L’Encyclopédie/1re édition/OSSELET

OSSELET, s. m. (Gram.) petit os.

Osselets de l’oreille, (Anatomie.) ce sont les quatre petits os que l’on trouve dans la caisse du tambour, & que l’on appelle le marteau, l’enclume, l’étrier & le lenticulaire, ou l’orbiculaire. Voyez-en les articles, ainsi que le mot Oreille.

Je voudrois bien faire comprendre au lecteur comment ces osselets sont situés & articulés les uns avec les autres ; mais je suis convaincu qu’il est impossible de se former une juste idée de leur situation, de leur connexion & de leurs attaches, si on ne les voit tous articulés dans la cavité du tambour.

Ruysch a non seulement prouvé que les osselets de l’oreille étoient revêtus de périoste, mais il a fait voir encore par le moyen de ses injections les vaisseaux nombreux qui se distribuent dans leur périoste.

Nous avons remarqué ailleurs que les osselets de l’oreille, de même que la coquille & les trois canaux demi circulaires sont dans les enfans presque aussi grands & aussi durs que dans les adultes, au lieu que tous les autres os sont encore très-imparfaits dans le premier âge.

La découverte des osselets appartient aux modernes. Jacobus Carpensis découvrit le marteau & l’enclume. Eustache à Rome & Ingrassias à Naples trouverent presqu’en même tems l’étrier. La découverte du quatrieme est généralement attribuée à François Sylvius.

Ces osselets articulés curieusement ensemble ont un muscle externe, & un autre interne, qui servent à les mettre en action. Cette action paroît être de bander la membrane du tambour & de la relâcher.

Dans les animaux, ces osselets different selon la différence de leur espece ; les quadrupedes ont quatre osselets, ainsi que les hommes ; mais personne ne s’est occupé à en examiner les variétés : pour ce qui regarde les oiseaux, la nature ne leur a donné qu’un seul osselet, très subtil & très-menu, appuyé sur une base plus large & ronde. A cette base est joint un cartilage très-mobile, qui paroît se terminer au tympan, selon les observations du docteur Moulen, insérées dans les Trans. philos. n°. 100. (D. J.)

Osselets, terme d’Archer du guet, petit bâton au travers duquel on passe une corde où il y a un nœud coulant qu’on passe au col ou au poignet de celui qu’on mene en prison. (D. J.)

Osselet, (Maréch.) on appelle ainsi une espece de sur-os plat qui vient aux boulets des chevaux. Voyez Sur-Os.

Osselets, jeu des, (Littérat.) en latin ludus talorum, ou simplement tali ; Horace dit : Nec regna vini sortiere talis, tu ne joueras plus aux osselets la royauté des festins.

Suivant Homere, le jeu des osselets étoit connu des Grecs dès le tems de la guerre de Troie. Ils lui donnoient le nom d’ἀστραγάλοι, d’un os qui est dans le pié des animaux, & qu’ils employoient à cet usage ; cet os est le premier des os du tarse ; il est gros, inégal, convexe en certains endroits, concave en d’autres, & nous le nommons encore astragale.

Les osselets n’avoient proprement que quatre côtés, sur lesquels ils pussent aisément s’arrêter, les deux extrémités étant trop arrondies pour cela, cependant la chose n’étoit pas impossible ; on appelloit ce coup extraordinaire talus rectus. De ces quatre côtés, il y en avoit deux plats & deux larges, dont l’un valoit six, & étoit appellé seniò par les Latins, & χωός par les Grecs ; l’autre opposé ne valoit qu’un, & on lui donnoit le nom canis ou vulturius ; c’est le même que les Grecs appelloient κυὼν ou χῖος, d’où étoit venu le proverbe χῖος πρὸς κῷον, un à six. Des deux côtés plus étroits, l’un étoit convexe, appellé suppum ou supinum, qui valoit trois ; l’autre concave, appellé pronum, valoit quatre. Il n’y avoit ni deux, ni cinq dans les osselets.

On jouoit ordinairement avec quatre osselets, qui ne pouvoient produire que 35 coups ; savoir 4 dans lesquels les quatre faces étoient semblables, 18 dans lesquels il y en avoit deux de pareil nombre, 12 dans lesquels il y en avoit trois égaux & un coup unique lorsque les osselets étoient différens, j’entends de différens nombres, c’est-à-dire qu’il falloit faire un as, un 3, un 4, & un 6, c’étoit le coup le plus favorable, appellé vénus, en grec Ἀφροδίτη. Les Grecs avoient donné les noms des dieux, des héros, des hommes illustres, & même des courtisanes fameuses à ces coups différens.

Le coup de vénus étoit aussi nommé basilicus, parce qu’il falloit l’amener pour être le roi de la table. Le coup opposé étoit les quatre as, appellés damnosi canes. Entre les autres coups, il y en avoit d’heureux, de malheureux & d’indifférens. C’étoit un usage reçu parmi les joueurs d’invoquer les dieux ou leurs maîtresses avant que de jetter les osselets.

Pour empêcher les tours de main, on se servoit de cornets, par lesquels on les faisoit passer. Ils étoient ronds en forme de petites tours, plus larges en-bas que par le haut, dont le col étoit étroit. On les appelloit turris, turricula, orca, pyrgus, phimus. Ils n’avoient point de fond, mais plusieurs degrés au-dedans, qui faisoient faire aux osselets plusieurs cascades, avant que de tomber sur la table,

Alternis vicibus quos præcipitante rotatu
Fundunt excisi per cava buxa gradus.


cela se faisoit avec grand bruit ; & ce bruit faisoit encore donner au cornet le nom de fritellus.

Les osselets n’étoient au commencement qu’un jeu d’enfans chez les Grecs ; c’est pourquoi Phraates, roi de Parthes, envoya des osselets d’or à Démétrius, roi de Syrie, pour lui reprocher sa légereté : cet amusement devenoit cependant une affaire sérieuse dans les divinations qui se faisoient au sort des dez ou des osselets : c’est ainsi qu’on consultoit Hercule dans un temple qu’il avoit en Achaïe, & c’est ainsi que se rendoient les oracles de Geryon à la fontaine d’Apone, proche de Padoue.

Il ne faut pas confondre le jeu des osselets, ludum talorum, avec le jeu de dez, ludum tesserarum ; car on jouoit le premier avec quatre osselets, & l’autre avec trois dez : les osselets, comme on l’a dit, n’avoient que quatre côtés qui étoient marqués de quatre nombres toujours opposés l’un à l’autre ; savoir du 3 qui avoit 4 pour côté opposé, & d’un as dont le côté opposé étoit six. Les dez avoient six faces, dont quatre étoient marquées de la même maniere que les quatre des osselets ; & des deux autres, l’une avoit 1, 2, & l’autre un 5, mais toujours opposés, de sorte que dans l’un & l’autre jeu le nombre du côté inférieur & celui du côté supérieur faisoient toujours 7, comme cela s’observe encore aujourd’hui. Les coups des osselets ne pouvoient être variés que de trente-cinq manieres ; les dez ayant six faces, produisoient cinquante-six manieres, savoir 6 rafles, 30 où il y a deux dez semblables, & 20 où les trois dez sont différens : mais tout ce qui regarde les jeux de dez & des osselets chez les anciens a été épuisé par Meursius dans son livre de ludis græcorum, & par Daniel Souterius dans son Palamede. (D. J.)