L’Encyclopédie/1re édition/SCILLE

◄  SCILLA

SCILLE, s. f. (Hist. nat. Botan.) nous prononçons squille. Linnæus en fait un genre distinct de plante, ayant les caracteres suivans : il n’y a point de calice ; la fleur est à six pétales, ovoïdes, ouverts, & qui tombent ; les étamines forment six filets à pointe aiguë, & qui n’ont que la moitié de la longueur de la fleur ; leurs bossettes sont oblongues ; le germe du pistil est arrondi ; le stile est simple, de la longueur des étamines, & ne subsiste pas ; le stigma est simple ; le fruit est une capsule lisse, de forme presque ovale, sillonnée de trois raies, formée de trois valvules, & contenant trois loges ; les graines sont nombreuses & rondelettes.

Cette plante est rangée par Tournefort sous le genre étendu des ornithogales. Il y a deux especes de scilles connues dans les boutiques par leurs grosses racines bulbeuses, on les nomme scille rouge & scille blanche.

La scille rouge est ornithogalum maritimum, seu scilla radice rubrâ, I. R. H. 381.

Sa racine est un oignon ou une bulbe, grosse comme la tête d’un enfant, composé de tuniques épaisses, rougeâtres, succulentes, visqueuses, rangées les unes sur les autres, garnies en-dessous de plusieurs grosses fibres. Elle pousse des feuilles longues de plus d’un pié, larges presque comme la main, charnues, vertes, pleines de suc visqueux & amer. Il s’éleve de leur milieu une tige à la hauteur d’environ un pié & demi, approchante de celle de l’asphodele, droite, laquelle soutient en sa sommité des fleurs à six feuilles, blanches, sans calice, disposées en rond, qui s’ouvrent successivement, avec autant d’étamines à sommets oblongs. Lorsque ces fleurs sont passées, il leur succede des fruits presque ronds, relevés de trois coins, & divisés intérieurement en trois loges, qui renferment plusieurs semences arrondies & noires. Sa racine est seule d’usage ; elle est estimée détersive, incisive, & apéritive.

La scille blanche, ornithogalum maritimum, seu scilla, radice albâ, I. R. H. 381, ne differe de la rouge que par la couleur de la racine, & pour être moins grosse que la précédente. (D. J.)

Scille, (Mat. méd.) grande scille ou squille, blanche & rouge, oignon marin ; on se sert indifféremment en médecine de la scille rouge & de la blanche.

C’est le bulbe ou racine de cette plante, qui est proprement connue dans les boutiques sous le nom de scille : & c’est aussi cette partie qu’on y employe uniquement.

La scille est un remede ancien : Dioscoride, Pline, & Galien, la recommandent comme propre à faire couler les urines & les menstrues, & à dissiper les embarras du foie & des visceres du bas-ventre. Leur usage est presque borné aujourd’hui aux maladies catharreuses de la poitrine, telles que ce crachement abondant & incommode qui est connu dans le langage ordinaire sous le nom de pituite, les toux humorales, l’asthme humide, &c. à l’hydropisie commençante, & aux bouffissures des membres. On ne prescrit point ordinairement de préparation magistrale de ce remede ; mais on en garde chez les Apoticaires plusieurs préparations officinales : savoir le vin scillitique, le vinaigre scillitique, le miel scillitique, l’oximel scillitique, & les trochisques scillitiques.

Le vin scillitique se prépare en faisant infuser au bain-marie pendant douze heures une once de scilles seches & hachées menu dans une livre de vin d’Espagne, qu’on passe ensuite au papier gris : il est beaucoup moins usité que le vinaigre ; on peut l’employer aux mêmes usages & à la même dose.

Le vinaigre scillitique se fait en faisant infuser pendant quarante jours au soleil d’été dans un matras bien bouché, huit onces de scilles seches dans six livres de fort vinaigre. Il faut ensuite passer la liqueur & exprimer le marc, puis laisser dépurer le vinaigre par la résidence, le décanter, & le garder pour l’usage. La dose en est depuis une once jusqu’à trois ; on s’en sert principalement dans les gargarismes contre l’esquinancie œdémateuse, & la fausse inflammation des amygdales.

L’oximel scillitique n’est autre chose que du vinaigre scillitique, dans lequel on a fait fondre par le secours d’une légere chaleur, du miel blanc jusqu’à saturation, c’est-à-dire, autant qu’il en peut dissoudre. On le donne depuis demi-once jusqu’à une once.

Le miel scillitique se prépare avec la décoction de deux onces de scille seche dans trois livres d’eau commune, dans laquelle on fait fondre une livre & demie de miel blanc qu’on clarifie & qu’on cuit en consistence de syrop dans un vaisseau de fayence ou de porcelaine. Ce remede qui est beaucoup moins usité que l’oximel, peut se donner jusqu’à la dose d’une once.

Les trochisques de scille se préparent ainsi : prenez du cœur, moëlle ou milieu de scille cuite, douze onces ; de farine d’ers blanc tamisée, huit onces : battez-les ensemble dans un mortier de marbre avec un pilon de bois, & formez-en des trochisques du poids d’un gros, que vous sécherez à une chaleur légere : la dose en est depuis un scrupule jusqu’à deux.

La dessication & la cuite de la scille dont nous venons de faire mention, s’exécutent de la maniere suivante : savoir la dessication, en prenant les feuilles ou écailles qui se trouvent entre la peau & le cœur, les enfilant avec une petite ficelle, de maniere qu’elles soient bien séparées les unes des autres, & les exposant au soleil le plus ardent, ou dans une étuve très-chaude.

Pour faire la cuite des scilles, on les prend fraîches ; on les dépouille de leur peau & écaille extérieure ; on les recouvre chacune séparément d’une bonne couche de pâte ; on les fait cuire ensuite dans un four de boulanger jusqu’à ce qu’une paille les pénetre facilement. Alors on les dépouille de la croute qui s’est formée dessus ; on les monde des petites peaux ; on les pile, & on les passe au tamis.

Les trochisques de scille entrent dans la thériaque, & le vinaigre scillitique dans l’emplâtre de ciguë. (b)