L’Encyclopédie/1re édition/EVANOUISSEMENT

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EVANOUISSEMENT des inconnues, des fractions, des radicaux, en Algebre, Voyez l’article Evanouir.

Evanouissement, subst. masc. (Medecine.) foiblesse qui saisit la tête & le cœur d’un animal, qui suspend tous ses mouvemens, & lui dérobe les objets sensibles. Ce mot répond à l’ἔκλυσις d’Hippocrate, & présente absolument la même idée. L’évanoüissement a ses degrés ; les deux extrèmes sont la défaillance & la syncope. Voyez Syncope & Défaillance.

Les évanoüissemens sont beaucoup plus rares parmi les brutes, que dans l’espece humaine ; la tête, dans les brutes a moins de sympathie avec le cœur. La Nevrographie comparée de Willis expliqueroit aisément ce phénomene ; mais elle ne s’accorde pas avec les observations de Lancisy, dans son traité de corde & anevrysmatibus, prop. 47. & suiv. Il suffit d’admettre que les nerfs cardiaques different dans l’homme & dans les autres animaux, comme M. de Senac l’insinue, dans son Traité du cœur, tome I. p. 126. Il est dangereux de croire avec Willis, chap. xxij. de sa Description des nerfs, que ces variétés de l’origine des nerfs cardiaques constituent les différences de l’esprit dans l’homme, le singe, & les autres quadrupedes.

Tout ce qui corrompt & qui épuise le sang ou les esprits animaux ; tout ce qui trouble les fonctions du cerveau, ou les mouvemens du cœur, peut anéantir, pour quelque tems, les sensations & les forces de l’animal.

Les causes les plus ordinaires de l’évanoüissement de la part des fluides, sont une diminution subite & considérable de la masse du sang, par de grandes hémorrhagies, des évacuations abondantes, par les sueurs ou par les selles ; la raréfaction du sang, par des bains chauds, par des enyvrans, par des sudorifiques ; une trop grande quantité de ce fluide, qui se porte vers la tête ou le cœur, & dent ces organes ne peuvent se débarrasser, comme dans les sujets pléthoriques, dans ceux qui arrêtent imprudemment une évacuation critique, ou qui, après s’être échauffés, boivent à la glace, & prennent des bains frais ; la dégénération du sang, & peut-être des esprits, que produisent les morsures venimeuses, les poisons, les narcotiques, le scorbut, la cachexie, les pâles couleurs, les fievres intermittentes, les fievres pourprées & pestilentielles, &c. le défaut des esprits, dont quelque obstacle empêche la secrétion, ou l’influx vers le cœur ; les exercices violens, le manque de nourriture, les passions vives, les études pénibles, l’usage immodéré des plaisirs, & leur extrème vivacité ; une situation perpendiculaire ou trop renversée, peut jetter les malades dans des défaillances, en empêchant le sang de monter dans les carotides, ou de revenir par les jugulaires. Lower croit que la sérosité qui se sépare du plexus-choroide, au lieu d’être reçûe dans l’entonnoir, peut, quand la tête est trop panchée en arriere, tomber dans le quatrieme ventricule, & presser la moëlle allongée : mais on ne peut soûtenir ce système, à moins de supposer la rupture des vaisseaux lymphatiques, qui partant du plexus-choroïde, vont se terminer à la glande pituitaire, vaisseaux que Cowper a décrits dans l’appendice de son Anatomie.

Charles Pison dit que la fluxion de la sérosité du cerveau sur le nerf de la sixieme paire implanté dans le cœur, est la cause de la plus funeste de toutes les syncopes, qui détruit l’homme dans un instant. Il faut remarquer que la huitieme paire du cerveau, ou la paire vague, est la même que celle qui est désignée par la sixieme paire de Charles Pison. Galien ne reconnoissoit que sept paires de nerfs du cerveau ; Vesal en a connu dix, & a conservé le nombre de sept : Spigel en a fait huit, en ajoûtant les nerfs olfactifs ; mais la sixieme paire dans ces diverses énumérations, étoit toûjours la paire vague, & c’est du côté gauche de cette paire que part le nervulus cordis décrit par Vesal.

