L’Encyclopédie/1re édition/ONDE

◄  ONCTUEUX
ONDÉ  ►

ONDE, s. f. en terme de Physique, est l’assemblage d’une cavité & d’une élévation sur la surface de l’eau ou de tout autre fluide. Voyez Fluide & Ondulation.

On peut concevoir la formation des ondes de la maniere suivante.

La surface de l’eau tranquille étant naturellement plane & parallele à l’horison ; si, de quelque maniere que ce soit, elle vient à se creuser vers le milieu, comme en A (Pl. de l’Hydrodynam. fig. 30.) sa cavité sera aussi-tôt environnée d’une élévation BB. Et le fluide qui compose cette élévation descendant par sa gravité, & allant au-dessous du niveau en vertu de sa vîtesse acquise, il se formera une nouvelle cavité ; mais cette nouvelle cavité ne se peut faire qu’en élevant l’eau des deux côtés, ce qui remplira la premiere cavité, & formera une nouvelle élévation vers C ; & par la dépression de cette derniere élévation, l’eau en formera une nouvelle du même côté. Il y aura ainsi un mouvement successif dans la surface de l’eau, & la cavité qui pousse en avant l’élévation, sera mûe de A vers C. Cette cavité jointe à l’élévation voisine forme ce qu’on appelle une onde, & l’espace occupé par l’onde sur la surface de l’eau, mesuré suivant la direction de l’onde, est appellé la largeur de l’onde.

Comme les lois de ce mouvement ont été déterminées par M. Newton, nous allons en donner la substance.

1o. Lorsque la cavité A, par exemple, est environnée de tous les côtés par une élévation, & que le mouvement dont nous venons de parler s’étend en tout sens, le mouvement des ondes est circulaire.

2o. Supposons à présent que AB (fig. 31.) soit un obstacle contre lequel vient heurter l’onde qui commence en C, & proposons-nous d’examiner le changement que l’eau souffre dans un point quelconque E, lorsqu’elle est arrivée en ce point. Dans tous les lieux où l’onde passe librement, elle s’éleve, forme ensuite une cavité qui se remplit aussi tôt après ; & pendant que la surface du fluide éprouve ce changement, ses parties vont & viennent dans un petit espace. La direction du mouvement est le long des rayons CI, CD, &c. & la vîtesse peut être représentée par la ligne CE. Que ce mouvement soit décomposé en deux autres suivans GE & DE dont les vîtesses soient respectivement représentées par ces lignes ; par le mouvement suivant DE les particules n’agiront pas contre l’obstacle ; mais après le choc elles continueront leur mouvement dans cette direction avec la même vîtesse, & ce mouvement sera représenté par EF, en supposant EF & ED égales entr’elles : mais le mouvement suivant GE étant directement opposé, l’obstacle est détruit entierement. Car quoique les particules qui frappent cet obstacle soient élastiques, elles ne sont pas en cette occasion sujettes aux lois de la percussion des corps à ressort parfait, à cause que les ondes qui se meuvent continuellement en avant & en arriere, n’ont qu’un mouvement progressif, si lent, que le choc des particules contre l’obstacle ne peut changer leur figure. Voyez Percussion.

Mais il y a une réflexion des particules qui vient d’une autre cause. L’eau ne pouvant pas aller en avant à cause de l’obstacle, & étant poussée par celle qui la suit, prend le chemin où elle éprouve le moins de résistance, c’est-à-dire, qu’elle monte ; & cette élévation qui est plus grande en quelques endroits qu’en d’autres, est produite par le mouvement qui se fait suivant la direction GE ; parce que c’est par ce seul mouvement que les particules frappent contre l’obstacle.

L’eau par sa descente acquiert la même vîtesse que celle avec laquelle elle s’étoit élevée, & ses particules sont repoussées par l’obstacle avec la même force dans la direction EG que celle avec laquelle elles le frappent. De ce mouvement & de celui qui se fait suivant EF dont nous venons de parler, il naît un mouvement suivant EH dont la vîtesse est exprimée par la ligne EH qui est égale à la ligne EC. Ainsi par la réflexion la vîtesse de l’onde n’est pas changée, mais seulement sa direction ; son mouvement se faisant alors suivant EH, de la même maniere que, si en pénétrant l’obstacle, elle eût continué son mouvement le long de EH. Si du point C on tire la perpendiculaire CD à l’obstacle, & qu’on la prolonge, ensorte que Dc soit égal à cD, la ligne EH continuée passera par c : & comme cette démonstration convient également à tous les points de l’obstacle, il s’ensuit que l’onde réfléchie a la même figure de ce côté de l’obstacle qu’elle auroit eue par-delà la ligne AB, si elle n’avoit point frappé l’obstacle. Si cet obstacle est incliné à l’horison, l’eau y montera & en descendra en y souffrant un frottement, parce que la réflexion de l’onde sera troublée & même souvent entierement détruite, & c’est là la raison pour laquelle il arrive souvent que les bancs des rivieres ne réfléchissent pas les ondes.

