L’Encyclopédie/1re édition/PÉLAGIENS

PÉLAGIENS, (Théolog.) anciens hérétiques ainsi nommés de Pélage leur chef, & fort connus dans l’Eglise par les écrits de S. Augustin.

Pélage, auteur de cette secte, étoit anglois. On prétend que son nom anglois étoit Morgan, qui signifie mer, que l’on a rendu en grec & en latin par celui de Pélage. Il étoit moine, mais on ne sait pas certainement s’il avoit embrassé ce genre de vie en Angleterre ou en Italie. Les Anglois prétendent qu’il avoit été moine du monastere de Banchor, sans décider si c’étoit de celui qui est situé dans le pays de Galles ou d’un autre de même nom qui étoit en Irlande. On ajoute qu’il passa en Orient, où il commença à semer ses erreurs sur la fin du quatrieme siecle ; d’autres disent qu’il vint à Rome & qu’il y dogmatisa au commencement du cinquieme.

On peut rapporter à trois principaux chefs, les erreurs de Pélage & de ses disciples. Elles rouloient ; 1°. sur le péché originel ; 2°. sur les forces du libre arbitre ; 3°. sur la nature, l’existance & la nécessité de la grace

Quant au premier article, Pélage enseignoit que nos premiers parens Adam & Eve avoient été créés mortels, que leur prévarication n’avoit nui qu’à eux-mêmes, & nullement à leur postérité. 2°. Que les enfans qui naissent sont dans le même état où étoient Adam & Eve avant leur péché ; 3°. que ces enfans, quand même ils ne seroient pas baptisés auroient la vie éternelle, mais non pas le royaume des cieux ; car ils mettoient entre ces deux choses une distinction qu’eux seuls apparemment se piquoient d’entendre.

Quant au libre arbitre, ils prétendoient qu’il étoit aussi entier, aussi parfait, & aussi puissant dans l’homme, qu’il l’avoit été dans Adam avant sa chûte ; 2°. que par les propres forces du libre arbitre, l’homme pouvoit parvenir à la plus haute perfection, vivre sans passions déréglées & même sans péché ; 3°. Julien un des sectateurs de Pélage, ajoutoit que par les seules forces du libre arbitre, les infideles pouvoient avoir de véritables vertus qui les rendissent parfaitement bons & justes, non-seulement dans l’ordre moral & naturel, mais encore dans l’ordre surnaturel.

Quant à la grace ; Pélage soutint d’abord que les forces naturelles du libre arbitre suffisoient pour remplir tous les commandemens de Dieu, vaincre les tentations ; en un mot, opérer toutes sortes de bonnes œuvres dans l’ordre du salut. Mais attaqué de toutes parts & poussé vivement par les Catholiques, il admit d’abord des graces extérieures, comme la loi, la prédication de l’Evangile, les exemples de Jesus-Christ. Il alla ensuite jusqu’à reconnoître une grace intérieure d’entendement pour les vérités revélées, non qu’il la jugeât absolument nécessaire, mais simplement utile pour en faciliter la connoissance. Enfin, il admit une grace intérieure de volonté, mais réduite presque à rien par ses subtilités & par celles de ses disciples ; car ils soutenoient que cette grace n’étoit nécessaire que pour achever les bonnes œuvres, & non pour les commencer ; qu’elle n’étoit pas absolument nécessaire pour opérer le bien, mais pour en faciliter l’opération ; & enfin que cette grace n’étoit point gratuite, puisque Dieu ne la conféroit aux hommes, qu’en considération de leurs mérites & à titre de justice. Or, selon eux, ces mérites étoient purement humains, produits par les seules forces de la nature. S. August. lib. de Gert. Pelag. de grat. & lib. arbitr. de grat. Christ. & contr. Julian. Tournély, trait. de la Grace, tom. I. disput. 1. art. 3.

On voit que ce système tend à anéantir la nécessité de la grace ; Pélage eut pour principaux disciples, Célestius & Julien, évêques d’Eclane en Sicile. Condamné en Afrique & en Orient par divers conciles, il trompa le pape Zozime par une feinte profession de foi ; mais ce pontife mieux instruit par les évêques d’Afrique, condamna Pélage & Celestius dans un concile tenu à Rome en 418 : leurs erreurs furent proscrites de toutes parts, tant par la puissance ecclésiastique, que par l’autorité séculiere. On tint sur cette matiere vingt-quatre conciles en dix-neuf ans, & les empereurs Honorius, Constance & Valentinien ayant appuyé par leurs lois les décisions de l’Eglise, le pélagianisme parut écrasé, mais il reparut en partie dans la suite sous le nom de semipélagianisme. Voyez & Semi-Pélagiens.

Ce fut en combattant ces hérétiques, que S. Augustin composa les divers ouvrages qui lui ont mérité le titre de docteur de la grace. C’est aussi contre eux que S. Prosper a fait son poëme intitulé contre les ingrats ; S. Hiérome, S. Fulgence & plusieurs autres peres ont aussi réfuté les Pélagiens.