Les causes de l’évanoüissement, qui attaquent les parties solides, sont les abcès de la moëlle allongée, ou des nerfs du cerveau ; les blessures de la moëlle épiniere, des nerfs, des tendons ; les vertiges, les affections hystériques & hypocondriaques, les douleurs extrèmes ; les blessures du cœur, ses ulceres, ses abcès, ses inflammations, ses vices de conformation ; la graisse dont il est surchargé quelquefois vers sa base ; l’hydropisie du péricarde, & son adhésion au cœur (qui peut bien n’être pas aussi dangereuse qu’on croit, comme M. Dionis l’a observé dans sa dissertation sur la mort subite) ; les anevrysmes de l’aorte & de l’artere pulmonaire, les ossifications, les polypes, les tumeurs extérieures qui resserrent les gros vaisseaux ; les varices, dans les personnes qui ont trop d’embonpoint.

On peut appeller évanoüissemens sympathiques, ceux que produisent les abcès des principaux visceres, les épanchemens de sang dans le bas-ventre ou dans d’autres cavités, les hydropisies, l’évacuation précipitée des eaux des hydropiques, ainsi que des matieres purulentes dans les abcès ouverts ; les vices dans l’estomac qui rejette les alimens, ou qui ne les digere pas bien ; les matieres vermineuses, qui irritent les tuniques de l’estomac ; les excrétions du bas-ventre supprimées, les membres sphacelés, la repercussion du venin dartreux ou de la petite verole vers l’intérieur du corps ; les odeurs fortes, mais encore plus les suaves, dans les hystériques ; tout ce qui arrête les mouvemens du diaphragme & des muscles intercostaux, les embarras considérables du poumon. Cette derniere classe renferme les défauts de la dilatation, les dilatations & les constrictions violentes, qu’excitent dans les poumons un air trop raréfié, un air excessivement dense, ou froid & humide ; les vapeurs qu’exhalent des soûterrains méphitiques, ou des lieux inaccessibles depuis long-tems à l’air extérieur.

Il seroit aisé de rendre cette énumération plus longue ; mais il faut négliger toutes les causes que l’observation ne peut faire connoître, comme la convulsion & la paralysie des gros vaisseaux, &c. M. Michelotti, page 6. de la préface de son traité de separatione fluidorum, dit que sans le secours des Mathématiques on ne peut discerner les causes obscures de l’évanoüissement. Pour résoudre les problemes qui ont rapport à ces causes, il ne faut quelquefois employer que les notions les plus simples ; mais presque toûjours il faudroit avoir une analyse fort supérieure à l’analyse connue, qui abrégeât des calculs qu’un trop grand nombre d’inconnues rend impratiquables, ou admettre de nouveaux principes méchaniques qui diminuassent le nombre de ces inconnues.

Si l’on supposoit dans les vaisseaux sanguins une certaine inflexibilité qui rendît leur diametre constant, la même quantité de sang qui eût conservé plus long-tems la vie & les forces de l’animal dans la flexibilité de l’état naturel, ne peut le garantir alors d’un épuisement total & d’une langueur mortelle. Telle est la substance d’une proposition que Bellini a donnée sans démonstration dans le traité de missione sanguinis, qui fait partie des opuscules adressés à Pitcairn. Il est évident que dans cette supposition le sang passeroit avec bien plus de facilité dans les veines que dans les vaisseaux secrétoires, dont les plis, la longueur & la flexibilité lui opposeroient une résistance beaucoup plus grande ; donc toutes les secrétions seroient fort diminuées, & par conséquent celle des esprits animaux ne seroit plus assez abondante pour entretenir la circulation. Je crois que de semblables propositions ne prouvent pas plus l’utilité des Mathématiques dans la Medecine, que la supputation des jours critiques dans les maladies, ne prouve le besoin de l’Arithmétique.

Les passions & l’imagination ont beaucoup de force sur les personnes d’un tempérament délicat ; ce pouvoir est inexplicable, aussi-bien que l’observation singuliere de Juncker, qui assûre que l’évanoüissement est plus prompt & plus décidé quand l’homme succombe à la crainte de l’avenir, que quand il est frappé d’un mal présent. Peut-être Juncker a fait cette comparaison pour favoriser le système de Stahl, qui explique avec une facilité suspecte plusieurs bisarreries apparentes dans les causes de la syncope.

Dans l’évanoüissement profond ou dans la syncope les arteres ne battent point, la respiration est obscure ou insensible, ce qui le distingue de l’apoplexie ; on ne voit point de mouvemens convulsifs considérables, comme dans l’épilepsie ; les fortes passions hystériques en different aussi, non-seulement par le pouls, mais encore par la rougeur du visage, par un sentiment de suffocation qui prend le gosier, &c.

