L’Encyclopédie/1re édition/MERISIER

MÉRITE  ►

MERISIER, s. m. (Botan.) espece de cerisier sauvage à fruit noir, cerasus sylvestris, fructu nigro, I. B. 1. 220 cerasus major, ac sylvestris, fructa subdulci, nigro colore inficiente, C. B. P. 450.

C’est un grand arbre dont le tronc est droit, l’écorce extérieure de couleur brune ou cendrée, tachetée & lisse ; l’écorce intérieure est verdâtre. Son bois est ferme, tirant sur le roux ; ses feuilles sont oblongues, plus grandes que celles du prunier, profondément crénelées, luisantes, un peu ameres.

Ses fleurs sortent plusieurs ensemble comme d’une même gaîne, portées sur des pédicules courts, un peu rouges, semblables à celles des autres cerisiers ; quand elles sont passées, il leur succede des fruits presque ronds, petits, charnus, doux, avec une legere amertume, agréables, remplis d’un suc noir qui teint les mains : nous nommons ces fruits cerises noires.

On les mange nouvellement cueillies ; on en boit la liqueur fermentée & distillée ; enfin on en tire une eau spiritueuse, soit en les arrosant de bon vin & les distillant après les avoir pilées avec les noyaux, soit en versant leur suc exprimé sur des cerises fraîchement cueillies & pilées, les laissant bien fermenter, jusqu’à ce qu’elles aient acquis une saveur vineuse : alors on les distille pour en tirer un esprit ardent ; & c’est dans les proportions de force & d’agrément de cet esprit que consiste l’art des distillateurs qui en font commerce. (D. J.)

Merisier, grand arbre qui se trouve dans les bois des pays tempérés de l’Europe, au Mississipi, dans le Canada, &c. Il fait une tige très-droite ; il prend une grosseur proportionnée & uniforme : ses branches se rangent par gradation ; elles s’étendent en largeur & se soutiennent. Son écorce est lisse, unie & d’un gris cendré assez clair. Ses feuilles sont belles, grandes, longues, dentelées, pointues, & d’un verd assez clair ; mais elles deviennent d’un rouge foncé en automne avant leur chûte. L’arbre donne au printems une grande quantité de fleurs blanches qui ont une teinte legere de couleur pourpre : elles sont remplacées par des fruits charnus, succulens, d’un goût passable, qui renferment un noyau dans lequel est la semence. Il y a deux sortes de merisiers, l’un à fruit noir, qui est le plus commun, & l’autre à fruit rouge, qui a le plus d’utilité relativement aux pepinieres. Ces arbres sont agrestes, très robustes ; ils viennent assez promptement ; il subsistent dans les plus mauvais terreins ; ils se plaisent dans les lieux élevés & exposés au froid, & ils réussissent très-aisément à la transplantation.

On multiplie le merisier en faisant semer les noyaux au mois de Juillet dans le tems de la maturité du fruit ; ils leveront au printems suivant : on pourra même attendre jusqu’au mois de Février pour les semer ; mais si on n’avoit pas eu la précaution de les conserver dans du sable ou de la terre, ils ne leveroient qu’au second printems. Les jeunes plants seront assez forts au bout de deux ans pour être mis en pepiniere, ce qu’il faudra faire au mois d’Octobre, avec la seule attention de couper le pivot & les branches latérales ; mais il faut bien se garder de couper le sommet des arbres : ce retranchement leur causeroit du retard, & les empêcheroit de faire une tige droite. L’année suivante ils seront propres à servir de sujets pour greffer en écusson des cerisiers de basse tige ; mais si l’on veut avoir des arbres greffés en haute tige, il faudra attendre la quatrieme : c’est le meilleur sujet pour greffer toutes les especes de bonnes cerises.

On peut se procurer des merisiers en faisant prendre dans les bois des plants de sept à huit piés de hauteur : le mois d’Octobre ou celui de Février sont les tems propres à la transplantation. Un auteur anglois, M. Ellis, assure qu’à quarante ans ces arbres sont à leur point de perfection ; & il a observé que des merisiers dont il avoit fendu au mois d’Avril l’écorce extérieure avec la pointe d’un couteau, sans blesser l’écorce intérieure, avoient pris plus d’accroissement en deux ou trois ans, que d’autres merisiers auxquels on n’avoit pas touché, n’avoient fait en quinze ans.

Le merisier est peut être l’arbre qui réussit le mieux à la transplantation pour former du bois & pour garnir des places vuides. M. de Buffon, à qui j’ai vu faire de grandes epreuves dans cette partie, & qui a fait planter des arbres de toutes especes pour mettre des terreins en bois, y a fait employer entr’autres beaucoup de merisiers. Dans des terres très-fortes, très-dures, très-froides, couvertes d’une quantité extrème d’herbes sauvages, le merisier a été l’espece d’arbre qui a le mieux réussi, le mieux repris, & le mieux profité, sans aucune culture. On observe que le terrein en question est environné de grandes forêts où il n’y a point de merisiers, & qu’on n’en trouve qu’à trois lieues de là : ainsi on ne peut dire pour raison du succès que les merisiers étoient naturalisés dans le pays, qu’ils s’y plaisoient, ni que ce terrein dût leur convenir particulierement, puisqu’il est bien acquis au contraire qu’il faut à cet arbre une terre légere, sablonneuse & pierreuse.

Le fruit de cet arbre, que l’on nomme merise, est succulent, extrèmement doux, bon à manger ; les merises rouges sont moins douces que les noires : celles-ci sont d’un grand usage pour les ratafiats ; elles en font ordinairement la base. On en peut faire aussi de bonne eau-de-vie.

Le bois du merisier est rougeâtre, très-fort, très dur ; il est veiné, sonore & de longue durée ; il est presque d’aussi bon service que le chêne pour le dedans des bâtimens. Sa couleur rouge devient plus foncée en le laissant deux ou trois ans sur la terre après qu’il est coupé ; il est très-propre à faire des meubles, tant parce qu’il est veiné & d’une couleur agréable, qu’à cause qu’il prend bien le poli & qu’il est facile à travailler : ensorte qu’il est recherché par les Ebenistes, les Menuisiers, les Tourneurs, & de plus par les Luthiers.

Le merisier a donné une très jolie variété, qui est à fleur double : on peut l’employer dans les bosquets, ou elle sera d’un grand agrément au printems ; elle donne à la fin d’Avril la plus grande quantité de fleurs très-doubles, qui sont d’une blancheur admirable. Cette variété ne porte point de fruit : on la multiplie aisément par la greffe en écusson sur le merisier ordinaire, qui fait toujours un grand arbre ; mais si l’on ne veut l’avoir que sous la forme d’un arbrisseau, il faudra la greffer aussi en écusson sur le cerisier sauvage dont le fruit est très-amer, que l’on nomme à Paris mahaleb, en Bourgogne canot ou quenot, & à Orléans canout.