L’Encyclopédie/1re édition/PLUTON

PLUTON, s. m. (Mytholog.) roi du vaste empire ténébreux, dont tous les hommes doivent un jour devenir les sujets. Du monarque du sombre bord, Tout ce qui vit sent la puissance ; Et l’instant de notre naissance Fut pour nous un arrêt de mort. Pluton, fils de Saturne & de Rhéa, étoit le plus jeune des trois freres Titans. Il fut élevé par la Paix ; on voyoit à Athènes une statue où la Paix allaitoit Pluton, pour faire entendre que la tranquillité regne dans l’empire des morts.

Dans le partage du monde, les enfers furent assignés à Pluton ; c’est-à-dire, selon plusieurs mythologues, qu’il eut pour sa part du vaste empire des Titans, les pays occidentaux qui s’étendoient jusqu’à l’Océan, que l’on croit être beaucoup plus bas que la Grece.

D’autres s’imaginent que Pluton s’appliqua à faire valoir les mines d’or & d’argent qui étoient dans l’Espagne, où il fixa sa demeure ; & comme les gens destinés à ce travail, sort obligés de fouiller bien avant dans la terre, & pour ainsi dire jusqu’aux enfers, on débite que Pluton habitoit au centre de la terre. Ajoutons que ceux qui travaillent aux mines, ne vivent pas long-tems, & meurent assez souvent dans leurs souterreins ; ainsi Pluton pouvoit être regardé comme le roi des morts.

On donne plusieurs noms à ce dieu : les uns l’appellent Adès ou Aédès ; les Latins, Pluto, Diopater, ou Diospater, Jupiter infernal, Aédoneus, Orcus. Les cyclopes lui donnerent un casque, célebre dans la fable par sa vertu merveilleuse ; c’est que quiconque l’avoit sur la tête, voyoit tout le monde, & n’étoit vu de personne : Homere dit que Pallas elle-même en fit usage, pour se dérober aux yeux de Mars ; Ovide le fait prêter à Persée dans une expédition contre Méduse & contre Phinée. Il y a bien de l’apparence que c’est ce casque qui depuis a donné aux poëtes & aux romanciers, l’idée de ces nuages & de ces armes enchantées qui rendent les heros invisibles, & leur laissent la liberté de voir.

Comme Pluton étoit difforme, & que son empire respiroit la tristesse, il ne trouva point de femme qui voulût le partager avec lui : il fut donc obligé d’user de surprise, & d’enlever de force celle qui n’auroit jamais voulu de lui, si on l’avoit laissée à sa liberté.

On appelloit Pluton, summanus, c’est-à-dire summus manium, le souverain des manes ou des ombres ; & les anciens lui dévouoient leurs ennemis.

Il étoit représenté dans un char tiré par quatre chevaux noirs, dont les noms sont, selon Claudien, Orphnéus, Æthon, Nyctéus & Alastor, noms qui marquent tous quelque chose de ténébreux & de funeste ; son sceptre est un bâton à deux pointes ou à deux fourches, à la différence du trident de Neptune, qui avoit trois pointes. Quelquefois on mettoit des clefs auprès de lui, pour signifier que son royaume étoit si bien fermé, qu’on n’en revenoit jamais.

Ce dieu étoit généralement haï, ainsi que tous les dieux infernaux, parce qu’on le croyoit inflexible, & qu’il ne se laissoit jamais toucher aux prieres des hommes. C’est pour cela qu’on ne lui érigeoit ni temple, ni autel, & qu’on ne composoit point d’hymne en son honneur.

On ne lui immoloit que des victimes noires, & la victime la plus ordinaire étoit le taureau. La principale cérémonie dans ses sacrifices, consistoit à repandre le sang des victimes dans des fosses près de l’autel, comme s’il avoit dû pénétrer jusqu’au royaume sombre de ce dieu. Tout ce qui étoit de mauvais augure, lui étoit spécialement consacré, comme le second mois de l’année, le second jour du même mois ; aussi le nombre deux passoit pour le plus malheureux des nombres.

Tous les Gaulois se vantent, dit César dans ses Commentaires, de descendre de Pluton, suivant la doctrine de leurs druides ; c’est pourquoi ils comptent les espaces du tems, non par les jours, mais par les nuits : les jours de la naissance, les mois & les années commencent chez eux par la nuit, & finissent par le jour. Il faut que Pluton ait été un des principaux dieux des anciens Gaulois, quoique César ne le dise pas, puisqu’ils le croyoient leur pere, & se glorifioient de lui devoir leur origine.

On mettoit sur le compte de Pluton, les tonnerres qui grondoient pendant la nuit. Sa fête suivoit immédiatement celle des saturnales ; elle étoit appellée sigillaire, à cause de petites figures qu’on prenoit soin de lui offrir.

Epiménide fit poser dans le temple des Euménides, les statues de Pluton, de Mercure & de la Terre ; elles étoient d’une forme agréable, dit Pausanias. Chacune d’elles étoit placée sur un autel différent.

Au revers d’une médaille de Gordien Pie, on voit une figure de Jovis ditis, double divinité adorée sous la forme d’une seule ; laquelle représentoit d’un côté Jupiter, qui commande au ciel & à la terre, & de l’autre, le dieu Plutus ou Pluton qui préside aux enfers, & à tous les lieux souterreins, sur-tout aux mines : c’est aussi à cause de ces deux différens rapports, qu’on représente ce dieu sur d’autres médailles, tantôt avec un aigle à la main droite, tantôt avec cerbere à ses piés. (D. J.)