On explique ordinairement le vertige & le tintement d’oreille, qui précedent l’évanoüissement, par la pression des arteres voisines sur les nerfs optiques & acoustiques ; mais on a beaucoup de peine à concevoir comment ces arteres peuvent presser les nerfs, lorsqu’elles sont épuisées après de grandes hémorrhagies : l’expérience de Baglivi paroît venir au secours. Cet auteur observant la circulation du sang dans la grenouille, remarqua que lorsque l’animal étoit près d’expirer, le mouvement progressif du sang se rallentissoit, & se changeoit en un mouvement confus des molécules du fluide vers les bords du vaisseau. Cette expérience fait connoître que l’affoiblissement du cœur augmente la pression latérale dans les arteres capillaires.

Le poids de l’estomac & des intestins produit un tiraillement incommode, quand l’antagonisme des muscles du bas-ventre & du diaphragme cesse, de même que la pesanteur des extrémités fatigue les muscles qui y sont attachés, lorsqu’ils ne se font plus équilibre. Un pouls petit, rare & intermittent, découvre l’atonie des arteres, la langueur des forces vitales, & la grandeur des obstacles qui retardent la circulation. L’aphonie précede quelquefois la perte des autres fonctions, sans doute à cause de la sympathie des nerfs récurrens avec les nerfs cardiaques. Le refroidissement & la pâleur des extrémités viennent de l’affaissement des membranes des vaisseaux capillaires, qui ne sont plus frappées d’un sang chaud & actif. La respiration est insensible, parce que le mouvement du diaphragme & des muscles intercostaux est suspendu. Cælius Aurelianus, morborum acutorum, lib. II. cap. xxxij. vers. finem, & Walæus, ont observé des mouvemens irréguliers & convulsifs dans les levres. On doit regarder ces legeres convulsions d’un côté de la bouche, comme l’effet de la paralysie des muscles du côté opposé. La matiere de la sueur & de la transpiration insensible, condensée par le froid, se rassemble en petites gouttes gluantes, qui s’échappent à-travers les pores de la peau, en plus grande abondance aux endroits où le tissu de la peau est plus délié ; aux tempes, au cou, vers le cartilage xyphoide. Quand l’évanoüissement est mortel par sa durée, ou à la suite d’une longue maladie, le cou se tourne ; & la couleur du visage tirant sur le verd, annonce le commencement de la putréfaction des humeurs. Que si le malade revient d’un long évanoüissement, il pousse de profonds soupirs : ce mouvement automatique est nécessaire pour ranimer la circulation du sang.

Hippocrate nous apprend, aphorisme xlj. du deuxieme livre, que ceux qui s’évanoüissent fréquemment, fortement & sans cause manifeste, meurent subitement. Il faut bien prendre garde à ces trois conditions, comme Galien le prouve par divers exemples dans son commentaire sur cet aphorisme. On voit la raison de cet aphorisme dans le détail des causes de l’évanoüissement. On voit aussi pourquoi des personnes qui s’évanoüissent fréquemment, tombent ensuite dans des fievres inflammatoires. Aretée a observé que des gens qui ont été attaqués de syncope, ont quelquefois des legeres inflammations, la langue seche ; qu’ils ne peuvent suer ; qu’ils sont engourdis, & souffrent une espece de contraction : ceux-là, dit-il, tombent dans la consomption.

Une perte de sang excessive après un accouchement laborieux & des efforts imprudens, la suppression des vuidanges, jettent souvent dans des défaillances mortelles. Il y a peu à espérer, quand la syncope succede à la suffocation hystérique ; il y a moins de danger lorsqu’elle l’accompagne. De fréquentes défaillances sont de très-mauvais augure au commencement des maladies aiguës & des fievres malignes, ou lorsqu’elles tendent à la crise qui les termine ; cependant les malades ne sont pas alors absolument desespérés. Les plus terribles syncopes sont celles qu’occasionnent une ardeur & une douleur insupportables dans les petites véroles, au tems de la suppuration ; un violent accès de colere, un émétitique dans un homme déjà affoibli ; l’érosion de l’estomac par les vers, dans les enfans ; l’irritation du poumon par la fumée du charbon, ou par un air infecté ; le reflux des gangrenes seches & humides ; le virus cancéreux. On a vû des syncopes qui ont duré jusqu’à trente-six heures, sans qu’elles ayent été suivies de la mort. Les défaillances dans les maladies chroniques, sont moins dangereuses que dans les maladies aiguës ou dans les fievres malignes. En général l’habitude diminue le danger, & l’examen de la cause doit régler le prognostic.

