au combat, il dit qu’au milieu de ce bouclier étoit gravé en relief l’épouvantable Gorgone accompagnée de la Terreur & de la Fuite. Dans le XV, lorsque Mars apprend par le récit de Junon que l’on a tué son fils Ascalaphe, ce dieu ému de colere ordonne à la Terreur & à la Fuite d’atteler son char. (D. J.)