L’Encyclopédie/1re édition/MATURATION

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MATURATION des fruits (Chim.) L’altération spontanée qui fait passer les sucs de certains fruits, des fruits charnus, pulpeux, mous, de l’état d’immaturité, c’est-à-dire de verdure, d’acidité, d’âpreté, d’acerbité, quelquefois de causticité, comme dans la figue à l’état de maturité, c’est-à-dire de douceur ; cette altération, dis-je, doit être rangée parmi les especes de fermentations, voyez Fermentation. J’ai appellé cette altération spontanée, ce qui suppose que pendant qu’un fruit l’éprouve, il ne reçoit rien du dehors, qu’il doit être consideré comme isolé par rapport à l’arbre auquel il tient quelquefois encore. En effet, non seulement l’analogie déduite de la maturation des fruits détachés des tiges qui les ont produits, & qui est singulierement remarquable dans le melon, la poire, la nêfle, &c. fait conjecturer, que le fruit ne tire plus rien de l’arbre lorsque l’ouvrage de la maturation s’accomplit ; mais plusieurs observations concourent à appuyer cette idée ; le fruit ne grossit plus, la queue ou pédicule se desseche, ou du-moins se flétrit, &c. Enfin, la loi générale des fermentations qui ne procedent convenablement que dans les liqueurs qui sont isolées, solitaires, sui juris, fournit une induction très-forte en faveur de cette opinion.

La maturation a cela de commun avec la putréfaction, qu’elle peut survenir à des sucs enfermés en très-petite quantité dans de petites cellules distinctes ; & elle differe en cela de la fermentation vineuse & de l’acéteuse, en ce que ces dernieres ne s’excitent jamais que dans des volumes considérables de liqueur, voyez Vin & Vinaigre ; aussi les fruits passent-ils de la maturation à la putréfaction, & jamais à l’état vineux ou à l’état acéteux.

La théorie particuliere de la maturation, qui, comme on voit est toute chimique, n’a été ni exposée, ni suivie, ni même ou à peine mise au rang des objets chimiques. Elle est pourtant très-curieuse & très-intéressante par la circonstance de présenter un des phénomenes les plus sensibles de l’économie végétale, & par conséquent d’ouvrir la porte de cette partie du sanctuaire chimique. Savoir ce que c’est positivement que le sel acide, acerbe, austere, ou le suc résineux des fruits verds, par quelle succession de changemens ces corps se changent en corps doux ; quel principe des premieres substances s’altere réellement ; quel autre passe immué du suc verd dans le suc-doux, &c. ce sont-là des connoissances chimiques d’un ordre supérieur, tant en soi, que comme source de lumiere ultérieure pour l’analyse végétale transcendante ; du-moins me promettrois-je beaucoup de ces notions, si je continuois un jour mes travaux sur les végétaux.

L’état de vapidité & l’amertume que contractent les fruits meurtris, qui est le produit d’une autre espece de fermentation, est encore un phénomene dont la théorie chimique est du même ordre que la précédent, & à laquelle elle est nécessairement liée. (b)