S’il y a un trou comme H dans l’obstacle BL, la partie de l’onde qui y passera continuera son mouvement en ligne droite & s’étendra vers QQ ; & il se formera en ce point une nouvelle onde qui se mouvra dans un demi-cercle dont le centre sera celui du trou. Car la partie supérieure de l’onde qui a passé la premiere par le trou, coule & descend dans le moment vers les côtés, & forme en descendant une cavité qui devient entourée d’une élévation de chaque côté du trou, & qui se meut de la même maniere que nous l’avons expliqué à l’occasion de la premiere onde.

Pareillement, une onde à laquelle on oppose un obstacle comme AO, continue de se mouvoir entre O & N ; mais elle s’étend vers O dans une partie de cercle dont le centre n’est pas loin de O ; & de-là nous pouvons aisément conclure quel doit être le mouvement d’une onde derriere un obstacle quelconque N. Les ondes sont souvent produites par le mouvement d’un corps qui fait des vibrations, & s’étendent encore circulairement, quoique le corps fasse ses vibrations en ligne droite : car l’eau qui s’éleve par l’agitation, forme en descendant une cavité qui se trouve entourée d’élévations de tous les côtés.

Différentes ondes ne se dérangent pas les unes les autres, même lorsque leurs mouvemens suivent différentes directions, c’est ce que l’expérience nous fait connoître tous les jours.

Pour déterminer la vîtesse des ondes, il est à propos d’examiner un autre mouvement de même genre. Imaginons un fluide renfermé dans un tube cylindrique recourbé EH (fig. 32), ensorte que la quantité de fluide contenue dans la branche EF soit plus haute que dans l’autre branche de la partie lE divisée en deux parties égales en i. Il est clair que la liqueur contenue dans la branche EF descendra par sa gravité, en remontant en même tems de la même quantité dans la branche EH, & que lorsque la surface du fluide sera arrivée en i à la même hauteur dans les deux branches ; le fluide, au lieu de rester en équilibre, continuera de se mouvoir par la vîtesse acquise en descendant, & montera dans le tube GH, tandis qu’il descendra dans la branche EF d’une quantité il égale à Ei, à la petite différence près produite par le frottement contre les parois du tube. Dans cette nouvelle position, le fluide qui est dans le tube GH étant le plus haut, descendra par sa gravité, ensorte que le fluide monte & descend ainsi tour-à-tour jusqu’à ce qu’il ait perdu tout son mouvement par le frottement.

La quantité de matiere à mouvoir est tout le fluide contenu dans le tube, la force motrice est le poids de la colonne lE dont la hauteur est toujours double de la distance Ei ; laquelle distance augmente & diminue par conséquent en même raison que la force motrice. Mais la distance Ei est l’espace que parcourt le fluide en arrivant de la situation EH à la situation du repos ; & cet espace est par conséquent comme la force qui agit continuellement sur le fluide. Or si on se rappelle que c’est un principe semblable sur lequel est fondé l’isochronisme de la cycloïde ; on verra de la même maniere que quelle que soit l’inégalité des vibrations du fluide, ces vibrations sont de même durée, & que le tems de ces vibrations est le même que celui des oscillations d’un pendule, dont la longueur seroit la moitié de celle qu’occupe le fluide dans le tube, c’est-à-dire la moitié des lignes E F, F G, G H. Voyez Pendule.

Pour déterminer par ces principes la vîtesse des ondes, considérons différentes ondes qui se suivent immédiatement, comme A, B, C, D, E, F, (fig. 33.) Toutes se mouvant de A vers F ; l’onde A a parcouru toute sa largeur, lorsque la cavité A est arrivée en C ; ce qui ne sauroit avoir lieu sans que l’eau qui est en C ne monte à la hauteur du sommet de l’onde, & qu’elle ne descende ensuite à la profondeur C. Et comme tout ce mouvement ne donne aucune agitation sensible à l’eau qui est au-dessous de la ligne hi, on peut le regarder comme étant de même espece que celui que nous venons d’examiner, & prendre par conséquent, pour le tems que l’eau met à monter & à descendre, c’est-à-dire, pour le tems qu’une onde met à parcourir sa largeur, celui de deux oscillations d’un pendule égal en longueur à la moitié de BC, ou le tems d’une oscillation du pendule qui seroit égal à B, C, D, c’est-à-dire, quadruple du premier.

