L’Encyclopédie/1re édition/PIE-MERE

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PIE-MERE, s. f. (Anat.) c’est une tunique ou une membrane fine, qui enveloppe immédiatement le cerveau. Voyez Meninge & Cerveau.

On peut juger de l’extrème délicatesse de la pie-mere lorsque les vaisseaux sont remplis, car lorsqu’ils sont vuides, on les prend pour des vaisseaux de cette membrane, & ils en augmentent l’épaisseur. C’est le propre & la plus proche enveloppe du cerveau, elle revêt toutes ces plus petites parties internes, le corps calleux, les ventricules, les corps cannelés, les couches des nerfs optiques, les natès & testès, les péduncules du cerveau ; enfin il n’est pas un seul point de la substance corticale, ou qui laisse passer des vaisseaux dans le cerveau, qui n’en soit très-exactement couvert. Elle suit toutes les circonvolutions de la substance corticale jusqu’à la moëlle où l’arachnoïde ne forme qu’un pont sur les sillons qu’elle rejoint ainsi. Par-tout elle est d’une délicatesse accompagnée de quelque solidité ; & outre ses arteres & ses veines, elle a sans doute un tissu membraneux propre, qui sert à unir & à assujettir les vaisseaux : ce tissu a été regarde par quelques-uns comme cellulaire, tel est Bergen qui ne reconnoît de vraie membrane que l’arachnoïde. Voyez Calleux, Ventricule, &c.

Leuwenhoeck nous a appris que la pie-mere donne au cerveau des vaisseaux sanguins, qui semblent à la vûe seule remplis d’un petit nombre de globules, qui envoient latéralement un nombre innombrable de petits conduits paralleles (que cet auteur prend pour les fibres du cerveau), & qui, selon lui, sont retenus par de fines membranes, sont ronds, ridés, quatre fois plus gros que des fibres de chair de bœuf, de la même grosseur dans le rat, le cochon, le passereau & le bœuf, s’écartant tous de la même maniere pour se rapprocher ensuite ; qu’il en distilloit une liqueur crystalline, dont les plus grandes particules qui sont en petit nombre sont égales à un globule rouge, les autres à de ce même globule, d’autres à-peine du même ; elles sont néanmoins toujours un peu rouges : toutes particules qui étoient contenues dans les plus petits vaisseaux de la substance corticale, qui n’est qu’un amas de vaisseaux cotonneux sanguins qui partent de la partie interne de la pie-mere, tant dans la moëlle alongée, que dans le cervelet & dans la moëlle épiniere.

Quelquefois elle peut devenir calleuse, & alors produire la manie par sa callosité. On en trouve une observation curieuse dans les essais de Médecine d’Edimbourg.

Un jeune homme âgé de vingt-cinq ans, qui avoit naturellement l’air sombre & mélancholique, se plaignoit depuis quatre ans d’un poids au-dessus de la tête qui augmentoit de plus en plus. Cette pesanteur étoit quelquefois accompagnée de vertiges qui le jettoient dans des accès de foiblesse, où il restoit souvent pendant un tems considérable privé de tous ses sens ; enfin il devint égaré, & tomba dans une fureur maniaque. Après avoir tenté différens remedes pour le guérir, on lui fit l’opération du trépan, mais inutilement, car il mourut au bout de dix jours.

En ouvrant le crâne, on ne remarqua rien qui fût contre-nature à la dure-mere ; mais on trouva la pie-mere dure, calleuse, & ayant en quelques endroits le double de l’épaisseur de la dure-mere. On n’y voyoit aucune apparence de vaisseaux, & on la coupoit comme si c’eût été une corne tendre. La substance corticale du cerveau, couverte par cette pie-mere épaisse, étoit beaucoup plus blanche que dans l’état naturel, & il n’y paroissoit guere de vaisseaux sanguins. En écartant les deux hémispheres du cerveau, on trouva que la portion de la pie-mere qui étoit contiguë à la faulx, étoit altérée de la même maniere. Les ventricules du cerveau étoient fort distendus, & pleins de sérosités. (D. J.)