Aretée a fort bien remarqué que le traitement de la syncope étoit fort difficile, & demandoit une extrème prudence de la part du medecin.

Dans les évanoüissemens legers on se contente de jetter de l’eau fraîche sur le visage ; on frote les levres de sel commun ; on applique sur la langue du poivre ou du sel volatil ; on approche des narines du vinaigre fort, de l’eau de la reine d’Hongrie ; on employe les sternutatoires, & on relâche les habits lorsqu’ils sont trop serrés. Il n’est pas inutile de froter les paupieres avec quelques gouttes d’une eau spiritueuse ; d’appliquer sur la poitrine & sur les autres parties, des linges trempés dans quelqu’eau fortifiante. Si ces secours sont inefficaces, il faut secoüer le malade, l’irriter par des frictions, des impressions douloureuses, préférables aux forts spiritueux. Il faut craindre pourtant l’effet d’une grande agitation dans des corps épuisés. La premiere impression du chaud & du froid, est aussi avantageuse que l’application continue peut être nuisible. Des noyés ont été rappellés à la vie par la chaleur du soleil, du lit, des bains. On étend quelquefois le corps sur le pavé froid ; on fait tomber de fort haut & par jets, de l’eau froide sur les membres.

Un officier qui avoit couru la poste plusieurs jours de suite pendant les grandes chaleurs, arriva à Montpellier, & en descendant de cheval, tomba dans un évanoüissement qui résista à tous les remedes ordinaires. M. Gauteron, l’auteur des mémoires sur l’évaporation des liquides pendant le froid, imprimé avec ceux de l’académie royale des Sciences, année 1709, fut appellé, & lui sauva la vie en le faisant plonger dans un bain d’eau glacée.

On se sert encore de lavemens acres, & avec de la fumée de tabac ; mais on peut les négliger tant qu’il reste des signes de vie, & il ne faut y avoir recours que l’évanoüissement n’ait duré au moins un quart-d’heure. Riviere recommande la vapeur du pain chaud sortant du four. Les syncopes hypocondriaques & hystériques demandent des remedes fœtides, tels que le castoréum, le sagapénum, &c. La teinture de succin est utile dans les défaillances produites par l’agitation des nerfs.

C’est une maxime générale, qu’il ne faut jamais saigner dans l’évanoüissement actuel. On peut s’en écarter quelquefois, pourvû que le corps ne soit pas engourdi par le froid, & que le pouls ne soit pas entierement éteint ; lorsque le poumon a été resserré tout-à-coup par le froid, ou dilaté par une violente raréfaction, dans la pléthore, dans certaines épilepsies, dans des affections hystériques : mais ce remede ne doit être tenté qu’avec une extrème circonspection, & lorsque tous les autres sont inutiles.

Quand les malades ont recouvré l’usage de la déglutition, il faut leur faire avaler un trait d’excellent vin vieux, ou d’une eau aromatique & spiritueuse, telle que l’eau de cannelle, de mélisse, &c.

Dans la suppression des regles ou des vuidanges, il faut employer sagement les emménagogues, & ne pas user de stimulans trop forts, crainte de suffoquer la malade ; & dans les maladies aiguës il faut éviter ce qui dérangeroit l’opération de la nature, en excitant des purgations ou d’autres excrétions. Il faut se défier de la vertu cordiale qu’on donne à l’or, aux pierres précieuses, au bésoard oriental. Un verre de bon vin prévient les défaillances que la saignée produit dans les personnes trop sensibles. Quand le malade est parfaitement remis, il faut employer des remedes qui résolvent le sang disposé à se coaguler, qui pourroit causer des fievres inflammatoires.