Ainsi la vîtesse de l’onde dépend de la longueur de la ligne B, C, D, laquelle est d’autant plus grande que l’onde s’étend plus loin & descend plus bas. Dans les ondes fort larges, qui ne s’élevent pas bien haut, les lignes B, C, D different peu de la largeur de l’onde ; & par conséquent le tems que chaque onde met à parcourir sa largeur, est celui qu’un pendule égal à cette largeur mettroit à faire une oscillation. Voyez Oscillation.

Dans les mouvemens des pendules, & par conséquent dans ceux des ondes, les espaces parcourus sont en raison du tems & de la vitesse ; d’où il s’ensuit que les vitesses des ondes sont comme les racines quarrées de leurs largeurs : car comme les tems dans lesquels elles parcourent leurs largeurs, sont dans la raison de ces racines quarrées, il faut aussi que les vitesses soient dans la même raison, afin que le produit des tems par les vitesses, soit comme la largeur des ondes, ou les espaces parcourus. Chambers.

M. Newton, comme nous l’avons dejà dit, est le premier qui ait donné les lois du mouvement des ondes. On les trouve à la fin du II. livre de ses princip. à peu près telles que nous venons de les exposer. Ce philosophe conclut du théorème précedent, que des ondes qui seroient de 3 piés de large, & qui seroient par conséquent de la longueur du pendule à secondes, parcourroient en une seconde un espace égal à leur largeur ; & qu’ainsi dans l’espace d’une minute, ces ondes feroient environ 183 piés, & 11000 piés environ dans une heure. Au reste, j’ajoute que ce théorème n’a lieu que dans l’hypothese que les particules du fluide montent & descendent verticalement dans leurs vibrations ; mais comme elles montent & descendent suivant des lignes courbes, M. Newton avertit que la vitesse des ondes n’est déterminée qu’à-peu-près par sa théorie.

Le même auteur nous donne aussi les lois de la propagation des ondes dans un fluide élastique ; & il en déduit la vitesse du son à peu près telle que l’expérience la donne. Voyez Son, voyez aussi Ondulation. (O)

Ondes, (Conchyl.) on appelle ondes les lignes qui vont en serpentant sur la robe d’une coquille. (D. J.)

Ondes, terme de manufacture ; se dit aussi des différens desseins qui se représentent dans quelques tapisseries que l’on travaille à l’aiguille sur des canevas. On dit les ondes du point de Hongrie, du point de la Chine, du point d’Angleterre ; on les nomme de la sorte, parce qu’ils se continuent en montant & baissant le long de l’ouvrage, à la maniere que les ondes d’une eau courante se suivent les unes les autres. Il y a aussi des bergames à ondes.

Onde, partie du métier à bas. Voyez l’article Métier à bas.

Onde, en terme de Boutonnier ; c’est l’effet que produisent deux fils jettés l’un après l’autre dans le même sens sur un bouton fait aux pointes, voyez Pointes. Les ondes augmentant de 2 tours en 2 tours, forment en montant à la tête du bouton autant de petits échelons, dont l’arrangement en sens contraire, est apparemment la raison qui leur a fait donner ce nom. Combien de choses prennent-elles le nom d’autres avec lesquelles elles ont moins de ressemblance que celles-ci n’en ont entre elles ?

Onde, terme de Calendre ; c’est à l’imitation des ondes qui paroissent sur la superficie de l’eau légérement agitée, que les ouvriers ont donné à divers de leurs ouvrages ou étoffes, des figures qu’ils nomment des ondes.

Dans plusieurs étoffes de soie ou de laine, comme dans les moires, les tabis, les camelots, même dans quelques toiles ou treillis, les ondes se font par le moyen de la calendre, dont les rouleaux gravés appuyant inégalement sur l’étoffe qu’on passe entre deux, s’y impriment plus ou moins, suivant qu’ils la pressent avec plus ou moins d’effort. Savary. (D. J.)

Onde, ou calotte d’une cloche, terme de Fondeur. C’est une partie de matiere qui sert à augmenter l’épaisseur du cerveau, afin de donner plus de solidité aux anses. L’onde ou calotte est de même épaisseur que le cerveau, c’est-à dire d’un corps ou d’un tiers de bord ; mais elle n’a pas le même diametre, il s’en faut un bord & demi de chaque côté. Voyez l’article Fonte des cloches.

Ondes, (Hautelisserie.) petites étoffes de soie, de laine & de fil dont les façons sont ondées, qui se font par les Hautelisseurs de la sayetterie d’Amiens. Elles doivent avoir vingt aunes un quart à vingt aunes & demie de longueur, sur un pié & demi & un pouce de roi de largeur.