L’Encyclopédie/1re édition/MONOPOLE

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MONOPOLE, s. m. (Jurisprud.) est le trafic illicite & odieux que fait celui qui se rend seul le maître d’une sorte de marchandise, pour en être le seul vendeur, & la mettre à si haut prix que bon lui semble, ou bien en surprenant des lettres du prince, pour être autorisé à faire seul le commerce d’une certaine sorte de marchandise, ou enfin lorsque tous les marchands d’un même corps sont d’intelligence pour enchérir les marchandises ou y faire quelque altération.

Ce terme vient du grec μονος & πολεῖν, qui signifie vendre seul ; il étoit si odieux aux Romains, que Tibere, au rapport de Suétone, voulant s’en servir, demanda au sénat la permission de la faire, parce que ce terme étoit emprunté du grec.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on voit des monopoles, puisqu’Aristote en ses Politiques, liv. I. ch. vij. dit que Talès, milésien, ayant prévû, par le moyen de l’Astrologie, qu’il y auroit abondance d’olives, l’été suivant ayant recouvré quelque peu d’argent, il acheta & arrha toutes les olives qui étoient à l’entour de Milet & de Chio à fort bas prix, & puis les vendit seul, & par ce moyen fit un gain considérable.

Pline, liv. VIII. de son Histoire naturelle, dit en parlant des hérissons, que plusieurs ont fait de grands profits pour avoir tiré toute cette marchandise à eux.

Chez les Romains le crime de monopole étoit puni par la confiscation de tous les biens, & un exil perpétuel, comme on voit en la loi unique, au code de monop. l’empereur Charles-Quint ordonna la même chose en 1548.

François I. fut le premier de nos rois qui défendit les monopoles des ouvriers, sous peine de confiscation de corps & de biens. Voyez l’ordonnance de 1539. article CXCI.

Il y a nombre d’autres reglemens qui ont pour objet de prévenir ou réprimer les monopoles.

Comme il n’y a rien de plus nécessaire à la vie que le blé, il n’y a point aussi de monopole plus criant que celui des marchands & autres personnes qui se mêlent d’acheter du blé pour le revendre plus cher. Voyez Blé, Commerce, Grains.

Sur les monopoles en général, voyez Barberius, in viatorio juris, tit. de colleg. illicitis & monopolis ; Franciscus Lucanus, in suo tractatu celeberrimo in secundâ parte principali de casibus bonorum publicandorum ; Dambouderius, in enchiridio praxeos rerum criminalium. (A)