Il faut arrêter l’évacuation des eaux des hydropiques, quand ils tombent en défaillance. Il faut aussi resserrer le ventre à mesure que les eaux s’écoulent quand on fait la paracentese dans le bas-ventre : il faut détourner du sommeil d’abord après les défaillances. La saignée est indispensable, quand le cœur & les gros vaisseaux sont embarrasses par la pléthore. Dans les corps affoiblis par les évacuations, il faut disposer le malade dans une situation horisontale ; le repos, de legeres frictions ; une nourriture aisée à digérer, animée par un peu de vin, suffisent pour le rétablir. Dans les épuisemens il faut prendre des bouillons de veau préparés au bain-marie, avec la rapure de corne de cerf, des tranches de citron, un peu de macis, & une partie de vin. Le vin vieux & le chocolat sont de bons restaurans. Lorsque le sang est disposé à former des concrétions, on peut faire usage de bouillons de vipere, de l’infusion de la racine d’esquine dans du petit-lait, &c. De petites saignées dans le commencement, une vie sage & réglée, un exercice moderé, conviennent dans le cas des varices & des anévrysmes. Les anévrysmes & les vices du cœur n’ont que des remedes palliatifs, quoique Lower donne la recette d’un cataplasme, dont l’application dissipa les symptomes que produisoient, dit-il, des vers engendrés dans le péricarde, & qui rongeoient le cœur. Dans les défaillances qui accompagnent les fievres putrides & malignes, on donnera les absorbans, les testacées, les cordiaux legers ; les eaux de chardon beni, de scordium. On tiendra les couloirs de l’urine & de la transpiration ouverts, le ventre libre : on aura recours aux vésicatoires & aux aromates tempérés. On peut donner séparément dans les fievres colliquatives, les acides de citron, d’orange, de limon, le vinaigre & les absorbans ; les anodyns même sont quelquefois nécessaires. M. Chirac a fort vanté les émétiques & les purgatifs, indispensables dans beaucoup de cas ; mortels dans les épuisemens, plénitudes de sang, maladies du cœur, &c.

On connoît les remedes du scorbut, des poisons, des hémorrhagies. Pour calmer le desordre que les passions excitent, il faut joindre à la saignée des boissons chaudes & délayantes. Dans les blessures des membranes, des nerfs & des tendons, il faut dilater les membranes par de grandes incisions, couper les tendons & les nerfs, ou y éteindre le sentiment. Un auteur très-célebre ordonne la saignée dans les maladies hypocondriaques ; il veut encore que dans certaines épilepsies, dans des maux hystériques, on associe avec la saignée les remedes qui donnent des secousses aux nerfs. L’application de cette regle paroît très-délicate, & demande beaucoup de sagacité. Dans les super-purgations il faut donner le laudanum & du vin aromatisé chaud, pendant le jour, de la thériaque à l’entrée de la nuit. Il seroit dangereux de suivre des pratiques singulieres, & d’imiter, par exemple, dans toutes les syncopes qui viennent de la suppression des menstrues, Forestus & Faber, qui nous assûrent qu’une syncope de cette espece fut guérie par un vomitif.

Aretée a crû que dans les maladies du cœur l’ame s’épuroit, se fortifioit, & pouvoit lire dans l’avenir ; mais sans porter la crédulité si loin, on peut trouver un sujet de spéculation fort vaste dans la différente impression que l’évanoüissement fait sur les hommes. Il est des personnes que le sentiment de leur défaillance glace d’effroi, d’autres qui s’y livrent avec une espece de douceur. Montagne étoit de ces derniers, comme il nous l’apprend liv. II. de ses essais, ch. vj. Il est donc des hommes qui ne frémissent pas à la vûe de leur destruction ; M. Addison a pourtant supposé le contraire dans ces vers admirables de son Caton :

— Whence this secret dread and inward horror,
Of falling into nought ? Why shrinks the soul
Back on her self, and startles at destruction ?
’Tis the Divinity that stirs within us,
’Tis Heaven it self, that points out an hereafter,
And intimates eternity to Man.

Mais comment pouvons-nous craindre de tomber dans le néant (of falling into nought), si nous avons une conviction intime de notre immortalité (and intimates eternity to man) ? Il me paroît qu’il est inutile de chercher de nouvelles preuves de l’immortalité de l’ame, quand on ne doute point que ce ne soit une vérité révélée.

Je remarquerai en finissant, que M. Haller dans le commentaire qu’il a fait sur le methodus discendi medicinam de Boerhaave, à l’article de la Pathologie, indique un traité de Lipothymiâ, ou de la défaillance, par J. Evelyn, imprimé avec l’ouvrage de cet auteur sur les médailles anciennes & modernes. Mais M. Haller a été trompé ; c’est une digression sur la physionomie, qui fait partie du livre anglois d’Evelyn, imprimé à Londres, in-fol. en 1697. Cet article est de M. Barthés, docteur en Medecine de la faculté de Montpellier.